samedi 31 décembre 2011

Pour un compte rond

J'ai voulu établir un compte rond pour mon blog en 2011. En effet, j'ai écrit 190 billets tout au long de ces cinquante deux semaines en essayant de respecter mon rythme de quatre billets par semaine les lundi, mardi, jeudi et vendredi. Cette discipline d'écriture me convient comme si je m'adonnais à une heure de marche par jour (ce que je ne fais pas régulièrement à cause de la météo ou du planning de la journée). Mais l'acte d'écrire quotidiennement représente ma gymnastique du cerveau, une mise en forme mentale. Ce blog sert à dérouiller mes méninges, mais surtout à vous donner envie de lire les romans que j'aime, les écrivains que j'aime, de suivre le milieu littéraire qui a toujours été pour moi un monde privilégié où l'imagination, la sensibilité, les sentiments, les idées, les relations humaines décryptées apportent un plus dans ma vie quotidienne. Rendre compte de ses lectures, suivre l'actualité littéraire, parler d'écrivains, de poètes et d'essayistes, sont des actes "créateurs", qui m'apportent une plénitude et une sérénité certaines. En 2012, je sais que je vais continuer d'enrichir mon esprit grâce à la littérature en découvrant des nouveaux talents, des nouveaux écrivains et rester fidèle à tous ceux et celles que je lis depuis des décennies. Je souhaite donc à tous mes lecteurs et lectrices une belle année 2012, une année fertile en bonheurs de lecture... avec une santé de fer car lire demande aussi de l'énergie...

vendredi 30 décembre 2011

"Premier bilan après l'apocalypse"

Voilà encore une bonne idée de cadeaux pour un anniversaire, une fête, le nouvel an, etc. Frédéric Beigbeder nous offre une sélection de ses lectures les plus marquantes qu'il numérote de 99 à 1. Ce livre a le mérite de vous proposer cent lectures à picorer, à découvrir ou à re-lire. Le choix est totalement de mauvaise foi de la part de cet écrivain béarno-parisien atypique, humoristique, décalé, anticonformiste, glamour et snob... J'ai débusqué quelques jolies surprises. Je ne tiens pas compte du rang de classement qui est plus formel que hiérarchique. J'ai remarqué des goûts communs avec Beigbeder pour "Les choses" de Perec, "Chéri" et "le blé en herbe" de Colette, "Un homme" de Philip Roth, le "Journal" de Larbaud, "Si c'est un homme" de Primo Lévi, "La route du retour" de Jim Harrisson, "La ferme africaine" de Karen Blixen. Puis, il me donne envie de découvrir des classiques intemporels que je n'ai jamais lus comme "Le loup des steppes" de Hesse, "Paludes" de Gide. Sa liste est tellement hétéroclite que l'on peut puiser des idées de lecture dans tous les styles et tous les genres. Cet ouvrage original est un vrai travail d'écrivain, rempli d'anedoctes sur les auteurs et les livres choisis. On sent qu'il adore la littérature américaine et donne une grande place à des écrivains mythiques comme Hemingway, Kerouac, Bret Easton Ellis, James Salter, Henry Miller, Jay McInerney, Fitzgerald, etc. J'ai quand même constaté une surprise quand Frédéric Beigbeder intégre dans sa liste, le poète béarnais Paul-Jean Toulet, que peu de lecteurs connaissent. Frédéric Beigbeder nous conseille "Les contrerimes", "Mon amie Nane" et "La jeune fille verte". Je soupçonne avec sympathie une certaine solidarité entre Béarnais... L'introduction du livre est un plaidoyer sincère pour l'objet-livre et je me sens proche de cet écrivain quand il avoue sa détestation du livre numérique et de l'invasion inéluctable des écrans dans nos vies. Donc, un livre à garder chez soi, dans sa bibliothèque...

jeudi 29 décembre 2011

"J'ai réussi à rester en vie"

Beaucoup de lecteurs connaissent l'écrivaine américaine Joyce Carol Oates. Elle a écrit une bonne cinquataine de romans, tous puissants, efficaces, comportant des personnages hors normes. Je garde des souvenirs très forts de certains titres surtout ses derniers comme "Les chutes", "Fille noire, fille blanche", "La fille du fossoyeur", "Blonde". De toutes façons, quand on entreprend la lecture d'un roman de J.C. Oates, on ne s'ennuie jamais. Certains lecteurs n'apprécieront pas le degré de violence des personnages qu'elle décrit mais elle ne prend pas de gants avec la nature humaine qu'elle estime plutôt "malade" que bien portante. Son oeuvre romanesque prend des allures de roman policier tout en restant profondément littéraire. La presse a souvent cité son nom pour le Prix Nobel de littérature mais elle ne l'a pas encore obtenu. Le jury devrait réagir vite pour couronner une femme-écrivain dont l'imagination foisonnante, le style vivant très abordable pour le public, la description d'une Amérique loin des clichés et des masques plaident sa cause de "nobélisable". Le dernier livre de Joyce Carol Oates est son journal intime au titre si significatif : "J'ai réussi à rester en vie". Elle raconte la mort soudaine de son mari, atteint d'une pneumonie. En l'accompagnant aux urgences, il est contaminé par une bacterie qui lui sera fatale. Et Joyce Carol Oates se retrouve du jour au lendemain veuve sans vraiment assimiler cette perte irréparable. Ce journal, écrit au scalpel, décrypte ces moments de sidération, de chagrin permanent, d'hallucinations. Elle analyse son état si spécial de veuve et se demande tout au long du journal si elle va "tenir". Elle pense au suicide comme une libération. Vivre dans la maison, traverser le jardin, accomplir les tâches quotidiennes, revoir des amis communs, lire le courrier et les journaux, travailler avec ses étudiants, la maintiennent en "vie". Ce journal montre la force vitale de l'écrivaine. Quand elle subit un "zona" dévastateur pour son corps, elle se défait des pillules dormantes et se soigne enfin pour trouver un équilibre précaire mais qui l'éloigne de l'idée d'en finir. Ce très beau témoignage fait partie des meilleurs livres de l'année 2011. Je suis même étonnée que la revue Lire ne l'ait pas retenu dans sa sélection. Dans tous les cas, ce journal est bouleversant d'humanité, de nostalgie et Joyce Carol Oates nous révèle que le bonheur est fragile et que le malheur peut surgir à tous moments...

mardi 27 décembre 2011

"J' 'habite près de mon silence"

J'éprouve une sympathie vive pour ce poète français, écrivain de "fragments", épistolier réputé. Il se nomme Georges Perros. Je collectionne ses oeuvres rares et j'aime les relire régulièrement. En quelques mots, il est né en 1923 et meurt en 78, âgé de 53 ans. J'ai trouvé sur le site Evene, la notice biographique suivante : "Georges Perros, de son vrai nom Georges Poulot, passe une enfance paisible dans le quartier des Batignolles à Paris. Après plusieurs déménagements, il s'installe à Rennes et s'inscrit au Conservatoire de musique avant de changer d'avis et de choisir l'art dramatique. En 1941, il abandonne l'école pour se consacrer pendant plusieurs années à cet art au Centre du spectacle. Il assiste régulièrement au cours de Paul Valéry au Collège de France et à celui de Vladimir Jankélévitch. Reçu au Conservatoire d'art dramatique, il joue dans de petits rôles. Son deuxième prix de Comédie, obtenu en 1948, lui permet d'entrer à la Comédie française (...) Lecteur assidu, il est engagé au TNP de Jean Vilar et devient rédacteur pour la N.R.F. dans les années 1950. Il entreprend alors plusieurs séjours en Bretagne et publie les premiers 'Papiers collés', 'Les Poèmes bleus' et 'Une vie ordinaire', recueils de ses notes de lectures. En 1971, il obtient le prix Valéry Larbaud, récompensant son oeuvre. Trois ans plus tard, il est récompensé par le prix Bretagne pour 'Papiers collés II'. Atteint d'un cancer, Georges Perros décède à l'âge de cinquante-cinq ans."
Pour aller plus loin, il faut absolument découvrir "Papiers collés", "Lexique" précèdé de "En vue d'un éloge de la paresse", "Une vie ordinaire", "Poèmes bleus". Je vous offre un extrait du poème "Les Marins", trouvé dans ce recueil intitulé "J'habite près de mon silence" (quel beau titre !) :
"Car rien ne vaut
L'amour du vent
L'amour des flots
La mer sait laver nos blessures
Notre remords
Elle rassure
L'éternité y fait son nid
L'eau à la bouche
L'air au cri."
Je reviendrai sur ce poète et écrivain dans mon blog et vous offrirez des aphorismes, des pensées, des fragments de textes de Georges Perros. Il fait partie de ces phares discrets du monde littéraire qui éclairent et rassurent les lecteurs parfois secoués par la vie tempé-tueuse...

lundi 26 décembre 2011

"Le premier été"

Ce roman d'Anne Percin, édité aux Editions du Rouergue, m'a touchée et je me souviens bien de sa "petite musique" de son précédent, "Le bonheur fantôme". Dans ce "Premier été", l'histoire se situe en Haute-Saône dans un petit village de la France profonde. Deux soeurs passent l'été dans la ferme de leurs grands-parents. Elles sont adolescentes et pensent à leurs premières rencontres avec des garçons de leur âge. L'une, la benjamine, aime lire et évoque le charme magique du "Grand Meaulnes". Elle se refugie souvent dans le grenier et deviendra même une "libraire" solitaire, plus tard dans sa vie d'adulte. Les deux soeurs reviennent dans cette ferme pour la vider à l'occasion du décès de leurs grands-parents. Catherine se souvient avec émotion d'un été particulier, le "premier été", celui où elle a rencontré un garçon de son âge un peu mystérieux et très beau. Elle s'abandonnera à lui dans une soirée festive sans le connaître et sans lui parler. L'influence des lectures "romanesques", le comportement de sa soeur et des garçons du village à la recherche des amourettes adolescentes, et finalement l'ambiance estivale provoquent en elle ce passage imprudent à l'acte sexuel sans protection. Ce drôle de garçon appartient à une famille marginale dans le village et il est décrété "idiot" et moqué avec cruauté. Comment va réagir Catherine face à l'opprobe générale ? Aura-t-elle le courage d'assumer son geste ? Je ne veux pas dévoiler la fin pour vous donner envie de le découvrir. Je note dans ce roman une atmosphère particulière loin de la niaiserie et de la naïveté que l'on rencontre souvent dans les portraits d'adolescents. La lâcheté de Catherine et la cruauté sociale envers ceux qui ne sont pas "comme les autres" donnent un sentiment doux-amer à ce livre d'éducation sentimentale. Je suivrai dorénavant l'aventure littéraire d'Anne Percin. Je vous laisse donc découvrir ce roman si sensible et si subtil...

vendredi 23 décembre 2011

Quand une femme politique avoue

Cette femme est députée PS et elle raconte dans le journal Le monde que la littérature l'a sauvée. En surfant sur le Net pour m'informer des actualités du jour, je suis tombée sur cet aveu "courageux" car nombre de nos hommes et de femmes politiques ne dévoilent guère leurs passions culturelles. C'est bien dommage, car ils deviendraient plus "nobles" à mes yeux. Aurélie Filipetti, Députée de la Moselle, nous parle donc de son professeur de français qui l'a initiée à la littérature et lui a offert une Pléïade de Yourcenar. Pour cette femme politique, chargée des affaires culturelles de François Hollande, la littérature représente donc une "libération intellectuelle". Je considère que le rôle des professeurs de français est donc primordial pour l'éducation littéraire des élèves. L'initiation à la langue française, à ses écrivains, poètes, dramaturges et essayistes devient une mission indispensable, précieuse et merveilleuse pour tous nos collégiens et lycéens de France... J'espère qu'Aurélie Filipetti sera un jour Ministre de la culture quelque soit le gouvernement qui sortira des urnes et protégera les librairies, les bibliothèques, le monde de l'édition et évidemment tous ceux qui écrivent, pensent, et font que la vie littéraire et intellectuelle soit riche d'imagination et d'idées. J'attends les déclarations des goûts littéraires et des passions culturelles de tous ceux qui se présentent aux élections... Vous allez me dire que c'est idiot de se montrer aussi optimiste mais c'est Noël quand même... Je vous souhaite un Père Noël libraire avec plein de livres sous votre sapin !

