lundi 10 juin 2013

"Ecoute la pluie"

Ce roman de Michèle Lesbre, "Ecoute la pluie", édité chez Sabine Wespieser, peut littéralement enchanté le lecteur(trice). Une femme s'adresse à son amant. Il vit à Nantes et elle est restée à Paris. Leur séparation provisoire va devenir le fil conducteur du récit. Je cite une des premières phrases : "Depuis que nous ne vivons plus dans la même ville, quelques terrains vagues se faufilent entre nous, ceux de nos imaginaires, qui, parfois, me font peur. Où es-tu dans l'instant même où je pense à toi, à qui parles-tu ? Pourtant, j'aime ces zones d'ombre, elles nous permettent de ne pas laisser l'ennui et l'habitude nous grignoter peu à peu". La narratrice se rend à son travail et en prenant le métro, elle aperçoit un homme âgé qui lui sourit et se jette subitement sur les rails à l'arrivée du train. Ce suicide bouleverse la narratrice et ce vieux monsieur anonyme l'obsède douloureusement. Elle imagine en même temps la vie quotidienne de son amant. Que fait-il à Nantes ? A-t-il rejoint l'hôtel des Brumes où ils doivent se rejoindre ? Son compagnon est un photographe professionnel qui voyage beaucoup. La narratrice nous relate aussi les découvertes de ces périples culturels dans des villes "mythiques" comme Trieste, Sienne et Venise. Son obsession de l'homme au métro la conduit dans un commissariat car elle veut connaître l'identité et la vie du vieil homme. Elle apprend qu'il travaillait dans le métro et qu'il venait de perdre sa femme. Sa déambulation nocturne dans un Paris fantasmé l'entraîne chez une amie, dans des cafés. Le titre "écoute la pluie" symbolise l'état d'esprit de la narratrice. Cette pluie est intérieure, en elle, comme un chagrin diffus, une nostalgie d'un amour fini, peut-être... Ce roman possède un charme "durassien" par son style délicat et chatoyant, par la fascination du passé, des repères culturels, des lieux (ville, plage), et surtout par la perte de l'amour. Quel beau roman, à lire absolument... Ecoutons la voix subtile de Michèle Lesbre : "J'ai toujours aimé la pluie, les siestes déraisonnables qu'elle suggère, les traversées téméraires d'une ville inconnue en quête d'un abri, d'un chemin de traverse ; j'aime la pluie le dimanche, la pluie dans un port".