jeudi 27 octobre 2016

"Continuer"

Le roman de Laurent Mauvignier, "Continuer" reprend une expression de Samuel Beckett. Ce verbe "continuer" résume la vie de Sybille, une mère quelque peu déprimée et découragée. Elle rêvait d'être chirurgienne, elle est infirmière. Elle rêvait de vivre avec l'amour de sa jeunesse. Son compagnon meurt accidentellement. Sa dépression chronique a fait fuir son mari vers d'autres horizons féminins. Et son fils, Samuel, ne va pas bien, vraiment pas bien du tout. Il fréquente des garçons peu "fréquentables" et sa mère doit le récupérer à la gendarmerie. Sybille comprend vite que son garçon est en danger et prend une décision énergique : elle vend sa maison de famille pour financer un grand périple dans un pays surprenant : le Kirghizistan... Tous les deux aiment les chevaux et ce lien va permettre une sorte de reconquête. Samuel semble perdu dans un monde de rancœur, de repli sur soi, d'agressivité et de mal-être. Comme beaucoup d'adolescents, il vacille, n'a pas confiance en lui, voit les adultes comme des ennemis. Sa mère lui renvoie cette image de femme fragile et son père, une image d'irresponsable. Samuel accompagne sa mère car il n'a pas le choix. Le duo mère-fils va-t-il exploser dans ce périple ou au contraire, se souder davantage ?  Je ne dévoilerai pas les nombreuses aventures, bonnes et mauvaises,  dans ce pays inconnu. Sibylle va retrouver le goût de vivre, Samuel, ses repères affectifs. Laurent Mauvignier fait ressentir grâce à son écriture précise, belle et charnelle, la chaleur des chevaux, la présence de la nature, les rencontres imprévues, le dialogue perdu et retrouvé, des personnages mouvants et émouvants, la fragilité des êtres, les liens familiaux inextricables et complexes... Dans une émission littéraire, l'écrivain expliquait que la matrice de son livre prenait sa source dans un fait divers d'un père de famille voulant sauver son fils grâce à un périple dans un pays lointain. Cette mère si fatiguée et pourtant si vivante réussira à renouer des liens avec ce garçon mutique, replié sur lui-même, en proie à un mal être courant à son âge. Et Samuel finira par comprendre que sa mère ressemble à une véritable héroïne des temps modernes... Un des plus beaux romans de la rentrée...