jeudi 22 décembre 2011

Le cahier Livres de Libération

La première page du journal Libération m'a attirée pour son titre : les 25 livres de l'année. Il est rare de voir un titre aussi alléchant pour ceux qui aiment passionnément la littérature et les livres. Le cahier Livres de ce jeudi 22 décembre propose une sélection des meilleurs livres choisis par le journal et par des artistes. On y trouve aussi des articles très intéressants nommés rencontres littéraires avec François Bon, Marielle Macé et Jean-Marie Schaeffer. Dans la liste de Libération, je remarque les grands noms de la littérature étrangère comme Grossman, Handke, Franzen, Murakami, Benet, Burnside, Mc Ewan, etc. Pour les écrivains français, peu d'élus dans la liste. Les artistes ont choisi des livres plus décalés par rapport à la critique officielle. Je note la présence de "Clèves" de Marie Darrieussecq, "le dépaysement" de Bailly. Ces conseils de lecture me plaisent et quand des artites ou des écrivains parlent de leurs coups de coeur, j'ai envie de les emprunter ou de les acheter. En fin d'année, je communiquerai ma liste de mes vingt livres préférés sur les quatre vingt ouvrages que j'ai lus en 2011. Les rencontres littéraires nous éclairent sur l'acte de lecture et je ne peux pas m'empêcher de citer Marielle Macé qui répond à cette question : "Ne faut-il pas pourtant s'extraire du monde pour lire ?" Réponse de Marielle Macé : "C'est vrai, pour lire on commence par se retrancher, et même par se défaire du monde environnant et de ses exigences. La lecture sépare physiquement, voire socialement : on décide de suivre une ligne qui reste invisible à autrui, on acquiesce à un certain silence, à un autre état de conscience, on se laisse assiéger par une autre voix autre qui façonne entièrement, pendant un temps, notre bande-son intérieure. Le livre est comme un habitat concurrent de notre habitat ordinaire - Pascal Quignard dit qu'un lecteur se retrouve "seul chez son livre" - comme s'il demeurait tout à coup dans une maison étrangère. Mais dans ce retournement, on ne tourne pas le dos au monde. A vrai dire, on passe son temps, en lisant, à lever les yeux de son livre ; Barthes avait une belle formule pour décrire cette respiration entre le livre et le monde, ce battement assez particulier de la lecture : Ne vous est-il jamais arrivé de lire en levant la tête ?" non par désintérêt mais bien par afflux d'idées, d'associations, de réactions, de mises en rapports, non seulement on ne quitte pas la vie en lisant, mais ce qui se passe dans la lecture a presque toujours un avenir dans notre vie." C'est sur cette belle réponse que je termine ce billet...

mercredi 21 décembre 2011

"la faute de goût"

Ce roman de 113 pages, bref et percutant, avait été remarqué à la rentrée littéraire. Je l'ai lu en deux petites heures et vraiment ce bijou de littérature mérite le détour. Caroline Lunoir, née en 1981, a écrit son premier roman, édité, il faut dire, chez un éditeur aussi prestigieux que Gallimard, Actes Sud dans la collection "Un endroit où aller", collection particulièrment riche de très beaux titres. Pourtant, l'histoire est d'une simplicité rare : la narratrice rejoint sa grande famille dans la maison de vacances. Les relations familiales sont décrites avec lucidité et tendresse. Le début du roman démarre ainsi : "Le début des vacances résonne dans la gare et dans ma tête. J'attends que l'on vienne me chercher, mon sac à mes pieds. Le préau de l'arrivée brûle sous un soleil impassible." Le lecteur suit les vacances de notre narratrice dans cette grande famille bourgeoise. Le patriarche propose à la gardienne de profiter de la piscine quand les membres de la famille ne se baignent pas. La piscine de la propriété est une nouveauté de la saison. Or, Rosana va prendre le grand-père au mot et va se baigner. Et là, le roman bascule dans la satire sociale et le clivage de classe. Cette baignade, au fond, hérisse le clan et avec des remarques subtiles, Caroline Lunoir établit un constat social sur ce sentiment de classe de ces bourgeois pourtant éclairés et cultivés. J'espère que ce premier roman sera suivi par un deuxième : Caroline Lunoir possède une écriture très fluide, et le sujet de son livre est toujours d'actualité. Une grande réussite pour un début de carrière littéraire.

lundi 19 décembre 2011

"L'appel de la rivière"

J'avais lu il y a un deux ans "La société des Jeunes Pianistes" du Norvégien Ketil Bjornstad aux Editions Lattès. J'avais aimé ce roman dédié à la musique classique avec son héros Aksel Vinding, prodige du piano. Dans le premier tome, il perd son amour, Anja Skoog, qui meurt d'anorexie. Dans le deuxième tome, le lecteur retrouve Aksel et surtout la présence de la musique avec des réfèrences continuelles sur Bach, Schubert, Beethoven, Brahms, Malher et leurs sonates au piano que notre pianiste étudie avec acharnement pour rendre la "densité" musicale. Si on n'aime pas le piano, il est inutile de lire ce gros roman de 497 pages. Par contre, si on aime la Norvège et ses paysages de neige, si on aime suivre le destin de ce jeune pianiste qui doute de son talent et de sa technique musicale, si on aime les personnages compliqués, embourbés dans des dépressions inguérissables, si on aime la description de relations amoureuses atypiques, vous pouvez vous lancer dans ces centaines de pages et vous écouterez en prime les nombreuses sonates que l'écrivain norvégien décrit dans ces pages. J'ai voulu après les avoir lus, les écouter et je voyais les mains de notre jeune héros sur un piano mythique. Notre héros pleure son Anja disparue, et il va pourtant accepter de partager la maison de la mère d'Anja et devenir son amant. Le portrait du professeur de piano, Selma, correspond bien à l'idée que l'on se fait d'une musicienne "diva", dans ce milieu si particulier de la musique classique. Il est rare de trouver des romans qui se situent dans ces milieux de l'art musical. L'auteur du livre est lui-même compositeur et musicien, cela ne m'étonne guère. On ne peut décrire ce milieu sans en faire partie. Je vous le recommande comme un très bon roman musical et comme un éloge total et définitif du piano.

vendredi 16 décembre 2011

Le kindle

Quelle drôle de mot pour qualifier ce support numérique dont on voit la publicité dans la presse en ce moment... Kindle signfie allumer et en français, le kindle se nomme "liseuse sans fil à écran tactile". Un article du Monde, daté du samedi 10 décembre dans le cahier "Culture et idées", parle de "Lecture réinventée" en abordant l'impact de ce nouvel outil numérique. En 2010, 30 000 kindles se sont vendus et en 2011, 100 000 unités de ce gadget informatique vont se vendre. Il semblerait que le confort de lecture s'est considérablement amélioré, qu'on peut lire 30 minutes par jour pendant un mois sans le recharger. Le kindle se veut aussi pratique qu'un vieux livre. Il peut être "corné", annoté, feuilleté. Bref, un livre parfait ! Pourtant, je résiste alors que je pourrais stocker 1400 oeuvres littéraires. C'est plus fort que moi, j'ai demandé à mon entourage familial de ne pas m'offrir ce jouet pour adulte. Evidemment, quand on prend le métro pendant des heures, quand on voyage souvent, quand on aime l'informatique à la folie, je comprends l'engouement des amateurs pour ce lieu de stockage inoui. Mais cela demeure pour moi un objet froid, trop fonctionnel, une machine qui ressemble à un Ipod ou à une mini-tablette. Nous sommmes déjà tellement saturés de technologie, d'écrans, de téléphones, de gadgets... Quand on saisit un livre dans ses mains, il est beaucoup plus pratique pour l'ouvrir, le feuilleter, grapiller une phrase par hasard, noter l'éditeur, le nombre de pages, le format. Vous constaterez mon agacement concernant cette invention qui va soi-disant révolutionner l'écriture et la littérature. Je mène peut-être un combat d'arrière-garde mais certains supports informatiques, se chassant les uns les autres, provoquant souvent des dépenses inconsidérées, me semblent des objets frôlant l'inutilité... Donc, pas de kindle sous mon sapin !

jeudi 15 décembre 2011

Annie Ernaux, un beau cadeau de Noël

Noël est un moment privilégié pour les cadeaux. En tant qu'adulte, il faut saisir cette occasion pour se faire plaisir. Pour moi, offrir des livres ressemble à un geste "d'écologie intellectuelle durable". Les livres que nous recevons à Noël deviendront des souvenirs de tendresse. C'est ainsi que j'ai reçu deux belles Pléïades de ma soeur et de mon frère qui ont eu cette idée géniale de m'envoyer les deux Duras, ce qui représentent des milliers de pages et des centaines d'heures de lecture. J'ai lu Marguerite Duras dans les années 70 et 80 et je vais me faire un "sacré" plaisir de relire "Un barrage contre le Pacifique", "Les petits chevaux de Tarquinia", et tous les textes de cette grande dame sulfureuse de la littérature française. Je vais vous donner aussi une autre idée de cadeau pour ceux et celles qui apprécient les oeuvres complères réunies : "Ecrire la vie" d'Annie Ernaux. Ce volume contient tous les romans et récits d'Annie Ernaux, dont les principaux : "Les armoires vides", "La femme gelée", "La place" et même son dernier récit "Les années". Ce livre, édité chez Gallimard dans la collection Quarto, propose un dossier de 100 pages de photos personnelles accompagnées d'extraits du Journal intime inédit. J'aime beaucoup l'oeuvre d'Annie Ernaux et j'ai voulu en achetant cette sorte de Pléïade brochée, m'offrir un beau cadeau de Noël pour un coût très modique (25 euros pour 1084 pages) !

mardi 13 décembre 2011

"Le Héron de Guernica"

Ce roman avait été remarqué par la Fnac à la rentrée littéraire de septembre. Son sujet m'intéressait car la Guerre d'Espagne a touché une partie de la famille de mon père, né de parents espagnols en France. J'ai même appris par un cousin germain que mon grand-père, le père de mon père, avait aidé les réfugiés républicains en 1936 dans sa commune, Le Boucau, près de Bayonne. Mon père n'a jamais mentionné les déchirures familiales du côté espagnol, entre les "Rojos" et les franquistes. Je reviens au roman, "Le héron de Guernica", écrit par Antoine Choplin aux Editions du Rouergue. Le personnage central, Basilio, dessine des hérons qu'il observe dans les marais. L'histoire se situe en 1937 à Guernica. Le mot Guernica est sacré pour les Basques. Basilio capte l'infinie beauté du héron cendré et n'est obsédé que par cette volonté de peindre en rendant l'oiseau vivant dans sa toile. Cependant, l'Histoire tragique fait une irruption brutale dans le roman. Basilio sera témoin du carnage. Et le plus grand peintre du vingtième siècle, Picasso, témoignera de cet acte de guerre dans le plus célèbre de ses tableaux "Guernica". Antoine Choplin a utilisé une écriture simple et sobre avec des phrases très courtes, et des descriptions dépouillées de "gras"... La Guerre civile espagnole demeure toujours un sujet sensible et nostalgique quand on connaît les années franquistes qui suivront. Ce jeune Basilio, jeune artiste un peu original, attire l'adhésion du lecteur dans sa volonté de peindre à tout prix son "héron", pour préserver la beauté du monde malgré l'horreur de la guerre.

lundi 12 décembre 2011

"Un cercle de lecteurs..."

Dès qu'un roman évoque la lecture, les lecteurs, l'art de lire, l'art de se retrouver autour des livres, j'ai envie de me le procurer. Je l'ai donc acheté et lu avec plaisir. Voilà un livre bien sympathique, un peu brouillon dans la structure, sans véritable intrigue. Ce cercle de lecteurs dans un contexte rural et convivial se déguste avec délectation. Le titre exact du roman de Jean-Pierre Otte sent bon la province et le terroir : "Un cercle de lecteurs autour d'une poêlée de châtaignes" aux Editions Julliard. Il ne se passe pas grand chose dans ce roman mais ça fourmille d'anecdotes, de réfèrences littéraires, de rencontres, de visites et surtout de portraits de lecteurs passionnés et motivés par le souci de se retrouver, de parler, d'échanger. L'acte de lecture perd son statut solitaire et se transforme en acte solidaire. Ce "tous ensemble" s'affiche pour rompre l'isolement du lecteur.
Je peux glaner des phrases entières sur ce compagnon si précieux : "Il semble, par je ne sais quelle attraction magnétique, que certains livres attirent aussitôt à eux les lecteurs à qui ils sont destinés. Mais d'autre fois, non. Les livres leur arrivent par lents détours, par accident ou sur la recommandation parfois d'un proche, mais quelquefois, ils ne les atteignent jamais. Et c'est fâcheux, car, enfin, un livre n'existe vraiment que dès lors qu'un lecteur l'a recréé en lui-même."
En ces temps d'actualités moroses, il est bon de déguster au coin du feu ce livre avec une poêlée de chataignes, accompagnée d'un petit blanc de Savoie...

