mardi 5 février 2019

"Serotonine"

Le dernier Houellebecq, son septième roman, "Sérotonine" ressemble comme un petit frère à tous les aînés de la fratrie. Le narrateur, Florent-Claude Labrouste, âgé de 46 ans, survit grâce à un antidépresseur, le Captorix, basé sur la sérotonine, l'hormone dite du bonheur. Très déprimé, cet ingénieur agronome parcourt une certaine France, oubliée par la mondialisation. Le narrateur décide de quitter son travail et entame une déambulation à travers le pays pour trouver peut-être une issue à sa crise existentielle. Entre son ami agriculteur qui subit de plein fouet la faillite de son entreprise agricole et sa relation amoureuse avec une femme japonaise, Yuzu, le narrateur explore un pays où le bonheur de vivre s'est un peu absenté. Comme dans tous les ouvrages houellebecquiens, la neurasthénie du anti-héros rythme sa vision pessimiste de la vie : amours impossibles, amitiés superficielles, sexualité pornographique, misogynie, naufrage des corps et absence d'espoir. Dès la première page, il dit de lui-même : "Je n'ai jamais été capable de contrôler ma propre vie, bref, il paraissait vraisemblable que la seconde partie de mon existence ne serait, à l'image de la première, qu'un flasque et douloureux effondrement". Mais, pour apprécier cet écrivain iconoclaste, il faut lire ses textes comme une tentative de survie dans un monde complexe où les individus ne maîtrisent plus leur propre destin. Il dénonce la mutation d'un monde paysan en perte d'identité. Son ami agriculteur finira même par se suicider. Un constat glacial et lucide. La seule consolation que le narrateur s'accorderait réside dans une dernière et belle histoire d'amour. Il songe à Camille qu'il a aimée mais il l'a trompée bêtement. La jeune femme l'a quitté et Florent-Claude ne l'a jamais oubliée. Il part à sa recherche. Je ne dévoilerai pas la fin du roman qui se termine comme un thriller. Dans la revue hebdomadaire le Numéro 1, consacré à la France de Houellebecq, Agathe Novack-Lechevalier, responsable d'un Cahier de l'Herne sur l'écrivain, raconte sa fascination : "Chez Houellebecq, l'urgence est du côté de l'écriture, pour se sauver, il faut écrire ; mais, il y a aussi une résonance du côté de la lecture, pour se sauver, il faut lire". "Sérotonine", un grand roman réaliste et j'ose le dire,  d'un romantisme échevelé… Au fond, Michel Houellebecq cherche son double à travers une compagne de vie. Mais comme il ne la trouve pas, sa vie est une perpétuelle quête nervalienne. Il paraît que l'écrivain s'est récemment marié. Son prochain livre va peut-être nous donner la clé du bonheur… Je ne le reconnaîtrai plus, Michel Houellebecq…