jeudi 21 novembre 2013

Rubrique cinéma

Ce film de Martin Provost ne manque pas d'audace. Le réalisateur s'était déjà intéressé à une femme originale, "Séraphine", femme de ménage et peintre amateur de grand talent, interprétée par la comédienne Yolande Moreau. Il nous offre dans le film "Violette" un regard attachant sur deux femmes écrivaines singulières, Violette Leduc et Simone de Beauvoir. On connaît la vie de Simone de Beauvoir, jouée par Sandrine Kiberlain, mais le public méconnaît celle de Violette Leduc dont l'œuvre est peu lu de nos jours. Le film raconte une histoire d'amour et de malentendu entre ces deux femmes. Violette est malheureuse dans ses relations amoureuses. Elle s'entiche de Maurice Sachs, un écrivain homosexuel, qui la rejette. Ils vivent ensemble à la campagne pour fuir la pénurie alimentaire de Paris. Quand il part, elle retourne en ville où elle organise un marché noir qui lui permet de survivre. Elle aperçoit Simone de Beauvoir dans un café et cette rencontre changera sa vie. Elle lui confie un manuscrit, "L'asphyxie", qui sera accepté chez Gallimard grâce à l'appui indéfectible de Simone de Beauvoir. Violette se prend de passion pour son mentor en littérature qui ne cesse de l'encourager dans les projets d'écriture. Elle est même aidée par Jean Genet et le parfumeur Jacques Guérin. Martin Provost montre comme un leitmotiv l'extrême solitude de Violette Leduc, dans son studio, à la campagne, auprès d'une mère difficile et même avec ses soutiens amicaux. Seule, l'écriture la maintient en vie. Elle finira par connaître un certain succès à la fin de sa vie, ou du moins une estime littéraire certaine. Ce film, en quelque sorte, réhabilite cette femme écrivaine, qui mérite vraiment d'être lue, en particulier son ouvrage le plus fort, "La bâtarde", disponible en librairie. Violette, écrivaine sulfureuse à son époque, faisait partie des "maudits" de la littérature, ceux et celles qui évoquent des sujets tabous comme l'homosexualité, la marginalité, la difficulté d'aimer, la violence des relations, la non-reconnaissance. La performance d'Emmanuelle Devos apporte un souffle à ce film un peu austère dans sa construction et dans ses images. Le cinéma n'exploite pas assez le monde de la littérature, surtout celui des années 50, et ce film retrace avec justesse l'ambiance de cette période quand Simone de Beauvoir défendait une certaine idée de la littérature, fondée sur la vérité, la lucidité et le courage.