vendredi 9 décembre 2011

Festival du Premier Roman

Pour le mardi 13 décembre, j'ai lu deux premiers romans : "Allée 7, Rangée 38" de Sophie Schulze aux Editions Léo Scheer et "Comme elle vient" de Raphaëlle Riol aux Editions du Rouergue. Je n'ai trouvé aucun point commun entre ces deux romans. L'un est écrit sobrement, par fragments et aborde le destin d'un Allemand qui fuit son pays, devient Français après un engagement à la Légion étrangère. Ce destin dans la tourmente de l'Histoire du XXème siècle est décrit en parallèle avec les destins de trois philosophes allemands, Nietzsche, Heidegger et Hannah Arendt. Ces trois références pourraient intimider le lecteur mais bien au contraire, l'évocation de la vie quelque peu agitée de ces trois philosophes rythme le récit en opposant ces vies différentes. En s'attachant à décrire la vie d'un homme simple et les vies des plus grands esprits du XXème siècle, Sophie Schulze a réussi un pari audacieux, celui de proposer un roman original et émouvant. Cela me rappelle une phrase de Malraux : "Une vie ne vaut rien mais rien ne vaut une vie". Cet allemand honnête et courageux repose dans cette "Alleé 7, Rangée 38" et ce titre sec et administratif identifie la tombe de ce Français si particulier, et je propose un sous-titre : "Chaque vie est unique". Ce petit roman est une vraie réussite littéraire.
Pour le second livre, changement total de registre et de ton. Le style parlé de la jeune narratrice, l'histoire familiale en crise, l'humour, masquent la tragédie finale quand on apprend la vérité sur la disparition de la mère de famille. J'ai lu jusqu'au bout ce roman au style emporté, vif et teinté d'humour. Quand la mère disparaît, tout change dans la vie de famille et chacun doit retrouver des repères pour survivre. Je ne raconte pas la fin de l'ouvrage, le retour au foyer de la mère se réalisera mais je préfère garder le silence... Bon premier roman.

jeudi 8 décembre 2011

Une Fnac à Chambéry

Un quartier de Chambéry a pris un coup de jeune avec la création des nouvelles halles et de grands magasins intégrés dans cet ensemble. Bientôt, un complexe de dix salles de cinéma sera ouvert et attirera plus de monde au centre ville, souvent délaissé à cause du manque de "modernité". J'ai fait comme beaucoup de Chambériens en visitant la Fnac, ouverte le 3 décembre. Evidemment, je me réjouis d'une installation supplémentaire pour l'offre culturelle. Je préfère une Fnac qu'une banque ou un magasin de vêtements... Mais, quand j'ai pénétré à l'intérieur, j'ai pensé au concept uniforme de l'enseigne "grande ville". En arpentant les différents espaces consacrés à l'informatique, à l'audiovisuel, aux CD, DVD et jeux vidéos, je croyais me trouver à Grenoble, Paris, Annecy, et autres grandes villes. Pour les livres, mêmes tables, mêmes rayonnages qu'ailleurs. Cette identité commune à toutes les Fnac du monde en fait un magasin qui rassure, qui donne un label "chic" urbain, puisque les jeunes, les moins jeunes et même les "âgés" consultaient fièvreusement les nombreuses "gondoles" de présentation des "nouveautés" dans tous les genres culturels. J'ai vite fait le tour et je me suis dirigée vers une "vraie" librairie qui ne vend que des... livres : concept ennuyeux pour certains mais je me suis sentie moins oppressée et plus disponible pour feuilleter en toute tranquillité et sérénité les livres qui attendaient des mains amies pour les caresser et les toucher. J'aime le hasard du regard sur les étagères car j'ai déniché un ouvrage d'un de mes écrivains préférés : Georges Perros et je suis repartie avec son recueil au très beau titre : "J'habite près de mon silence" aux Editions Finitude. Ce livre de poésie a rejoint les ouvrages de Georges Perros dans ma bibliothèque. Avant de le ranger, je vais le lire et le relire et vous offrirai un poème plus tard dans mon blog. Je ne l'ai pas rencontré à la Fnac, Georges Perros, mais dans une des librairies les plus anciennes de Chambéry, unique en son "genre" et pas dupliquées à l'infini...

mardi 6 décembre 2011

Rubrique cinéma

J'avais envie d'aller voir "Les Neiges du Kilimandjaro" du réalisateur Robert Guédiguian avec Ariane Ascaride et Jean-Pierre Daroussin. Chose faite lundi pour la séance d'un cinéma de quartier à 14h30. Nous étions une petite trentaine de spectateurs, ce qui équivaut à une fréquentation record pour cet horaire et ce jour de semaine. D'habitude, on est deux, trois, cinq... Le film démarre et le charme opère sur moi à la première minute. Le monde de Guédiguian est notre monde de tous les jours avec des gens ordinaires, normaux, vrais. Il s'agit de l'histoire d'un couple d'ouvriers pour qui le travail est une conquête pour vivre mieux et à l'abri du besoin. Les premières images sont fortes : un tirage au sort, organisé par le syndicat, permet de licencier une vingtaine d'ouvriers pour que l'entreprise survive. Ensuite, le héros principal est malgré tout tiré au sort et part en "pré-retraite". La camaraderie de ce monde va lui manquer et on le suit dans cette nouvelle identité de "retraité", moment difficile à vivre pour tous ceux qui ont construit leur existence sur le travail. Après un fête de leur anniversaire de mariage, où les amis, collègues et la famille s'étaient cotisés pour leur offrir un voyage au Kenya, le film bascule dans la tourmente. Lors d'une soirée, deux hommes cagoulés font une irruption brutale et dérobent la cagnotte et les billes d'avion offerts pendant leur fête. Je ne vais pas dévoiler la fin du film, il vaut mieux aller le voir. La violence sociale, le désespoir du chômage, la misère morale, la jalousie de classe, la pauvreté sont les thèmes du film. La solidarité et la générosité prendront le dessus et le couple formé par Daroussin et Ascaride symbolise encore l'espoir et la tendresse dans un monde voué à l'individualisme et au cynisme. Un homme sans travail perd toute sa dignité : le jeune ouvrier exclu de l'entreprise, exclu de la société, ne demandera pas pardon et donnera une leçon à tous ceux qui ont acquis une certaine sécurité. Conflit de générations, conflit de méthodes, conflit de visions de la vie, voilà un film français sur la crise des valeurs, sur la crise sociale qui marque l'esprit du spectateur et qui nous dit : "Attention à la tentation du repli sur soi et de l'égoïsme..." Un film de qualité, avec un militantisme assumé à gauche ! Elle existe bien cette générosité naïve et cette solidarité de classe, mais cela nous change des hautes sphères dans le cinéma d'aujourd'hui. La classe ouvrière est en voie de disparition dans le cinéma français. Comptons donc sur Robert Guediguian pour nous montrer sa complexité et ses désillusions.

lundi 5 décembre 2011

Les vingt meilleurs livres de l'année

J'attends cette sélection comme un rite de fin d'année, et si la revue Lire renonçait à cette tradition, je la regretterais... En 2011, le meilleur livre de l'année est donc le roman de David Grossman, "Une femme fuyant l'annonce" aux Editions du Seuil. Ce roman avait déjà été primé par le prix Médicis. Et les critiques littéraires ont été à l'unisson pour qualifier ce livre de "chef d'oeuvre", ce qui est rare de nos jours. Je l'avais mis dans ma liste d'ouvrages à lire et je vais donc me le procurer. Voici la liste des romans élus par la revue :
- Meilleur roman étranger : Jonathan Coe pour "La vie très privée de Mr Sim"
(roman formidable de cet écrivian anglais que j'aime vraiment beaucoup)
- Meilleur récit : Emmanuel Carrère pour "Limonov"
- Premier roman français : l'incontournable Alexis Jenny pour "L'art français de la guerre" (verdict sans surprise...)
- Meilleur roman français : Patrick Deville pour "Kampuchéa"
- Premier roman étranger : Silvia Avallone pour "D'acier" (récompense méritée pour cette jeune écrivaine italienne)
- Découverte étranger : Jonathan Dee pour "Les privilèges" (très bon roman américain)
Si vous voulez connaître la suite de la sélection, procurez vous le dernier Lire de décembre...

vendredi 2 décembre 2011

Comme une ombre

Ce roman de Michel Schneider, édité chez Grasset, appartient à la catégorie "fiction familiale" mais une catégorie sombre, noire, fascinante. Le narrateur ressemble comme un frère à Michel Schneider. Il raconte l'histoire de son frère aîné, Bernard, véritable modèle en négatif pour lui. Bernard se perd totalement en partant faire la Guerre d'Algérie. Il n'en se remettra jamais car la Guerre réveille en lui sa propre violence. Michel nous décrit cette période terriblement destructice pour ce frère maudit. Michel, le narrateur, cherche à comprendre la personnalité trouble et troublante de ce frère guerrier. Bernard, pourtant, rencontre une femme folle amoureuse de lui. Mais, à son retour d'Algérie, il s'enfonce dans l'alcool, la marginalité, l'échec. Ce livre se transforme en véritable enquête psychologique sur ce frère qui finira par ne plus supporter sa misère morale et matérielle et se suicidera. Je cite un passage de ce roman : "Assez de lettres, de photos, de souvenirs. Pourquoi m'acharner à ce roman ? Pourquoi cette sale manie de forcer les serrures du passé avec les fausses clefs d'hypothèses historiques et d'investigations de détective amateur ? Ce besoin d'entrer dans le coeur d'un autre, mon dissemblable, mon frère ? A quoi bon traquer le sens d'une vie ?" Ce roman fort, traite une histoire d'amour entre deux frères qui ne peuvent pas se comprendre et qui se cherchent sans cesse. La mémoire de Michel établit un portrait fragmenté et tourmenté de Bernard, personnage pictural digne de Bacon. Je considère ce livre comme un des meilleurs livres de l'année 2011...

jeudi 1 décembre 2011

Atelier d'écriture, le marché de Salies de Béarn

J'ai écrit ce texte dans le cadre de l'atelier d'écriture sur la proposition de Mylène qui nous a demandé d'établir une liste des marchés que nous avons traversés dans notre vie. J'ai pensé aux marchés de Barcelone, des Hauts de Chambéry, de la Capte, de Bayonne et de... Salies de Béarn. Mes collègues "écrivantes" ont choisi pour moi la description du marché de Salies. Je recopie donc le texte que j'ai composé :
"Le fromage de brebis,
Ce jeudi d'octobre, je me trouvais à Salies de Béarn, cité millénaire du sel, et le jeudi pour tous les Salisiens, c'est le jour du marché, un modeste marché, un tout petit marché si on le compare à d'autres marchés du monde. Les paysans du coin étalent leurs légumes dans des cagettes à même le sol ou sur des tréteaux centenaires. Les poireaux, les navets, les carottes, et les pommes de terre nous tendent leurs mains terreuses. Plus loin, la vitrine du fromager propose des vrais fromages libres et costauds qui ne sont pas prisonniers dans leur boîte industrielle. Car, ici, dans ce petit coin de France, la fromagère nous tend généreusement des lamelles de fromage de brebis : celui de la vallée d'Aspe, de l'Ossau, des Aldudes, d'Urepel... J'ai tranché pour Urepel ! Un fromage qui a du caractère et qui sent le Pays Basque profond. Un marché de province, c'est un festival du terroir, du local, de l'authentique, du bio sans chichis et sans complexe. La mondialisation et la pasteurisation n'ont pas acquis droit de cité, ici, dans ce Béarn secret. Plus loin, encore, des volailles plumées de la veille, des oeufs dans des paniers. Et puis, je tombe nez à nez sur des livres, des bouquins qu'un marchand ambulant expose sur des tables et dans des cartons. Je me mets à fouiller, fureter, et je découvre quelques vieux poches des années 60 : Sagan, Bazin, Camus, Gide, Cesbron, Troyat, Simenon. Ces vieux bouquins me rajeunissent et me plongent dans mon passé de lectrice goulue et avide de connaissance. Lire un livre tout en goûtant du brebis, additionné d'un verre de Rosé des Caves de Guilhemas, provenant des vignes des coteaux de Salies : voilà une des secrets d'une vie paradisiaque. Je n'ai point besoin de parcourir des milliers de kilomètres pour ressentir des émotions intenses. A deux pas de chez soi, dans un tout petit pays, un bout du monde pour les citadins, le bon-vivre est à la portée de toutes les papilles volontaires. Le sel de Salies possède des pouvoirs magiques. Allez donc faire un tour là-bas et ne ratez pas le jeudi, jour du marché...

mardi 29 novembre 2011

"Les Intouchables"

Je fais donc partie de la "petite dizaine de millions" de Français qui sont allés voir "Les Intouchables". Je craignais un peu la popularité du film mais j'ai toujours envie de percevoir les tendances culturelles de notre époque. Le sujet du film que tout le monde connaît : un milliardaire tétraplégique engage un gars de la banlieue. Deux mondes vont s'affronter : le raffinement du milieu de l'homme handicapé et le milieu simple et ordinaire du Noir, issu de la banlieue. L'un posséde tout l'or du monde mais ne peut pas s'offrir la santé et une vie normale sur le plan physique. L'autre n'a rien, pas d'argent, pas de culture, pas de métier mais il possède la santé, l'énergie, la vitalité et la joie de vivre. Le film raconte cette amitié : le milliardaire va l'initier au bon goût avec la musique classique, l'art, la poésie. Lui, le gars rude de la rue, va lui donner la sensation, la vie matérielle, les sentiments et même l'amour. Les scènes sur la musique classique sont caricaturales mais c'est vrai qu'il y a du snobisme et de l'hypocrisie dans ce milieu musical très restreint et il est souvent difficile de le connaître. L'éducation est aussi une richesse qui n'est pas donnée à tout le monde. Driss apprend la patience, la délicatesse dans les soins, et la gentillesse. Le public aime ce film pour des raisons évidentes : une belle histoire d'amitié tirée d'une histoire vraie, la confrontation entre la maladie et la santé, les vraies valeurs de la solidarité, de la simplicité, de l'amour. La belle vitalité de Driss rythme le film et le spectateur sourit, rit et se pose aussi des questions sur la place des handicapés dans notre société, celle des enfants d'immigrés, la différence sociale, la culture élitiste et la culture populaire. Les scènes de souffrance ne sont pas oubliées car on voit la douleur physique de l'un et la douleur morale chez l'autre en rupture avec sa famille. Au fond, ce film mérite le succès phénoménal qu'il attire. C'est un conte de fée d'aujourd'hui et en temps de crise, l'humour et la générosité touchent le spectateur et peut-être, qu'une valeur morale sera plus présente dans notre société en crise : la tolérance !

