jeudi 27 février 2020

Rubrique Cinéma

Le réalisateur espagnol, Alejandro Amenabar, s'est penché sur un épisode douloureux de l'horrible guerre civile en Espagne en 1936 dans son film, "La Lettre à Franco". Dans les premiers mois de la guerre, le général Franco s'impose comme chef de guerre contre les Républicains. Pour évoquer l'irrésistible ascension du Caudillo, le cinéaste a choisi un lieu magnifique, Salamanque, l'université si importante dans la vie culturelle du pays. A la tête de cette belle université, le grand écrivain et philosophe, Miguel de Unamuno, adoube les franquistes qui, selon lui, vont protéger "l'héritage chrétien occidental". Pourtant, le philosophe est un républicain convaincu. Il redoute davantage l'avancée des communistes et ne perçoit pas la peste brune des partisans nationalistes. Il se rend quotidiennement dans un café pour retrouver ses amis. L'un dirige l'église protestante de la ville, l'autre est professeur à l'université. Ils se posent mille questions sur l'arrivée des franquistes mais, le philosophe reste persuadé que tout va s'arranger. En même temps, Franco, homme falot, insignifiant mais aussi hypocrite et trompeur, tisse sa toile d'araignée dans le pays. Il fonde son pouvoir sur la religion chrétienne. Un alter ego, le général bouffon Millan-Astray, cultive l'arrogance, la cruauté et l'idiotie. Ce militaire a inventé le terrible slogan, "Viva la muerte" et stimule les troupes franquistes. Le philosophe assiste à l'arrestation arbitraire du pasteur qu'il ne reverra plus. Et le jeune professeur disparaît aussi sans explication. Le doute commence à ébranler Miguel de Unamuno. Il est destitué de son poste pour un moment et Franco le rétablit plus tard. Alors qu'il doit faire un discours dans l'amphithéâtre de l'université, devant les chefs et les militaires franquistes, il rompt son silence en déclarant : "Vous vaincrez, mais vous ne convaincrez pas". Il est conspué, insulté, menacé et la femme de Franco le reconduit chez lui. Il meurt deux mois après d'une crise cardiaque. Le réalisateur se saisit de ce moment exceptionnel pour dénoncer la barbarie totalitaire, le fascisme, la terreur. Ce film n'évoque pas seulement l'Espagne mais tous les pays en proie à la tentation brune. L'aveuglement d'un intellectuel comme Unamuno s'arrête quand il prend conscience des arrestations de ses propres amis. Franco a malheureusement gagné la guerre et ce dictateur a régné pendant quarante ans… Ce film sobre et classique se regarde avec beaucoup d'intérêt surtout pour moi, petite fille d'un grand-père espagnol que je n'ai pas connu, un républicain ayant accueilli les réfugiés à Bayonne. Je me souviens d'un ouvrage de Unamuno que l'on ne lit plus aujourd'hui surtout en France et qui porte le titre lucide suivant : "Le sentiment tragique de la vie"... L'Espagne avec cette Guerre civile a vécu une des plus grandes tragédies de l'Europe. Un film à découvrir et un philosophe à lire.