mardi 22 mars 2011

Le cabinet de lecture

Ce joli titre concerne une petite collection des Editions L'Escampette, collection originale et trés sympathique, dirigée par Alberto Manguel, écrivain et grand spécialiste du livre et de la lecture. Un récit de Doris Lessing, grande dame, très grande dame des Lettres anglaises, prix Nobel de littérature en 2007 a attiré mon attention en librairie : "C'est ainsi qu'un jeune noir du Zimbabwe a volé un manuel de physique supérieure". L'écrivaine rend un hommage vibrant à la lecture, aux livres et aux bibliothécaires. Au Zimbabwe, les enfants noirs n'avaient rien à lire et tout un système social s'est mis en place pour construire des écoles et des bibliothèques dans chaque village. Mais Doris Lessing raconte que les livres manquaient cruellement. Les livres sont des clés essentielles pour s'ouvrir au monde et au progrès. Elle cite une anecdote significative dans ce désir de posséder un livre à soi quand un jeune enfant qui ne savait pas lire, vole alors un livre de physique, symbole du savoir et de la culture. Doris Lessing constate que cette soif de lire s'est considérablement estompée aujourd'hui dans nos sociétés occidentales. Elle regrette cet état de fait et dénonce la fin de cette époque : "Nous sommes en train de vivre la fin d'une culture, une rupture aussi radicale avec le passé qu'à l'époque où la révolution de l'imprimerie mit des livres entre les mains des personnes qui auparavant avaient su que les maisons instruites, riches, religieuses, possédaient des livres." Pour Doris Lessing, l'inculture de nos hommes politiques ne pose pas de problème... Elle va plus loin en regrettant la présence des "gestionnaires-bibliothécaires" dans les bibliothèques anglaises qui n'ont jamais lu un livre de leur vie !
Ce récit nous parle de la présence précieuse et irremplaçable du livre comme objet de libération et de progrés social. Une certaine nostalgie se dégage du récit : il faut dire que Doris Lessing, née en 1919, perçoit un changement irréversible dans le domaine de la lecture et se demande si lire par exemple des "classiques" a encore un sens aujourd'hui...
Alberto Manguel signe la conclusion en écrivant : "Lire est une pratique qui permet non seulement de comprendre mais d'agir, concrètement et effectivement, dans le monde physique et intellectuel. Les paroles transmises qui décrivent l'expérience humaine, commune à tous, offrent la possibilité de modifier cette expérience et ce monde. "