lundi 28 novembre 2011

Eloge des Cent papiers

J'avais raté ce livre -cadeau, hors-commerce, en avril 2011 à l'occasion de la fête du livre en librairie. Heureusement qu'il existe maintenant la "communauté" des lecteurs sur Internet qui vendent leurs livres pour des raisons d'encombrement, d'économie, d'échange. J'ai donc retrouvé avec plaisir ce livre-hommage au métier de libraire et des livres. Dans l'introduction, Marie-Rose Guarnieri écrit une introduction émouvante sur les libraires : "Oui, ce métier, je le répète, c'est apprendre à créer des liens entre présent et passé, vivants et morts, lecteurs et livres, libraires et éditeurs et bien d'autres encore que je tairai...". Plus loin, un autre libraire définit la librairie comme "un lieu d'empathie et d'écologie urbaine". Suit un lexique très bien présenté sur les termes professionnels qui sont utilisés dans le milieu des livres. J'en cite quelques uns pour le plaisir des mots : acut, boustrophédon, drouille, esperluette, volumen, etc. Des textes d'écrivains illustrent cet amour des mots et des livres. Je suis heureuse de conserver ce bel ouvrage, un hymne aux mots, à la pensée, à l'intelligence et à la mémoire. Le métier de libraire et tous les métiers liés à la lecture, à l'écriture et à la connaissance, doivent absolument survivre dans cette mutation de la sphère "Gutenberg". Tant qu'il y aura des livres, il y aura des librairies... Pensez à les fréquenter pour vos cadeaux de Noël !

vendredi 25 novembre 2011

Haro sur les prix littéraires

Un article du journal le Monde daté du 23 novembre a retenu mon attention. Un écrivain-éditeur, Luis de Miranda, déplore l'effet "prix littéraires" dans la vente des livres, surtout en fin d'année. Il définit même ce phénomène comme un assassinat des petits éditeurs. Les gros éditeurs formeraient une oligarchie très organisée pour étouffer la vraie création littéraire. Les jurés votent pour leur propre éditeur, etc. Une comédie sans fin, celle du mileu parisien, concentre l'essentiel des ventes en librairie. Il relate aussi la déception de beaucoup de lecteurs qui ont acheté les prix et qui, après les avoir lus, éprouvent une déception. Ce cri de colère d'un éditeur, meurtri parmi les mille éditeurs français, m'a alertée sur cette tendance facile d'aller directement sur les romans cités par la presse littéraire. Moi-même, je ne suis pas insensible aux romans primés et je les ai mentionnés dans ce blog. J'accorde bien volontiers à Luis de Miranda le sentiment d'une immense injustice que vivent ces centaines d'écrivains sans cesse refusés par les grands éditeurs et occultés par la critique. Ces grandes maisons ne veulent pas prendre de risque et ne diffusent que des valeurs sûres. Ce gachis constaté par l'auteur de l'article a le mérite de nous faire réagir et d'éveiller notre curiosité de lecteur. Ma participation au Festival du Premier Roman de Chambéry répond a ce besoin de découvrir d'autres voix de l'écriture, hors sentiers battus, hors idées dominantes. Chaque lecteur ou lectrice peut fabriquer sa propre opinion sur une trentaine d'auteurs, qui ont réussi à franchir un premier cap, le Cap Horn de la prise en charge chez un éditeur, si modeste soit-il. Le ton et les arguments de l'article sont inscrits dans l'outrance et l'exagération. Mais j'aime bien ces coups de griffe, ce cri de colère et cet esprit de révolte de Luis de Miranda...

jeudi 24 novembre 2011

Rubrique cinéma

Cette semaine, j'ai vu deux films français conseillés par la critique. Le premier, "Toutes nos envies" avec Vincent Lindon est tiré d'un livre d'Emmanuel Carrère et m'a semblé très triste, lugubre même. C'est pourtant un beau portrait de femme-juge qui essaie de limiter les dégâts du surendettement. Une belle amitié se noue entre les deux juges qui se lancent dans la bataille juridique pour trouver une solution permettant de libérer ces victimes naïves, de cette spirale infernale. Ce cinéma social a le mérite de nous montrer des personnages ordinaires, simples, humains, loin des stéréotypes habituels. On sort de la salle avec un sentiment mitigé entre la satisfaction de voir des magistrats honnêtes et vigilants défendant la cause des "petits" contre les "gros", et le regret attristé de voir que le cancer est une "saloperie", un summum de l'injustice qui tue au hasard. C'est un bon film sur la crise sociale, le malaise de la justice, la place du cancer dans les familles. Le deuxième film vu le lendemain, "L'Excercice de l'Etat", est un véritable coup de poing. Ce film, au lieu de réconcilier le citoyen avec son élite politique, ne fait que l'en éloigner encore plus. Le personnage du ministre des transports essaie de maintenir les gares dans le secteur public car le premier ministre veut les privatiser. Ce personnage est présenté comme une marionnette dans les mains du pouvoir, représenté par le Premier Ministre et surtout par le Président. La description sans concession du milieu politique qu'il soit de droite ou de gauche donne au film un goût amer et mordant. La scène dans la caravane entre le ministre et ce couple d'ouvriers illustre l'incompréhension entre "l'élite de la nation" et les gens "d'en bas"... Le mutisme glacial de la part de ceux qui n'ont aucun pouvoir se mue en frontière infranchissable face à ceux qui se partagent les privilèges et les honneurs. Quand le cinéma se politise, il offre une image déplorable de l'Etat et de ses commis, élus ou pas... Cinéma efficace, cinéma social, cinéma qui ne fait pas rêver, qui ne donne pas la pêche mais qui réveille le spectateur, alerte sur les dérives économiques et politiques, et révèle la crise de "civilisation" que nous traversons....

mardi 22 novembre 2011

Festival du Premier Roman

J'ai terminé un premier roman avec agacement. Il s'agit de "Ma petite Française" de Bernard Thomasson aux Editions du Seuil. Pourtant, le sujet semble séduisant : un retour aux sources pour une Française, expatriée aux Etats-Unis, universitaire et historienne. Elle revient donc à Berlin où elle a effectué un séjour quand elle avait dix-huit ans dans un Berlin muré et grillagé. Le Mur de Berlin est un personnage important dans la trame du récit. Ma déception se porte surtout sur le style trop commun, relâché et brouillon. J'ai eu du mal à croire à cette histoire invraisemblable d'une rencontre entre un journaliste français ont la mère était juive et qui a été recueillie par le couple d'Allemands et Ellen, la jeune Française. Ce couple était la famille d'accueil de la petite Française ! L'intrigue manque de réalisme et de cohésion, d'authenticité. Le personnage d'Ellen est certes fort sympathique. Elle raconte ses rencontres avec ses nouveaux amis : un jeune immigré Turc évidemment macho, une jeune fille foldingue dont elle tombera amoureuse et qui se suicidera, un couple inséparable qui se chamaille sans cesse. Le seul élément qui m'a étonnée dans le roman se situe dans la relation d'Ellen et de Sam, Sam se révèlant être une femme...
Dans le comité, nous donnons des étoiles : j'en propose une pour ce premier roman surtout pour Berlin et le personnage d'Ellen.

lundi 21 novembre 2011

"Grâce leur soit rendue"

Ce roman, écrit par Lorette Nobécourt, aux Editions Grasset, n'a pas été trop remarqué à la rentrée littéraire. Pourtant, les lecteurs-lectrices qui aiment un certain souffle romanesque, un effet "touffu", un ressort dramatique, des personnages hors du commun et la description d'un milieu artistique peuvent apprécier ce livre de 449 pages... Roberto et Unica forment un couple passionnément amoureux l'un de l'autre. L'histoire se passe à Barcelone dans les années 80. L'auteur évoque aussi l'exil forcé de Roberto et Unica, fuyant le Chili, pays meurtri par Pinochet et sa bande immonde de tortionnaires. La lectrice "motivée" et patiente que je suis s'est tout de suite attachée au personnage d'Unica, vivant sa vie comme un absolu, sans compromis et sans fadeur. Ce portrait de femme éclaire le roman d'une lueur noire et blanche à la fois. Cette femme au sommet de la passion amoureuse finira par se suicider. Roberto se reconstruit avec leur fils Kola et retrouvera un équilibre grâce à l'amour paisible et rassurant de la psychanalyste d'Unica. Kola partira à la recherche de ses racines au Chili et résume à lui seul le parcours chaotique de ses parents, voués à la création littéraire, se transformant en force de destruction, surtout pour Unica. J'ai été sensible aussi à toutes les références culturelles et artistiques de l'époque, et au style puissant et imagé de Lorette Nobécourt. En voici un exemple : "La bourgeoisie ! Apeurée, craintive, réductrice, méprisante, avare, hypocrite jusqu'à la méchanceté, baignant dans ses dénis dédaigneux, ses funestes non-dit, infectée par la haine de soi, gâtée par son aversion du passé, solidaire dans la perversité, rivale dans le gain, épargnante. La bourgeoisie où, vêtus de costumes trois pièces, circulaient des porcs." Je me demande pourquoi ce livre a été quelque peu marginalisé dans cette rentrée encore dominée par des écrivains masculins, certes très talentueux mais qui ne possèdent pas cette vision passionnée de l'amour et de la vie dans la littérature. Seule, une femme écrivain ne pouvait que composer une telle symphonie de mots et de personnages inscrits du côté de la vie "excessive"...
Un petit mot sur l'auteur trouvé sur le site de Decître :
Lorette Nobécourt est née à Paris en 1968.
Elle est l’auteur de plusieurs romans dont La Conversation (1998), Horsita (1999, En nous la vie des morts (2006), La Démangeaison (2009) et L’Usure des jours (2009), tous publiés chez Grasset. Grâce leur soit rendue est son neuvième livre.
Je vais donc découvrir ses romans antérieurs avec curiosité.

vendredi 18 novembre 2011

Hommage à Pierre Dumayet

Encore une mauvaise nouvelle pour moi : la disparition d'un homme qui m'a donné le goût et l'amour de la littérature, Pierre Dumayet. Pierre Dumayet était un critique littéraire "cultivé" avec "lectures pour tous" "Lire, c'est vivre", un pionnier de la télévision exigeante et intelligente avec l'émission mythique, "Cinq colonnes à la une", un écrivain singulier, un homme honnête, rigoureux, peut-être démodé mais aussi intemporel et classique, un modèle pour tous ceux qui aiment la littérature anti-bling-bling et anti-commerciale. Je l'ai rencontré il y a une petite dizaine d'années dans une journée professionnelle à Bron, oû il intervenait sur le rôle de la critique littéraire. Je l'avais écouté "religieusement" et j'ai pris la parole à la fin de la journée pour lui poser des questions. En fait, j'ai improvisé un hommage oral en affirmant que sans lui, je ne serais pas devenue libraire et bibliothécaire. Je me souviens de ces émissions toujours lumineuses d'intelligence, de modération, d'admiration muette de sa part face aux écrivains qu'il interrogeait. Je l'ai donc remercié in vivo en saluant avec une sincérité absolue son influence sur ma vocation et sur celle des bibliothécaires présentes à cette journée professionnelle. Je me souviens de l'ovation du public à son égard et j'en étais fort heureuse pour lui. Ce grand Monsieur qui aimait la littérature et l'écriture a vraiment marqué la vie littéraire des années 60 aux années 80. Ses silences, sa discrétion, sa voix si profonde nous manqueront.

jeudi 17 novembre 2011

Philip Roth

Le dernier roman de Philip Roth, "Le rabaissement" m'a quelque peu déconcertée : je n'ai pas retrouvé la plume géniale de cet écrivain américain, un de mes préférés. L'histoire d'amour entre un acteur à la soixantaine dépassée et une jeune femme, dans la trentaine, ne fonctionne pas. La jeune femme, homosexuelle conquérante, entreprend une liaison "torride" avec Simon Axler, comédien en crise et en déclin. Elle défie ses parents, amis de ce dernier. Simon Axler est une homme naïf et déprimé et Peegen, la jeune femme cynique et désinvolte compose un personnage troublant et peu sympathique. Elle entreprend une pause dans sa vie amoureuse trépidante. Simon la transforme en vraie femme "féminine" et croit qu'elle va vraiment refaire sa vie avec lui. Il va même s'imaginer une vie de famille avec un enfant qui changerait tout pour lui. Alors qu'il fantasme sur un changement radical dans sa vie, Pegeen se dérobe et finira par fuir cet amour encombrant. Je ne raconte pas la fin du roman pour vous inciter quand même à le lire. Philip Roth a composé un roman très noir sur les relations amoureuses, les relations sociales et le monde tel qu'il. Ce n'est pas un "grand cru philip-rothien" mais il mérite quand même le détour...

