lundi 18 janvier 2021

"Le Palais des Orties"

Le roman de Marie Nimier, "Le Palais des Orties", est passé un peu inaperçu car il est sorti en fin août et s'est englouti dans la marée montante des nouveautés. Pourtant, il se lit avec un vrai plaisir. Parler d'orties semble quelque peu décalé, marginalisé. Cette herbe urticante et désagréable n'attire pas la sympathie. Mais, les protagonistes de l'histoire sont convaincus du contraire. Simon et Nora ont hérité de la ferme parentale et ont décidé de cultiver cette plante qui possède des vertus diurétiques, antalgiques, anti-inflammatoires et même fertilisantes sous forme de purin. Nora a beaucoup d'imagination pour transformer ce produit atypique : création de soupes, de pesto, de crème dermatologique. Le couple d'agriculteurs vivote avec ce projet non rentable pour le moment. Entourés de leurs adolescents, ils forment une famille unie et harmonieuse. Un jour, arrive une woofeuse, terme anglais non traduit à qui le couple offre le gite et le couvert en échange de services à la ferme. Cette jeune femme à la peau mate s'appelle Fred. Surprise, elle sait tout faire : la plomberie, la cuisine, les soins aux animaux, les travaux sur les orties. Nora va vite succomber au charme de la jeune fille rebelle : "Fred n'est pas une fille, c'est une drogue. Il suffit de la côtoyer pour avoir des hallucinations".  Fred séduit toute la famille et en particulier, Nora. Alors qu'elle s'imaginait Fred dans les bras de son mari, ce sont les bras de Nora qui enlacent la jeune woofeuse. Elles se retrouvent en cachette pour vivre leur relation amoureuse illicite et clandestine. La famille ne voit guère leur passion qu'elles vivent avec une évidence audacieuse, même à l'intérieur de la maison. Nora découvre une dimension insoupçonnée de sa personnalité : elle éprouve une nouvelle sensualité, savoure une complicité étonnante et envisage même de quitter son mari pour partir loin de la ferme. Leur histoire va-t-elle perdurer ? Quand le village se réunit pour la Fête de Saint Rufin, tout explose dans la vie de Nora. Marie Nimier, en botaniste avertie, évoque cette culture de l'ortie comme une parabole de l'amour "piquant" au sein d'une famille. La passion entre les deux femmes dérange la communauté, provoque des désordres, attire les insultes homophobes. Cette idylle amoureuse semble impossible à vivre mais restera un point d'orgue dans la mémoire des deux héroïnes. La vie reprend sa forme habituelle, consensuelle et conforme à la normalité. L'amour hors sentier ressemble à ces orties symboliques : ça pique le cœur qui souffre et l'écharde reste longtemps en soi. Nora et Fred, un couple inédit et surprenant. Ce roman aurait mérité une plus grande attention dans la presse littéraire.