mercredi 14 mars 2018

Atelier d'écriture, 2

J'avais envie d'écrire un souvenir d'enfance et le voici, une variation proustienne, une petite madeleine à partir d'une photographie : "Une photo d'enfance : une petite fille en maillot de bain, une pelle à la main sur une plage, près de Narbonne. Près d'elle, son frère et sa sœur, ses ainés. La fratrie réunie dans cette après-midi d'août. La boucherie de leur père ne ferme jamais. Il emmène sa femme et ses enfants dans une maison en bord de mer qui abrite les moustiques et le sable envahissant. La petite fille ne se souvient de rien, ni de cette scène fraternelle, ni des journées à la plage. Un trou noir, un continent oublié, un passé perdu. La petite fille porte un foulard de pirate sur ses cheveux longs. Dans ces années 50, elle ressemble à une indienne un peu sauvageonne. Son frère est assis sur un ballon, arbore un sourire royal et déjà conquérant. Sa sœur porte un seau à la main qu'elle va remplir d'eau, peut-être.  La petite fille de trois ans se sert de la pelle pour creuser un trou. Le château de sable se devine dans la photo en noir et blanc. La fratrie a joué au ballon avant, peut-être. La petite fille, des années plus tard, regarde ce cliché familial et cherche désespérément le souvenir de cette scène. Soudain, une minuscule particule de mémoire flotte dans sa tête : elle mange une tranche de melon. Un melon banal mais présent dans les limbes de son moi profond. Le goût du melon, son jus sucré, ce fruit appartenait à la mythologie de l'été. Elle a oublié la chaleur, le sable, le mistral, la mer, les moustiques, les baignades. Ils n'ont laissé aucune trace dans son filet mental. La mémoire, un fragile château de sable. Ses parents ont disparu emportant avec eux les souvenirs de son enfance. Heureusement, il lui reste son frère et sa sœur avec qui elle retrouve ce passé lointain. Cette photo ravive et ressuscite un moment précieux, une enfance heureuse, lumineuse, et scelle à tout jamais ce moment fugitif d'un été à Narbonne dans les années 50..."
Hier, à l'atelier, j'ai commis ce petit texte sur les choses que l'on trouve dans sa bibliothèque : "Un encrier en laiton de 1832 avec son porte-plume, offert par ma mère, un petit vase ventru basque de la poterie de Ciboure, des statuettes grecques de mes voyages dont la belle Athéna, des photos de famille dont une de mes parents dans leur jardin, un petit bocal rempli de sable de la plage de Biarritz et quand je l'ouvre, je sens le parfum marin de mon pays, des coquillages ramassés sur les plages de Grèce et d'Italie, des bouts de bois flotté, un scribe égyptien, cadeau de ma sœur, et des photos d'écrivain : Nerval, Proust, Woolf, Beauvoir et Perec, évidemment..."