jeudi 5 juillet 2018

"Un jour"

Michel Crépu, directeur de la "Nouvelle Revue Française" depuis 2015, a composé dans ce récit autobiographique, "Un jour", le portrait de son père. Quand un père ou une mère disparaîssent, le monde semble s'effondrer, s'effriter, s'éparpiller. Ce tremblement d'être, Michel Crépu le raconte sans pathos, avec une émotion contenue et une pudeur discrète. Dès la première page, ces mots : "Mon père est mort la semaine dernière". Son père s'appelait Roger et il avait 89 ans. L'écrivain évoque une France disparue du XXe siècle, symbolisée par une famille traditionnelle de la petite bourgeoisie à Etampes. Son père était architecte :  "Crayon, T, équerre, gomme, compas, table à dessin : voilà pour les munitions, le carquois". Il militait du côté de la Démocratie chrétienne, possédait une forte conviction européenne car sa foi profonde le guidait dans toutes ses actions. Le narrateur se préparait à la disparition de son père, victime d'un AVC dix ans avant et plus tard, de la maladie d'Alzheimer. "Mon père s'est désagrégé sous nos yeux, au fil des mois, des années. Il est parti par bouts, par détachements de plaques, comme sous l'effet d'un courant irrésistible". Les pages qu'il consacre à la fin de vie de ces parents résonnent d'une façon particulière car elles ont une portée universelle. Son père avait deux passions : le cirque et les guides de voyage. Michel Crépu relate les vacances en famille en Suisse et en Italie, des souvenirs d'enfance inoubliables. Le narrateur nous raconte en fait une partie de notre histoire même si les familles naissent dans des moules différents. Ce texte personnel fourmille d'anecdotes politiques (Jean Lecanuet, qui se rappelle encore de lui ?), d'événements familiaux (fêtes et anniversaires), de traditions disparues (chanter à table à la fin des repas la "Marquise"). Michel Crépu, intellectuel cultivé, n'oublie jamais notre patrimoine littéraire et ne manque jamais une occasion de citer les classiques que je retrouve avec plaisir. Ce témoignage sur le destin banal d'un homme simple et honnête se termine dans la tragédie de la maladie, la maladie terrible de l'oubli. Son fils a pris la plume pour raconter l'épopée de cet homme et je citerai une phrase de Malraux : "La vie ne vaut rien mais rien ne vaut une vie"...