lundi 19 octobre 2015

"La condition pavillonnaire"

En regardant sur la 5, "La Grande Librairie", un écrivain avait choisi le roman de Sophie Divry, "La condition pavillonnaire". Je l'ai donc découvert et tout au long des pages, le portrait de M.A. (qui ne porte pas un prénom alors que les membres de sa famille en sont dotés) m'excédait un peu, tellement elle symbolisait une Madame Bovary "populaire" du XXe siècle. L'auteur s'adresse à elle en la tutoyant et relate sa vie avec un accompagnement très précis de son mode de vie matérielle. Tout y passe : les appareils électro-ménagers, les voitures, la maison, le travail salarié, le jardinage, etc. Tous les faits et gestes de la vie quotidienne sont décrits à la façon d'un Georges Perec. Dans ce magma d'objets, le personnage central du roman vit une enfance choyée, fait des études commerciales, rencontre son compagnon, se marie, donne naissance à trois enfants, travaille dans une entreprise de meubles, s'entiche d'un collègue, trompe son mari, voit partir ses enfants à l'université, mène une vie sociale, vieillit et tombe malade. Et dominant toute sa vie, somme toute bien réglée, bien classique, rôde l'ennui comme dans l'existence de Madame Bovary dans le bocage normand. Pourtant elle possède tout ce dont rêve une femme "traditionnelle" : une famille, une maison, un travail, des activités sociales et même, audace oblige, un amant de passage. Un certain vide l'habite, un manque la submerge, cet ennui existentiel lui procure une insatisfaction permanente. La condition "pavillonnaire" représente l'humaine condition pour Sophie Divry : quel est le sens de la vie ? Comment vivre ? Que faut-il faire pour parvenir à une satisfaction de l'être ? M.A. rêve toujours à "autre chose" : elle se sent limitée, cernée, prisonnière de son existence banale et ordinaire. Pourtant, elle est aimée des siens, elle vit dans un certain confort (le pavillon), elle se divertit (yoga, associations, sorties). Quand son amant la quitte, elle craque... Mais les devoirs familiaux et conjugaux la remettent sur le chemin. Ce portrait réaliste d'une femme "inassouvie" est peint avec une dose d'ironie et de distance qui semble suggérer au lecteur(trice) : "ne laisse pas ta vie t'échapper, fuis la conformité, la banalité, l'encombrement des objets", c'est à dire la société de consommation. Ce roman "sociologique" nous parle de la vie d'aujourd'hui, d'une vie matérielle un peu trop prenante et prégnante... Un roman original, plein d'humour et d'ironie sur notre vie moderne.