mardi 15 novembre 2011

Rabaissement

Ce mot employé par Philip Roth pour son dernier livre (j'y reviendrai jeudi) m'a semblé approprié pour évoquer le langage de notre ministre de l'Education Nationale comparant François Hollande à Babar et Nicolas Sarkozy à Astérix... Quand un ministre de la République utilise des personnages de BD pour qualifier des hommes d'Etat, je me pose des questions sur ce "rabaissement" culturel que nous sommes en train de vivre. Je n'ai rien contre Babar, adorable éléphant pour les enfants, et Astérix, malin petit Gaulois, mais je préfère des personnages plus représentatifs de notre culture littéraire : des Vautrin, des Rubempré, des Julien Sorel, des Cosette, des Jean Valjean, des Ulysse, des Hector, des Gargantua... Il existe des centaines de types littéraires dans notre patrimoine français ou occidental... Je suppose que nos lycéens d'aujourd'hui peuvent mentionner Tintin et Milou dans leur copie du Bac, comme un couple hautement philosophique. Cette emprise de la bande dessinée sur les médias et sur la culture m'étonne un peu. Quand j'étais bibliothécaire, je me souviens des prêts de BD surtout du côté des garçons, les filles, courageusement, lisaient des romans. Je suis d'une génération où le texte a beaucoup d'importance et les bulles des BD ne comblent pas mon appétit de lecture. Je ne fais pas ma "prof" en déplorant ce phénomène. Je comprends parfaitement l'engouement des jeunes et des moins jeunes pour cet art de l'illustration, mais quand un de nos ministres utilise ces références, on imagine mal François Mitterrand comparer un de ses rivaux avec un personnage de BD. Le terme rabaissement convient décidément bien aux paroles des "politiques" qui devraient montrer l'exemple pour le "bien-parler" et l'esprit de culture ainsi qu'un comportement exemplaire sur le plan civique. Un zéro pointé pour notre ministre...

lundi 14 novembre 2011

Hommage à Hubert Nyssen

Ce soir, en surfant sur les dernières informations, Libération m'apprend le décès d'Hubert Nyssen, le fondateur d'une des plus belles maisons d'édition en France, je veux parler d'Actes Sud. Hubert Nyssen avait 86 ans et son oeuvre littéraire est moins connu du grand public qui associe son nom à cette maison d'édition, située à Arles et qui a maintenu dans ses parutions une qualité littéraire incontestable. Hubert Nyssen a découvert Paul Auster, Nina Berberova, Nancy Huston et tant d'autres écrivains. Il était né à Bruxelles et a été naturalisé Français en 1976. Sa vie se confond totalement avec sa maison d'éditions et son oeuvre littéraire compte des romans, des essais, son journal, des poèmes et même des livres pour la jeunesse. Je le lis depuis quarante ans... Et dernièrement, je suivais ces carnets intimes sur le site web d'Actes Sud. j'aimais sa façon de voir le monde, la vie, les écrivains, la littérature, la culture. Une référence essentielle pour moi et pour de nombreux amateurs de littérature. Je l'avais rencontré à Lyon dans la grande librairie Flammarion au tout début des années 90 et il était venu présenter trois de ces auteurs. Il y avait peu de monde pour l'accueillir, on devait être une petite quinzaine de lecteurs (pour une ville comme Lyon !) et lui, royal et serein, nous a parlé de son rôle d'éditeur et de sa passion pour les écrivains qu'il publiait... J'en ai gardé une trace dans ma mémoire "littéraire" et sa modestie, à cette époque, était surprenante. Quand un homme hors du commun disparaît, un homme pétri de culture et de passion pour la littérature, j'éprouve un sentiment de tristesse et je me dis aussi qu'il est bon d'admirer un écrivain-éditeur aussi unique qu'Hubert Nyssen. Je n'oublie pas les romans aussi que j'ai lus et qui m'ont toujours charmée. Je vous conseille de lire ses carnets où il raconte sa vie de lecteur, ses rencontres avec les écrivains, sa vie de famille, ses amis, son goût jamais perdu de la vie alors qu'il prenait de l'âge... J'espère qu'un ouvrage-hommage lui sera rendu et que France 5 re-diffusera une émission "Empreintes" que j'avais vue avec émotion à l'époque.

vendredi 11 novembre 2011

Festival du Premier Roman de Chambéry

Le deuxième roman, "L'écrivain de la famille" n'est pas un coup de coeur comme le précédent mais je l'ai lu "jusqu'au bout"... Car, parfois, le courage me manque pour terminer un ... premier roman ! Je suis donc arrivée à la dernière page et j'avoue que c'est un livre attachant, un peu trop "illusions perdues", déceptions, échecs et ruptures, Le narrateur raconte sa vie promise d'écrivain, au sein de sa famille quand il écrit des poèmes dès son plus jeune âge. Son mariage se fait "par hasard", ses conquêtes féminines le conduisent aussi à l'échec. Il gagne de l'argent grâce à la publicité en utilisant son talent littéraire évident. L'auteur décrit l'ambiance des années 70 et 80 en ponctuant son récit de repères littéraires, cinématographiques et musicaux. Je cite un exemple : "Cette année-là, René Belletto publia "L'enfer", Marguerite Duras, "La pute de la côte normande" et "Le nom de la rose" devint un film tandis que mon oeuvre s'enrichissait d'un titre pour une annonce qui promouvait l'ordinateur Commodore 64..." Ce premier roman a donné lieu à une critique dans le Monde des Livres du 25 février 2011 signée Raphëlle Leyris où elle qualifie le livre de "texte délicat, écrit sourire triste en coin. Tandis que les quarante dernières années défielent en arrière-plan, l'auteur dit la difficulté de s'extirper des rêves que les autres ont formulés pour vous, d'échapper à l'identité qu'ils vous ont assignée. ça ne l'empêchera pas de devenir écrivain. Mais en cessant de laisser la vie et les autres décider à sa place." Un premier roman qui mériterait de figurer sur la liste des auteurs invités en Mai 2012

jeudi 10 novembre 2011

Festival du Premier Roman de Chambéry

A chaque rencontre, (deux fois par mois), les lectrices présentes du Comité Campus ont quitté la bibliothèque avec un, deux ou trois livres chacune. Pour ma part, j'ai choisi deux romans ; "Kosaburo, 1945" de Nicole Roland et "L'Ecrivain de la famille" de Grégoire Delacourt. Le premier roman que j'ai lu très vite m'a beaucoup intéressée car Nicole Roland a traité un sujet peu courant dans la littérature, je dirai même original et surprenant. C'est l'histoire de deux soldats japonais, kamikazes, et dont l'idéologie les mène à la mort, au sacrifice de leur vie pour le pays et l'Empereur. L'auteur nous décrit la vie des deux amis, l'un se nomme Kosaburo et l'autre est une jeune fille qui va prendre l'identité de son frère, pour suivre la formation élitiste des aviateurs kamikazes. Je ne veux pas dévoiler la fin de ce drame de la Guerre entre le Japon et l'Amérique. Tous ces soldats fanatisés s'empêchaient de vivre et d'éprouver des sentiments humains. C'étaient des "machines de guerre" qui étaient utilisés pour combattre l'ennemi. Il est rare de lire un très bon premier roman, les coups de coeur sont assez limités dans les lots successifs que le Festival nous confie tous les quinze jours. Je me félicite d'en avoir déjà trouvé un, mais il faut au minimum deux avis positifs pour qu'il soit sur une liste sélective d'ici le mois de février.
Ce livre possède des qualités indéniables : une écriture élégante, une histoire émouvante, un cadre historique peu connu, une identité usurpée, un destin tragique.
Un coup de coeur, un beau moment de lecture...

mardi 8 novembre 2011

"Les souvenirs"

Ce beau roman de David Foenkinos n'a pas obtenu de prix littéraire mais il avait été remarqué par les critiques. Cet écrivain rencontre un succès auprès d'un large cercle de lecteurs et lectrices. Je ne l'avais jamais lu auparavant et j'ai découvert une écriture délicate, sensible, un talent indéniable (il est édité chez... Gallimard, une consécration en soi...). Je reviens à ce roman qui se lit avec un très grand plaisir. On sent la présence plus que sympathique du narrateur qui va s'occuper de sa grand-mère, pensionnaire d'une maison de retraite. Il est veilleur de nuit dans un hôtel et cette occupation va lui permettre de se lancer dans l'écriture. Il nous introduit dans ce milieu des maisons de retraite si difficile à vivre quand on ne choisit pas. Sa description d'un tableau représentant une vache illustre le désastre ambiant d'un mauvais goût généralisé et déprimant où la beauté est absente. Sa grand-mère va fuir et il partira à sa recherche. Il finira par la trouver et ces retrouvailles vont changer sa vie. Ses parents divorcent alors que lui se marie. Les événements familiaux forment la trame de l'histoire. Le narrateur va enfin rencontrer l'amour et le perdra aussi. David Foenkinos possède un regard plein de malice et de générosité sur l'entourage familial de son personnage central. Ses remarques "sociétales" touchent la lectrice que je suis, en particulier quand il décrit la retraite de son père et la coupure qui prend forme entre ceux qui travaillent, et ceux qui se retirent... Je pourrais citer de nombreux passages tellement le ton me semble juste, vrai et teinté d'humour, d'ironie et de tendresse. Je le conseille comme un livre-cadeau car il ne peut que plaire et enchanter un lectorat sensible aux histoires de famille, ces histoires que nous vivons tous et que nous aimons retrouver dans la littérature. David Foenkinos a déjà écrit neuf romans et je vais les découvrir avec plaisir...

lundi 7 novembre 2011

Prix littéraires 2011, deuxième épisode

Le Prix Médicis 2011 a été attribué le 4 novembre à Mathieu Lindon pour son roman "Ce qu'aimer veut dire" (P.O.L). Il a été élu au premier tour par cinq voix contre quatre à "Dans un avion pour Caracas", de Charles Dantzig (Grasset).
Le Médicis étranger a récompensé, à l'unanimité, David Grossman pour son roman "Une femme fuyant l'annonce" (Seuil). Sylvain Tesson a reçu, au troisième tour, le Médicis essai pour "Dans les forêts de Sibérie" (Gallimard).
Le prix Goncourt des Lycéens a distingué Carole Martinez pour son "Domaine des Murmures" et le prix Fémina a choisi Simon Liberati pour "Jane Mansfield". Il reste le Prix Interallié qui sera donné bientôt. Les récompenses de cette rentrée correspondent souvent aux pronostics de la presse littéraire. Pour ma part, j'ai déjà parlé du beau récit de Mathieu Lindon sur son père, Jérôme Lindon, créateur des Editions de Minuit, et Michel Foucault, son mentor intellectuel et son amant.. L'éditeur Gallimard sort grand vainqueur avec le prix Goncourt, celui des Lycéens et le prix essai du Médicis avec Sylvain Tesson. Une bonne moisson pour les fêtes de fin d'année si vous n'avez pas d'idées de cadeaux...
Pensez surtout à Delphine de Vigan pour offrir un livre à une femme. Son livre méritait mieux que le prix France-Télévisions... Je lui avais attribué le Goncourt et je lui accorde en mon nom propre !

vendredi 4 novembre 2011

"Les librairies vont-elles disparaître ?"

