vendredi 24 février 2023

Atelier Littérature, 2

 Danièle était particulièrement émue en évoquant un des textes autobiographiques de Colette, "La Treille Muscate", intégré dans un recueil, "Prisons et Paradis", publié en 1932. Les parents de Danièle prenaient leurs vacances près de la résidence de Colette. Cette lecture a donc réactivé des souvenirs familiaux imprégnés de nostalgie heureuse. En 1925, l'écrivaine tombe amoureuse de cette maison dans le golfe de Saint-Tropez et pendant treize ans, elle viendra passer ses étés dans ce paradis enchanteur, accompagnée de son mari, Maurice Goudeket : "Je dormais le mistral dans les cheveux. Des chouettes dialoguaient dans les pins, avant minuit, et le brasier des criquets ne se taisait qu'après elles. Quel songe valut l'heure d'insomnie qui me donnait en partage, à moi seule, avant le lever du jour, la Méditerranée endormie". Pour tous les amoureux de la Provence, ce texte court et lumineux sent la lavande. Odile a beaucoup aimé "La naissance du jour", paru en 1928. Ecrit à la première personne, ce récit romanesque entrelace un bilan (la narratrice a 55 ans) avec des réflexions sur sa mère Sido, un séjour à Saint-Tropez, mais aussi une intrigue amoureuse entre un jeune voisin, Vial, et Hélène, attirée par Vial, une jeune femme peintre, amie de Colette. Vial est amoureux de l'écrivaine mais elle influence le jeune homme pour qu'il se rapproche d'Hélène. A la fin du récit, Colette semble renoncer et prend acte d'une sérénité retrouvée : "Des pêches, oubliées dans une coupe, se rappelèrent à moi par leur parfum suri ; l'une d'elles, où je mordis, rouvrit à ma faim et à ma soif le monde matériel, sphérique, bondé de saveurs". Avec Colette, tout est célébration de la "chair du monde". Régine a présenté un recueil de  vingt-deux nouvelles, "La Femme cachée". Nombre d'entre elles ont pour héroïnes des femmes à la recherche de leur identité. Dans un bal masqué, un mari reconnait sa femme qui avait refusé de l'accompagner. Elle le séduit et le provoque. Il ne la reconnaît plus. Régine a préféré la nouvelle, "La main". Une jeune femme découvre soudain le caractère "monstrueux" de la main de l'homme qui dort auprès d'elle. Colette romancière, Colette nouvelliste, essayiste, journaliste, comédienne, mime, artiste, et on peut ajouter esthéticienne un temps, présidente de l'Académie Goncourt, pianiste, et dans sa vie privée, fille, mère, amante, épouse, amie, et encore, jardinière, cuisinière, brodeuse, collectionneuse de sulfures, de livres, d'estampes. Une femme heureuse, une femme malheureuse, un esprit de jeunesse éternelle, une femme d'une créativité exceptionnelle qui proclamait "Toute ma peau a une âme".  Pour terminer l'atelier, chacune a relevé un mot particulièrement original. J'ai retenu : apophtegme, bâcleuse, créosote, fredon, simplesse, rossarde, hamadryade, casaquin, bonheur-du-jour, comestiqué, doguine. Pour conclure, il faut lire et relire Colette, notre "star" littéraire la plus photographiée du XXe. Dans l'univers féminin et félin de Colette, j'aime sa prose poétique, ses images fulgurantes, ses rêveries sur la nature et sur les animaux, ses méandres ambigus sur l'amour pluriel, ses personnages touchants, et je savoure au fil des mots son goût de la vie, teinté parfois d'une ironie narquoise et espiègle. Claudine, Renée, Missy, Julie, Annie, Marguerite, Polaire et tant d'autres femmes magnifiques et vivaces traversent avec une beauté sans égale son œuvre multiforme. Pour ma part, mes relectures à quelques décennies de distance m'ont réconciliée et pour longtemps avec cette grande dame des Lettres françaises.