jeudi 18 décembre 2014

"Ce qui reste de nos vies"

Quand j'ai commencé à lire les premières pages du roman de l'écrivaine israélienne, Zeruya Shalev, je me suis tout de suite : quel souffle ! Elle a obtenu le prix Femina du roman étranger, honorable récompense mais, je m'étonne beaucoup que ce roman ne figure dans la liste des 20 meilleurs livres de l'année dans la revue Lire. Un oubli incompréhensible... Ce livre va toucher les lecteurs(trices) qui aiment les histoires familiales intenses et émouvantes. Le premier personnage à suivre s'appelle Hemda Horovitz. Elle est malade et se souvient de son passé, de son enfance dans un Kibboutz, entre un père exigeant, un mariage sans amour et un rôle de mère en difficulté. Sa fille aînée, Dina et son fils cadet, Avner, lui rendent visite à l'hôpital. A partir de cette situation familiale, la disparition prochaine de leur mère, Dina et Avner vont remettre leur vie en question. Dina, à la quarantaine dynamique, est professeur, mariée à un photographe de presse et vit mal la transformation de sa petite fille en adolescente qui s'éloigne d'elle. Avner, aussi, s'est très mal marié avec une femme qui au fond ne lui convient pas et par lassitude, il maintient ce lien à cause de ses deux enfants. Il est avocat des causes difficiles. Il aperçoit à l'hôpital un couple qui symbolise pour lui, l'amour parfait. Il apprend la mort de cet homme et fait tout pour retrouver cette femme. Dina souffre de l'indifférence de son mari et supporte très mal le changement de sa fille. La perte lui est insupportable et pour combler ce manque, elle prend une décision inouïe : adopter un enfant pour donner tout cet amour que sa fille ne veut plus recevoir. Elle met sa famille en question et bouleverse l'ordre des choses. Zeruya Shalev décrit avec une intensité puissante les relations affectives : entre mère et fille, entre mari et femme, entre père et fille, toute une panoplie de liens mystérieux et souvent incompréhensibles. Tous les sentiments explosent dans ce texte : la colère, la frustration, la jalousie, la peur, le ressentiment, mais aussi, l'amour, la compassion, l'amitié. Pour goûter le style du roman, je cite un passage concernant la mère de Dina  : "Oui, condamnée à une vie éternelle par l'amère indifférence des siens, elle va rester allongée ici sous sa lourde couette pendant des années, verra ses enfants vieillir et ses petits-enfants devenir des adultes, car elle vient de comprendre que mourir requiert aussi des efforts, une sorte d'élan du futur défunt ou de son entourage, un acte dans lequel il faut s'impliquer, s'agiter fébrilement comme lorsqu'on prépare une fête d'anniversaire." Ce roman est un coup de cœur, radical et original, et un coup de lame tellement l'écrivaine tranche vif... Chacun peut se reconnaître dans ces personnages tourmentés, chagrinés et quelquefois, apaisés, réconciliés... Tout simplement, il ne faut pas passer à côté de Zeruya Shalev...