Il est assez rare de trouver une couverture d'un hebdo consacrée à la disparition probable des librairies. Cet hebdo se nomme Télérama et évidemment, la revue télévisuelle s'intéresse au sort inquiétant des librairies concurrencées par les grandes surfaces, les chaînes commerciales, Internet, et la nouvelle lecture sur tablette et autres jouets électroniques. Les trois pages sur le malaise des librairies sont très claires, efficaces et percutantes. Pourrons-nous sauver les petites librairies de quartier, les bonnes librairies de province qui font toutes un travail formidable pour maintenir une présence culturelle dans nos villes ? Il y a tant de banques, de magasins de décoration, de téléphonie, de choses inutiles et encombrantes qu'il ne faut surtout pas acheter... Les livres par contre enrichissent visuellement les murs des salons, comme une présence chaleureuse et quasi humaine. Sauvons donc nos librairies qui souffrent à cause des loyers qu'on leur demande, du manque de clientèle qui butine un peu partout pour acheter moins cher. Leur chiffre d'affaires a diminué de 5% et va s'accentuer... Les pouvoirs publics doivent réagir en les aidant et en soulageant leurs nombreuses charges. Quand j'étais moi-même libraire à Bayonne dans les années 70, j'avais été stupéfaite de payer une taxe à la mairie pour ma modeste vitrine et panneau signalant mon échoppe. Un fonctionnaire municipal était venu me préciser cet impôt alors que je démarrais et que j'étais loin très loin de me rémunérer... Je pense aux 30 ans de la loi Lang, prix unique du livre, qui a certainement sauvé quelques milliers de petites librairies en France car même le gouvernement actuel n'ose pas la mettre en question ! Je plaiderai toujours pour la librairie et me sens toujours solidaire de ces drôles de "commerçants" qui ne feront jamais fortune mais qui s'enrichiront éternellement au contact des livres et des idées... Lundi, je vais en librairie respirer l'air des livres et en adopter un pour l'installer dans ma maison...

jeudi 3 novembre 2011

Atelier d'écriture, la cuisine de ma mère

J'avais écrit il y a trois ans un texte sur ma mère que j'ai composé dans le cadre de l'atelier d'écriture animé par Mylène au sein de la bibliothèque universitaire. Je l'ai complétement transformé. En ce mois de novembre, nos chers disparus nous manquent et le chagrin de les avoir perdus nous taraude le coeur. Mardi, j'ai déposé un texte sur mon père. Aujourd'hui, c'est un hommage que je veux rendre à ma mère, partie il y a un an à peine.
"France dans sa cuisine
Prenez une femme française, née en 1918, qui se nomme France, baptisée de ce prénom si beau par un parrain militaire, ami de son propre père, lui aussi militaire de carrière. France a passé sa vie dans la cuisine, dans sa cuisine, sa pièce principale, où, dès huit heures du matin, elle étalait ses légumes, pommes de terre, carottes, poireaux, navets, céléri pour confectionner une soupe, qui tenait trois jours et qui dégageait une odeur unique au monde. Je crois qu'elle avait ses secrets de sorcière en ajoutant une louche de graisse de canard... Ma mère possédait une collection impressionnante de livres de cuisine : de la cuisine basque pimentée à la cuisine landaise grassouillette, de la cuisine italienne tomateuse à la cuisine espagnole tapageuse, de la cuisine française classique nourrissante à la contemporaine plus légère, elle feuilletait ses trésors culinaires et tentait des nouvelles recettes dans les grandes occasions. Le rituel de la soupe était suivi par la composition des repas "solides" pour les travailleurs qu'elle nourrissait : rôtis de toutes sortes, poulets de la ferme, soles meunières, lapin à la moutarde, pigeons lardés, sauté de veau, boeuf mironton, paella, saucisses confites, magrets landais et bien d'autres plats accompagnés de légumes, frites, pâtes, riz. Je me souviens particulièrement de sa recette qui nous faisait fondre de plaisir : le foie gras de canard aux pommes. France se levait tôt comme un curé de campagne. Elle aimait le frais, le vrai, le naturel, la viande du boucher, le jambon du charcutier, les produits du pays comme les cèpes. Son credo, c'était la qualité et la fraîcheur. Ma mère était notre Rebuchon à nous, notre Bocuse, notre reine des papilles. Aller au restaurant avec elle était un pari risqué. Nous étions toujours un peu déçus par la prestation du cuisinier et ma mère se sentait flattée si l'on faisait la moue devant ces plats fades et sans originalité des restaurateurs jamais à la hauteur. A la fin de sa vie, elle avait perdu un peu la mémoire des gestes culinaires mais ma soeur qui s'est occupée d'elle avec un dévouement exemplaire, a soulagé sa souffrance en devenant son "assistante" pour préparer les repas quotidiens. Elle a vécu jusqu'à la fin cette passion pour la cuisine et la confection de milliers de repas pour sa famille et a ainsi montré tout l'amour solide qu'elle nous donnait, une France nourricière comme une légende d'antan... Je rends hommage à ma mère qui m'a évidemment rendue trop gourmande, mais c'est une qualité incomparable, car bien se nourrir aujourd'hui devient un acte réellement révolutionnaire avec toute la malbouffe qu'on nous propose !

mercredi 2 novembre 2011

Série Prix littéraires 2011, premier épisode

Je m'attendais à ces deux premiers primés : Alexis Jenni pour "l'art français de la guerre" chez Gallimard, un premier roman, événement rarissime pour le Goncourt. Je vais l'inscrire dans ma liste de livres à lire et j'en reparlerai plus tard. Le prix Renaudot est allé à Emmanuel Carrère pour sa biographie "romancée" de Limonov, écrivain russe sulfureux, ultranationaliste fascisant. Passer des heures avec ce personnage "déplaisant" me semble un exploit pour tout lecteur motivé mais il faut se "forcer" de temps en temps pour découvrir l'âme complexe de certains individus très antipathiques. La littérature est le monde de la liberté, de l'audace, du désordre. Elle s'affranchit des règles, des normes, des contraintes. Elle décrit les humains comme ils sont, ni blancs, ni noirs, tout en nuances subtiles et contradictoires... Le prix France-Télévisions a été descerné à Delphine de Vigan pour "Rien ne s'oppose à la nuit" que j'avais choisi pour le prix Goncourt (j'ai perdu mon pari...) mais je me "console" car ce roman a déjà conquis un très large public et n'a aucun besoin d'un prix pour exister !

mardi 1 novembre 2011

Atelier d'écriture, séance 3, le vin de mon père

Mylène nous a proposé le thème du vin après nous avoir lu du "Colette"... Le vin, à cette époque des vendanges terminées, des foires aux vins et du Beaujolais Nouveau, m'a inspirée ce texte en hommage à mon père, Germain.
"Le vin de mon père
Boire du vin, aimer le vin, ça s'attrape en famille, à l'origine comme une éducation, comme une évidence, comme un cadeau. Mon père possédait un cave fournie, très fournie. Ses nombreuses relations lui permettaient de rencontrer des représentants de "Bordeaux. Combien de fois ai-je vu mon père baigner dans un bonheur parfait quand il choisissait une bouteille pour un anniversaire, une fête de famille, un repas dominical ! "Aujourd'hui, fermez les yeux et savourez ce nectar." Alors, nous buvions en communion, en silence, tout en concentration et respect du rite. "Alors, qu'est-ce que vous en dites ? Pas mal, papa, il est fort ce Bordeaux... Mais, c'est un Château-Latour !" Je restais souvent silencieuse et je m'en remettais à son expertise. Quand on a vingt ans, ce cérémonial me semblait futile, je préférais un petit rosé tout frais ou un vin blanc pétillant. Quel manque de goût et de savoir-boire pour mon père, le spécialiste du vrai vin... Un verre de Bordeaux en famille se transformait en hostie, on était obligé de l'avaler ! Plus tard, j'ai vraiment appris à déguster des "bons vins". La passion de mon père pour le Bordeaux est gravée dans ma mémoire familiale. Dans les grandes occasions, il ne buvait ni Bourgogne, ni vin de Loire, ni vin du Languedoc. Seul, le Bordeaux représentait la quintessence de la France, l'amour pour ce pays. Ses parents venaient d'Espagne, ayant fui la pauvreté au début du siècle dernier. En buvant ce vin légendaire, il voulait devenir encore plus français que les Français dits "de souche"... Quand je descends dans mon Pays Basque et que je déguste un verre de Saint-Emilion, je lève mon verre à mon cher père, disparu depuis treize ans, et le salue tendrement. Je suis persuadée que le Paradis ressemble au vignoble bordelais..."

lundi 31 octobre 2011

"Retour à Killybegs"

J'étais dans la lecture de "Retour à Killybegs" de Sorj Chalandon quand j'ai appris qu'il venait de recevoir le grand Prix de l'Académie française, le premier prix littéraire de la saison. Sorj Chalandon est journaliste au Canard Enchaîné. Son roman ressemble à une enquête sur la vie d'un militant très actif de l'IRA, en Irlande. Ce roman politiquement incorrect est un portrait d'un traître, Tyrone Meehan, qui, dans un geste incroyablement inattendu, va assassiner un des ses compagnons de lutte armée lors d'une attaque contre l'armée britannique. Le narrateur raconte son parcours tragique et terrible de militant en évoquant la figure de son père, lui aussi fou de son Irlande indépendante, violent et ravagé par l'alcool qui finira par mourir de désespoir. Il trompe sa femme, sa famille, ses amis, les militants pendant des décennies. Cette double existence en fera un paria total et un être immonde. La fin de sa vie ne pourra pas se vivre dans le calme, bien au contraire... Sorj Chalandon se met littéralement dans la peau de ce traître pour essayer de comprendre l'incompréhensible, le secret d'un comportement inadmissible pour tout être humain. "Personne n'a jamais été dans mon ventre, personne. Si je parle aujourd'hui, c'est parce que je suis le seul à pouvoir dire la vérité. Parce qu'après moi, j'espère le silence. Killybegs, le 24 décembre 2006 Tyrone Meehan". Cette tentative haletante de description d'un traître laisse le lecteur(rice) sonné(e)... Pour ma génération, le terrorisme de l'IRA comme de l'ETA a marqué douloureusement les années 70. Sorj Chalandon utilise comme ressort dramatique, le mouvement des militants de l'IRA grévistes de la faim se sacrifiant pour leur cause. Ce passé politique lourdement traumatisant obsède l'auteur qui va nous entraîner dans la spirale infernale du terrorisme... J'ai été frappée aussi par le style cisélé de Sorj Chalandon montrant le désespoir du peuple irlandais dans cette quête de reconnaissance et de liberté. Ce roman mérite évidemment un prix littéraire pour qu'il rencontre un public encore plus élargi. On cherche un héros positif dans ce livre, peut-être qu'il faut le trouver dans la personne la plus trahie de toutes dans la vie de ce héros négatif : sa propre épouse...

vendredi 28 octobre 2011

Gisèle Freund

Dans le magazine du Monde, je lis toujours la chronique de Christophe Donner sur la littérature. Cette semaine, il évoque Gisèle Freund et son exposition "L'oeil frontière" à la Fondation Pierre Bergé-Yves Saint-Laurent jusqu'au 26 janvier 2012. Gisèle Freund a photographié dans les années 30 et 40 les plus grands écrivains du siècle dernier : Joyce, Woolf, Colette, Gide, Malraux, Cocteau, etc. François Mitterrand l'avait choisie pour la photographie officielle en 1981. J'ai dans ma bibliothèque un ouvrage autobiographique de Gisèle Freund, interrogée par Rauda Jamis aux Editions des Femmes, publié en 1991. Je la connais donc depuis très longtemps... J'ai trouvé une notice sur wikipedia que j'ai résumée :
"Son père collectionneur, Julius Freund, lui offre un appareil photographique Leica lorsqu'elle est adolescente, elle se passionne très tôt pour le photojournalisme. Etudiante en sociologie à Francfort, elle rencontre Norbert Elias, qui lui propose d'écrire sa thèse sur La Photographie en France au XIXe siècle. D'origine juive et membre d'un groupe communiste, elle doit fuir l'Allemagne et elle achève ses études à Paris en 1936. Amie d'Adrienne Monnier, elle côtoie de nombreux écrivains qu'elle immortalise en des portraits célèbres. Pendant la Seconde Guerre mondiale, elle s'exile en Argentine et rencontre Victoria Ocampo. En 1943 elle ramène de Patagonie et de Terre de Feu des paysages puissants. Elle rentre en France en 1946 et travaille à partir de 1948 pour l'agence Magnum comme photojournaliste. En 1950, elle se trouve refugiée en Uruguay, chez Jules Supervielle, lors d'un départ forcé de l’Argentine, suite à la publication d'un reportage paru dans Life sur la vie de luxe menée par Evita Eva Perón. Suspectée de communisme, elle est interdite de visa américain et est forcée de quitter Magnum en 1954.
En France, le ministère de la Culture lui décerne en 1980 le grand prix national des Arts pour la Photographie. En 1991, elle est honorée par une grande rétrospective de son œuvre au Centre Georges-Pompidou."
Pour ma part j'ai rencontré dans les années 90, Gisèle Freund pendant une Fête du livre à Lyon et je lui ai déclaré toute mon admiration pour ses photos d'écrivains en la "priant" de me relater sa rencontre avec Virginia Woolf qu'elle avait photographiée en 1939, deux ans avant son suicide. Elle m'a révélé la simplicité de cette visite comme un événement professionnel quasi normal... En me tenant près de Gisèle Freund, je pensais que j'avais devant moi un témoin capital du visage splendide des écrivains européens les plus influents. J'aime les portraits d'écrivains, pour moi mes seules icônes que je conserve dans ma bibliothèque. Gisèle Freund fut l'amie fidèle d'Adrienne Monnier, la libraire la plus célèbre du milieu littéraire dans ces années glorieuses de la "grande, très grande littérature". Gisèle Freund devrait inspirer une romancière d'aujourd'hui qui en ferait un personnage hors du commun, une femme libre et farouchement indépendante, une lectrice passionnée qui va à la rencontre des écrivains qu'elle admire... Quel destin de femme exceptionnelle, un modèle, une Simone de Beauvoir de la photographie ! Si j'avais un projet de voyage, j'irais à Paris visiter l'exposition et contemplerais pour la centième fois ces portraits vus, et revus sans me lasser...

jeudi 27 octobre 2011

"O Solitude"

Je recommande ce très bel ouvrage de Catherine Millot aux Editions Gallimard, paru en 2011 dans la collection "L'Infini". En première de couverture, sous "O Solitude", on lit un mot, le mot roman, qui ne correspond absolument pas au livre que je tiens dans mes mains. Catherine Millot, écrivain et psychanalyste, nous offre une célébration de la solitude, état souvent considéré comme une lèpre, une maladie, un échec. Son éloge de la solitude mérite une explication, une démonstration, une justification. Je pourrais extraire des dizaines de citations tellement ce livre nourrit délicieusement l'imaginaire du lecteur ou de la lectrice. "Ecrire, dit-elle, c'est toujours renouer avec le fond, avec le grand silence originel." Catherine Millot évoque ses amours déçus, ses retrouvailles avec la solitude, ses voyages en Italie, en Europe du Nord. Fille de diplomate, elle a la "bougeotte" dans le sang... Ses références essentielles en littérature, d'Edgar Poe à Marcel Proust, de Roland Barthes à William Henry Hudson, sont passionnantes à lire. Je ne peux pas résister à vous confier ce passage sur la lecture : "Lire resta ma passion prédominante. Lire est une vie surnuméraire pour ceux à qui vivre ne suffit pas. Lire me tenait lieu de tous les liens qui me manquaient. Les personnages de romans, et les auteurs qui devinrent mes personnages de prédilection, étaient mes amis, mes compagnons de vie. Dans les heures d'abandon et d'esseulement, comme dans les heures de solitude épanouie ou dans celles où je jouissais d'une présence à mes côtés, lire fut toujours l'accompagnement- comme on dit en musique- indispensable." Tout le texte de Catherine se savoure comme un dessert précieux, d'une finesse incomparable. J'avais emprunté ce livre à la bibliothèque, je vais l'acquérir en librairie pour qu'il figure en bonne place sur mes étagères et pouvoir ensuite le relire quand l'envie de retrouver Catherine Millot se réveillera en moi...

mardi 25 octobre 2011

Atelier d'écriture, séance 3, mon portrait chinois

Je vous livre mon portrait chinois réalisé dans le cadre de ma deuxième séance d'atelier d'écriture.
"Si j'étais une plage,
je serais toujours déserte.
Si j'étais une route,
je serais pavée de bonnes intentions.
Si j'étais un sommet,
je rejoindrais la lune.
Si j'étais une île,
je serais volcaniquement inaccessible.
Si j'étais un port,
je serais réservée aux petits bateaux de pêche et
refoulerais les yatchs arrogants.
Si j'étais un lac,
je jouerais avec le vent pour créer des vagues.
Si j'étais un fleuve,
je m'étalerais de tout mon large pour prendre mes aises.
Si j'étais un ruisseau,
je ferais revenir les écrevisses.
Si j'étais un ciel,
je retiendrais la nuit en otage pour toucher les étoiles.
Si j'étais un village,
je serais à l'abri du silence.
Si j'étais un jeu,
je jouerais au... portrait chinois !

lundi 24 octobre 2011

Marguerite Duras en Pléïade

La grande nouvelle du mois d'octobre 2011 sur le plan littéraire, c'est l'intégration de notre Marguerite Duras nationale dans le Panthéon de l'Edition française, la collection La Pléïade chez Gallimard. Le Magazine Littéraire propose un dossier central sur "la romancière de l'amour absolu". Les cahiers de Libération, du Monde, eux aussi, marquent l'événement. Alors que "sa littérature" était quelque peu constestée dans les années 70 et 80, les critiques se montrent aujourd'hui quasi unanimes pour saluer le génie littéraire de Marguerite Duras. Les deux premiers tomes couvrent la période 1943-1973. Deux autres tomes sortiront en 2014. Comme les femmes écrivains sont encore rares dans cette prestigieuse collection, je me félicite que Marguerite Duras soit enfin "pléïadisée"... Et après elle, je serai plus qu'heureuse de voir Simone de Beauvoir... Quand on a vécu la grande révolution de l'émancipation des femmes à partir du milieu du XXème siècle, on a lu du "Duras, automatiquement. J'ai aimé sa liberté de ton, sa façon d'être, sa prose reconnaissable entre toutes, tordue, scandée, bizarre et aussi classique. Son théâtre, son cinéma, ses romans décrivaient une planète du côté des femmes et de l'amour, de la recherche amoureuse, totale, entière, impossible et invivable. Marguerite Duras a accompagné des milliers de lectrices (des femmes surtout...) comme un soeur, comme une amie qui avait osé outrepasser les codes sociaux et politiques de son temps. Son amitié avec François Mitterrand, son soutien dans la cause des femmes même si elle se méfiait des féministes pures et dures, son engagement à gauche, ont toujours incité de la curiosité à son égard, jamais de l'indifférence. On pouvait la détester, l'adorer, la moquer, la vénérer, Duras était une "star" de la littérature de son époque. En souvenir de toutes ces années de lectures durassiennes, je vais m'offrir ces deux Pléïades pour me replonger dans cet océan de mots, d'idées, de sentiments et de passions... Un bain de jouvence pour moi !

lundi 17 octobre 2011

"Et rester vivant"

Encore un roman "autobiographique" dans cette rentrée littéraire... J'ai déjà mentionné dans mon blog le nom de Jean-Philippe Blondel que j'ai rencontré à la bibliothèque universitaire dans le cadre du Festival du Premier Roman de Chambéry. Son avant-dernier livre "G229" relatait son expérience "héroïque" de professeur d'anglais dans la banlieue parisienne. Son dernier opus avec ce beau tire "Et rester vivant" évoque le terrible accident de voiture où il a perdu sa mère et son frère aîné dans les années 80. Seul, son père survivra. Ce roman-récit nous parle du deuil, un deuil effroyable quand on perd sa famille alors que la vie s'offre à vous, à seize ans à peine. Le narrateur (Jean-Philippe Blondel ?) décide de partir en Californie, avec ses deux meilleurs amis du moment, Samuel et Laure. Après la mort de son père qui survient quatre ans après celles de sa mère et de son frère, il vend l'appartement familial pour financer son "road-movie" en Amérique, en hommage à Jack Kerouac. Le texte nostalgique de Jean-Philippe Blondel pourrait "plomber" la lecture mais malgré ce sujet très grave du deuil, cette lecture en devient lumineusement belle. Avec des phrases courtes, percutantes, familières, le narrateur transforme sa douleur et son chagrin en hymne à la vie, à la vie de sa famille perdue à tout jamais. Il se reconstruira grâce à l'amour, à son travail de professeur et évidemment à sa vocation littéraire. J'ai retrouvé dans ce roman-récit la musique si douce, si délicate de Jean-Philippe Blondel, un écrivain à suivre, dont le talent se confirme de livre en livre...

vendredi 14 octobre 2011

Atelier d'écriture, séance 2

J'ai donc suivi cette deuxième séance avec beaucoup de plaisir. Mylène a proposé deux exercices : un portrait chinois et un texte de présentation à partir d'une peinture burlesque. En début de séance, chaque participante a lu son texte sur le thème de l'installation. Voilà ce que j'ai écrit : "Je connais un chat blanc et gris qui pratique l'art de l'installation. A tous moments de la journée, Monsieur s'installe, se niche, se love, s'étale, s'étire dans les endroits les plus confortables de la maison : lit, canapé, placard, quand il pleut. Quand il fait un grand soleil, le jardin devient son Eden. Il se cache sous les haies, les hortensias, les forthysias, les pieds de tomates... Vivre en chat, c'est un mode de vie jubilatoire ! Le sommeil et le rêve sont étroitement mêlés à des instants de vie liés à la chasse des lézards, des oiseaux, des papillons. Si l'on me demandait quel animal je choisirais pour me transformer après ma mort, j'hésiterais entre une vie de chat, la nidification personnifiée, et une vie de... mouette, la liberté incarnée ! La mouette symbolise le mouvement perpétuel, le choix permanent de voler, près d'un enfant, près de la berge, ou en plein milieu du lac ou de la mer. La mouette ne s'installe jamais, ne se repose jamais, va et vient, vole et plane, déplie ses ailes avec conviction et grâce. je choisis le chat ou la mouette ? J'opte pour les deux ! Je veux mener une vie de chat pour le repos, la rêverie, la méditation et je veux vivre comme une mouette pour bouger, agir, planer, foncer... Une vie de chatmouette ou mouettechat..."

jeudi 13 octobre 2011

Festival du Premier Roman

Je suis retournée dans mon ancien lieu de travail, la bibliothèque universitaire de Chambéry, pour rejoindre un comité de lecture lié au Festival du Premier Roman. Ma participation à ce groupe fort sympathique de lectrices, peu nombreuses, hélàs, porte sur la découverte d'un premier roman. Les réunions ont lieu tous les quinze jours et mon seul "devoir" à "rendre" est un compte-rendu sur un des romans préselectionnés par le festival, une bonne cinquantaine, en fait. Les lecteurs (des lectrices en majorité) choisiront en février les meilleurs d'entre eux qui constitueront une liste soumise à un jury final pour aboutir à un choix très serré de douze auteurs invités en fin mai 2012 à Chambéry. Le premier roman que j'ai donc lu cette semaine ne m'a pas complètement convaincue. Il s'agit du "Le Silence de ma mère" d'Antoine Silber aux Editions Denoël. Il se lit très facilement, mais le sujet du roman n'est pas très original. L'auteur, qui a bien écrit "roman" sur la couverture, a signé un roman déguisé en récit autobiographique. C'est l'histoire d'un amour total entre un petit garçon et sa mère. Ce roman familial peut toucher de nombreux lecteurs et lectrices mais il lui manque un "je ne sais quoi" pour en faire un très bon texte. Pourtant, ce réglement de compte entre une mère absente et pas assez aimante et son fils fou amoureux d'elle procure un malaise à la lecture. Le narrateur cite souvent sa psychanalyste, Anne, qui l'accompagne dans sa quête pour dénouer le lien maternel qui l'empêche de grandir et de vivre des relations "équilibrées" avec d'autres femmes. L'enfance dans les années 50 est évoquée avec émotion. Je suis une lectrice peut-être trop exigeante sur l'écriture que j'aurais aimé plus travaillée. Le narrateur finira par se libérer de l'image maternelle mais se demandera toujours la raison du "silence de sa mère", de ce manque d'amour qu'il ne peut pas comprendre.

mardi 11 octobre 2011

Prix Nobel de littérature 2011

La presse évoquait des noms : Bob Dylan, le poète syrien Adonis, toujours Philip Roth et J.C. Oates, etc. Le Nobel a choisi un poète inconnu du public : Tomas Tranströmer dont les poèmes ont été édités au Castor Astral et repris chez Gallimard. J'espère que les bibliothécaires vont acquérir ces recueils pour que le public découvre ce grand poète suédois. J'ai trouvé une maigre notice biographique sur Wikipédia. Il est né en 1931. Il vit à Stockholm et dans sa résidence d'été sur l'île de Runmarö. Il exercea son métier de psychologue jusqu'en 1990. Il est tombé malade à la suite d'une attaque cérébrale qui l'a laissé en partie aphasique et hémiplégique. Il a néanmoins publié encore trois recueils depuis lors dont les 45 haïkus de La Grande Énigme (Le Castor Astral, 2004). En France, le Castor Astral et Jacques Outin, son traducteur, s’attachent depuis de nombreuses années déjà à faire connaître son œuvre.
J'ai trouvé un poème de Tomas Transtömer sur le site du Nouvel Observateur :
« A deux heures du matin : clair de lune. Le train s’est arrêté
au milieu de la plaine. Au loin, les points de lumière d’une ville
qui scintillent froidement aux confins du regard. [...]
Et comme quand quelqu’un va si loin dans la maladie
que l’essence des jours se mue en étincelles, essaim
insignifiant et froid aux confins du regard. »
Poète singulier de Suède, le jury a voulu lui décerner un prix tout à fait justifié.
Donc à découvrir...

lundi 10 octobre 2011

Eléctrico W

Ce titre correspond au nom d'une ligne de tramway à Lisbonne. Je ne résiste pas à un roman dont l'action se situe dans une des plus belles capitales européennes... Ce livre d'Hervé Le Tellier, écrivain et membre de l'Oulipo, possède un charme certain. Moi qui aime la musique classique, je dirai que ce livre n'a pas le souffle grandiose d'une symphonie, ni d'un concerto. Il ressemble à un trio, dont la basse continue est une image récurrente de Lisbonne. En fait, cela se passe en 1985. Deux copains, Vincent, le journaliste, et Antonio, le photographe, se rejoignent à Lisbonne pour effectuer un reportage sur un tueur en série. Vincent est amoureux d'une Irène, fort déplaisante qui, elle, a une liaison avec Antonio. Mais la femme qui passionne Vincent est en fait une jeune fille, baptisée "Canard". Antonio l'a aimée et l'a abandonnée alors qu'elle était "tombée" enceinte. Le romancier propose cette intrigue romanesque qui rebondit sans cesse, mais le charme du texte provient du personnage central, Vincent, qui écrit un roman dans le roman, échafaude un plan pour retrouver cette jeune femme disparue, essaie de rendre Irène jalouse, rencontre aussi d'autres personnages pour former un puzzle de destins disparates et désordonnés... Hervé Le Tellier a l'art de communiquer une atmosphère poétique de cette ville envoûtante qu'est Lisbonne. J'aime ce genre de littérature, une littérature décalée, ironique, discrète et d'une écriture travaillée sans fioritures. Un livre original dans cette rentrée de septembre...

vendredi 7 octobre 2011

Atelier d'écriture

Je me suis inscrite à un atelier d'écriture, animé par Mylène, une amie avec qui j'avais déjà suivi quelques séances dans la bibliothèque universitaire où je travaillais. Cette expérience avait duré quatre saisons, et l'intérêt que j'y trouvais résidait dans un esprit de rencontre "inter-générationnel". Mylène, toujours aussi attentive aux uns et aux autres proposait des exercices ludiques pour nous détendre et nous plonger dans un bain de mots et de phrases qui formaient un ensemble de textes que nous nous lisions les uns après les autres. Les étudiants et quelques membres du personnel de la bibliothèque partageaient ainsi des moments forts liés à l'écriture. L'imagination était stimulée par l'effet de groupe. Je garde donc un très bon souvenir et je considère cet atelier comme une réussite très rare dans ce milieu universitaire peu motivé par l'organisation d'activités culturelles offerts aux étudiants et au personnel de l'université. C'est pour cette raison que j'ai rejoint un groupe "d'écrituriens", en majorité des femmes, des "épicuriens" de la vie, une vie souvent dédiée aux livres et à l'écriture...
Un mardi sur deux, pendant deux heures, dans une salle d'une maison des associations de Chambéry, je pars toute en confiance et en "confidence" sur ce chemin des mots, des textes et des idées. Je me suis présentée ainsi pour donner quelques repères de ma personnalité : "Maïté, prénom basque qui laisse deviner mes origines "sudistes" signifie "aimé" pour réveler mon identité "livresque" : libraire dans les années 70, bibliothécaire de 1985 à 2010, mon amour des livres et de l'écriture est total ! L'écriture représente un "exercice spirituel" dans mon quotidien. Mon attente dans cet atelier : partager ces moments avec d'autres passionné(e)s et surtout nous lire, se lire, vous lire, conjuguer le verbe lire à tous les temps, présent, passé et futur... " Voilà le petit texte de présentation que j'ai écrit ce mardi-là. J'ai l'intention de livrer quelques morceaux de choix si je suis inspirée... Merci à Mylène de créer une atmosphère propice à la concentration et à l'imagination.

jeudi 6 octobre 2011

Le genre selon Judith Butler

Lire des romans est une priorité pour moi, mais, j'apprécie aussi le monde des idées, des concepts, des intellectuels... En ce moment, l'actualité, qui souvent surfe sur les faits divers, la politique nationale et internationale, les affaires juridiques, les crimes et délits, s'est penchée sur une polémique concernant "le genre", un sujet un peu difficile à comprendre portant sur l'identité sexuelle. Des députés de la majorité ont lancé une pétition pour retirer un chapitre d'un ouvrage de SVT au lycée qui aborde l'épineuse question du "genre". Pour comprendre ce concept audacieux, je recommande la lecture d'un très bon dossier dans le nouveau cahier "Culture et idées" qui tient toutes ses promesses, paru dans le Monde du samedi 1er octobre. Judith Butler, la grande théoricienne américaine du genre, explique cette notion : "L'enjeu est de comprendre l'organisation sexuelle de nos sociétés. Pourquoi les femmes sont-elles écartées des postes de pouvoir ? (...) L'assignation à un genre n'advient pas qu'à la naissance, elle se perpétue toute la vie. A l'école, en famille, à travers l'éducation, au travail, sans oublier les normes religieuses, communautaires, nationales." Elle se déclare plus que jamais féministe tant que les femmes "subiront des violences, qu'elles seront majoritaires parmi ceux qui souffrent de la pauvreté et de l'analphabétisme". Judith Butler veut déconstruire les modèles stéréotypés féminin et masculin. Ce dossier nous signale un choix de livres intéressant sur ce sujet, sujet d'une complexité excitante...

mardi 4 octobre 2011

"Des vies d'oiseaux"

En ce moment, je découvre les nouveautés de la rentrée 2011. Dans la liste des romans déjà proposés par les Goncourt, Médicis, Renaudot et Femina, je puise les titres à lire. Après Delphine de Vigan qui mérite un prix littéraire cet automne, j'ai fini "Des vies d'oiseaux" de Véronique Ovaldé, aux Editions de l'Olivier. Je l'ai trouvé intéressant, agréable à lire avec des personnages attachants dans un cadre géographique imaginaire du côté de l'Amérique du Sud. Le lecteur ou lectrice se laisse emporter dans cette histoire de jeunes squatters, de riches arrogants, de pauvres éloignés des collines "dollars". La première ligne du roman résume l'intrigue principale :"On peut considérer que ce fût grâce à son mari que Madame Izarra rencontra le lieutenant Taïbo." Madame Izarra va oser rompre son quotidien de femme-poupée et retrouver sa fille fugueuse. "Des vies d'oiseaux" est un titre très bien choisi pour montrer la légéreté d'être qui peut devenir une philosophie vitale. Paloma et Adolfo pratiquent le squatt dans les maisons de riches, la mère de Paloma quittera son mari, toutes ces ruptures rendent la vie plus légère et plus libre. Ce roman de Véronique Ovaldé pourrait particulièrement plaire aux femmes et après la lecture de Delphine de Vigan, j'avais l'impression de retrouver une forme de littérature aérienne, un vol d'oiseaux, un air frais et revigorant. Véronique Ovaldé est une optimiste radicale : elle croit en l'amour... et à la liberté !

lundi 3 octobre 2011

"Rien ne s'oppose à la nuit"

Le roman de Delphine de Vigan a obtenu dès la rentrée de septembre le prix Fnac qui réguliérement choisit, pour ce prix délivré très tôt, un roman de très grande qualité. J'ai lu son roman, édité en 2009, "Les heures souterraines" que j'avais apprécié à l'époque. Delphine de Vigan possède un talent certain pour retenir l'attention. Son style limpide, clair et efficace convient parfaitement à l'histoire qu'elle raconte. Elle cite d'ailleurs comme modèle le très beau livre "autobiographique" de Lionel Duroy, "Le chagrin" que j'avais analysé dans ce blog. Je pensais que cette histoire de famille, traitée mille et mille fois dans la littérature, serait trop traditionnelle, voire ennuyeuse... Rien de tout ça : Delphine de Vigan a écrit un roman, mieux, un récit de vie émouvant sans miévrerie du début à la fin. Le portrait fragmenté de sa propre mère que l'on devine très vite condammée au malheur, devient une prouesse littéraire très juste et très forte. Les premières lignes livrent la fin de l'aventure terrestre de cette "mère-courage" : "Ma mère était bleue, d'un bleu pâle mêlé de cendres, les mains étrangement plus foncées que le visage, lorsque je l'ai trouvée chez elle, ce matin de janvier." On apprend la mort de sa mère dans cette première ligne. S'en suit une biographie fouillée, "archéologique" de cette femme meurtrie par la vie : son enfance, son adolescence, sa vie de femme et de mère de famille. Le lecteur ou lectrice apprend tout des amours, des amitiés, des joies et des peines, des réussites et des échecs, de sa folie passagère de ce personnage emblématique des années 7O. Delphine de Vigan se mue en détective privé pour rendre compte du destin tragique de sa mère au sein de sa famille en recherchant auprès des frères et des soeurs, des indices, des traces, des souvenirs déformés par le temps. Ce lien indéfectible entre une mère fragile et une fille forte renverse le lien parental originel qui supposerait une protection permanente des parents vis à vis de leurs enfants... Je propose au jury du Goncourt de délivrer ce prix à Delphine de Vigan... Une récompense méritée enfin pour une femme écrivain qui a capté dans son roman-témoignage la difficulté d'être femme dans ce monde d'hommes...

vendredi 30 septembre 2011

Les amoureux du silence

Dans Le Monde du mardi 27 septembre, j'ai trouvé un article sur un sujet très rarement traité dans la presse : il s'agit du... silence. Jean-Michel Delacomptée, écrivain et essayiste, a signé un papier intéressant sur la place du bruit dans notre société. Nous sommes tous entourés de nuisances sonores de tous côtés en particulier dans nos villes : les voitures, les cars, les motos, les scooters, les engins de travaux, les musiques diverses, etc. Dans les campagnes ou banlieues résidentielles, qui n'a pas râlé contre les tondeuses, les élagueuses, les souffleurs de feuilles, les avions, les bricoleurs amateurs, etc. Dans la maison, les machines à laver, les radiateurs, la télé, les voisins, etc. Je cite : "Une société esclave du bruit entretient une relation étroite avec la violence." Il prône la "tranquillité sonore", véritable enjeu de santé publique. Jean-Michel Delacomptée a écrit un "Petit éloge des amoureux du silence" chez Gallimard au prix des deux euros ! Je vais donc acheter ce petit livre car je suis une "amoureuse du silence". Quand on aime lire et écrire, on s'entoure de silence pour une meilleure concentration intellectuelle. Evidemment, j'écoute beaucoup de musique classique mais c'est aussi une forme de silence choisi... Chut, écoutez le silence, cela fait beaucoup de bien !

jeudi 29 septembre 2011

Le Monde 2 a changé

Le monde 2 a changé de "look" mais je le déplore. Il est devenu illisible ! Les publicités tapageuses et luxueuses l'empêchent vraiment de garder la ligne éditoriale que je lui connaissais. On ne voit plus que ce déballage cynique de consommation pour les classes supérieurement dotées de moyens financiers sans fin. Cette vitrine publicitaire gâche tout : on se croirait dans le Figaro Magazine ! Je sais bien que les recettes publicitaires sont nécessaires pour faire vivre une revue hebdomadaire. Mais l'outrance de l'utilisation des images commerciales a provoqué chez moi un rejet décevant de la lecture de cet hebdo pourtant très lisible dans les temps lointains de sa sobriété. Voilà que notre revue est devenu bling-bling !!!! Réveillez-vous, Journalistes du Monde et reprenez votre ligne éditoriale, pétrie de sobriété et même d'austérité... Par contre, le journal du samedi s'est agréablement étoffé avec des cahiers intéressants comme celui de la culture et des idées. J'ai retrouvé avec plaisir un entretien avec Annie Ernaux qui parle de son sentiment de faire partie de la classe ouvrière qu'elle ne veut pas renier, elle, la fille de parents épiciers. Pour cet écrivain si singulier, le sentiment des classes sociales perdure toujours dans la société. Annie Ernaux souhaite un changement profond. Elle confie son espérance : "Chaque individu n'a qu'une vie, et le fait que cette vie-là puisse toujours être d'un dominé, voire d'un hyperdominé, comment peut-on vouloir cela ? Ce qu'on a demandé récemment aux fortunés est risible, une aumône. L'ordre actuel est foncièrement injuste".
La littérature sert aussi à cultiver ce sentiment d'indignation face à l'injustice, la misère sociale et le désordre ambiant...

mardi 27 septembre 2011

"Un lac immense et blanc"

Ce récit de Michèle Lesbre ressemble à un roman et dégage un charme troublant et envoûtant. Pourtant, il ne se passe pas grand chose dans ce livre, édité ches Sabine Wespieser. Une femme, Edith Arnaud, dans la soixantaine, se souvient de son passé de militante "gauchiste", d'un compagnon Antoine, disparu sans laisser de traces. Elle travaille près du Jardin des Plantes, fréquente un café où elle remarque un homme d'origine italienne qui mentionne souvent Ferrare, sa ville natale. Michèle Lesbre évoque elle aussi Ferrare, en la personne de Giorgio Bassani. J'aime beaucoup l'esprit de famille entre écrivains. L'auteur du magnifique "Jardin des Finzi-Contini" est un maître pour Michèle Lesbre. Les descriptions des paysages, des bribes du passé, des fragments de vie traduisent un effet "rêverie" qui emporte le lecteur dans ses propres souvenirs. J'ai remarqué le style subtil, élégant et impressionniste du récit. Je vous cite un petit passage : " Je me souviens d'une vague appréhension, la crainte que cet abandon ne soit l'annonce de futures déroutes. Un certain mois de mai se profilait à l'horizon, quatre ans plus tard, point d'orgue de toutes ces années qui, au sortir de l'adolescence, nous avaient plongés dans les désordres du monde. Il amorcerait l'insidieuse érosion de nos certitudes." C'est un récit de génération, la mienne en particulier, qui a vécu le glissement progressif du rêve naïf de "changer la vie" en mai 68 au slogan ridicule et pitoyable du "travailler plus pour gagner plus"... Et je vais aussi m'empresser de lire ce roman de Bassani pour vivre dans le charme des vieilles villes italiennes et vous conseiller vivement la musique douce et ensorcelante de Michèle Lesbre...