vendredi 25 mars 2016

Lire avant de voyager

Je termine le mois de mars avec ce quinzième billet consacré à ma future escapade à Naples et je reprendrai ce blog après le 9 avril. Mais, avant de m'envoler pour la Campanie, j'ai préparé mon voyage en lisant comme je le fais toujours. Naples se visite aussi dans les livres et quand je poserai mes pieds dans la première rue de la ville, je vais, évidemment, comparer mes découvertes concrètes à celles de mes lectures. Pour approcher l'essentiel, j'ai pris des notes à partir des guides et j'ai déjà un programme chargé : églises, places, palais, bibliothèques sans oublier l'exploration de la cuisine italienne, la plus savoureuse du monde... J'emporte dans mes bagages les trois guides indispensables : le Cartoville "Naples" de Gallimard, le Guide du Routard et le Guide Bleu d'Hachette sur l'Italie du Sud. J'ai feuilleté quelques documents complémentaires en librairie mais il faut bien se limiter sinon, un sentiment de saturation m'envahit. Pour mieux observer les sites archéologiques en particulier Pompéi, j'ai acquis un très bel ouvrage illustré, "Pompéi, l'antiquité retrouvée",  écrit par un historien de l'art, Jean-Marc Irollo et paru aux éditions Place des Victoires en 2014. Cette mine d'informations sur la vie romaine va me permettre de vagabonder dans le site en repérant les lieux les plus symboliques de la vie antique. Cette cité a été ensevelie sous une pluie de cendres et de pierres provenant du Vésuve en 79 ap. J.-C. et fut oubliée pendant des siècles. Avant qu'elle ne se dégrade davantage, je me dois d'aller voir sur place cette merveille du patrimoine mondial. Deux écrivains français, Dominique Fernandez et Jean-Noël Schifano m'ont semblé indispensables pour m'imprégner de la culture napolitaine. J'ai déjà consulté le "Dictionnaire amoureux de Naples" de Schifano et "Sous le soleil de Naples" où il décrit un Naples historique, culturel, religieux et social dans une langue baroque. Je mets dans ma valise "Porporino ou les mystères de Naples" de Fernandez... Je ne veux pas oublier l'influence déterminante de Erri De Luca qui raconte avec son talent magnifique, le peuple napolitain. Les livres précèdent, accompagnent  et prolongent mes voyages. Je décuple le plaisir du départ en me plongeant dans la documentation dès que j'ai pris la décision d'aller quelque part. Encore une déformation professionnelle que j'ai conservée malgré ma situation de retraitée : on ne se refait pas...

mercredi 23 mars 2016

Rubrique cinéma

A Chambéry, nous avons la chance de suivre deux festivals de cinéma, l'un hispanophone en ce moment et le second, italien. J'ai donc vu deux films samedi et dimanche, "Carmina y Amen"  de Paco Léon et "Paulina" de Santiago Mitre. Le premier film ressemble à un Almodovar : Carmina assiste à la mort de son mari et au lieu d'appeler le Samu, elle prévient sa fille. Toutes les deux vont attendre deux jours pour recevoir une prime que son époux devait toucher. Les voisins défilent avec leurs problèmes, et Carmina parvient à dissimiler son décès. Ce film déjanté à l'humour noir montre aussi la vitalité de cette femme, mal mariée et défendant avec passion les intérêts de ses enfants. Le film se déroule à Séville dans un immeuble populaire et les dialogues sont savoureux surtout quand on comprend l'espagnol mâtiné d'accent andalou. Ce film espagnol propose un conte urbain macabre mais aussi loufoque, imprégné de verve populaire et délicieusement amoral. Le deuxième film, "Paulina", n'attire aucun rire, ni sourire car il raconte l'histoire d'une jeune avocate qui veut se consacrer à l'enseignement dans une région défavorisée aux confins du Paraguay. Son père, un juge influent, et son fiancé tentent de la dissuader de cette mission trop dangereuse selon eux. Elle s'obstine dans ce projet et part rejoindre cette école rurale. Paulina assume un cours sur la politique tout en s'intégrant dans la communauté. Or, un soir, elle quitte une amie et traverse la forêt où des hommes la kidnappent et la violent. Un de ces violeurs est un ouvrier d'une scierie. Et le film bascule dans une tension extrême : Paulina ne veut pas dénoncer les agresseurs et en plus, comme elle est enceinte, elle ne veut pas avorter. Son père et son fiancé n'arrivent plus à la comprendre. Paulina a subi une violence terrible et malgré ce choc, elle veut comprendre les raisons de son viol. Elle revient dans cette école et retrouve ses élèves et nous laisse, nous spectateurs(trices), dans la plus complète incompréhension... Deux portraits de femme : une mère andalouse à la Calamity Jane et une victime de la violence masculine, d'une incommensurable générosité. L'Astrée et le Forum de Chambéry proposent décidément une programmation riche et originale et tant mieux pour les amateurs de cinéma.  

lundi 21 mars 2016

"La renverse"

Olivier Adam écrit souvent des romans "sociétaux" car la famille et la société s'entremêlent pour créer chez le lecteur(trice) un certain malaise vécu par le personnage principal. Antoine vit en Bretagne, travaille dans une librairie et raconte le cauchemar familial qu'il a vécu dix avant. Il apprend la mort d'un homme politique, Jean-François Laborde, victime d'un accident de voiture. A partir de cet événement, le passé resurgit et il se remémore le scandale qui a brisé sa famille. Sa mère était la maîtresse de ce maire et sénateur de droite d'une ville normande (une affaire récente semble correspondre à ce fait divers lamentable). Sa mère est aussi impliquée dans une affaire de mœurs concernant deux employées de la mairie qu'elle aurait entrainées dans le bureau du sénateur-prédateur sexuel.  Antoine remonte aux sources familiales pour comprendre l'attitude de ses parents. La mère se sent flattée par cette relation politico-amoureuse car elle a commencé sa vie dans le mannequinat et le cinéma populaire. Son mariage raté avec un homme falot et ordinaire et cette vie de femme au foyer manquaient de "piquant". Ce mirage d'une existence flamboyante l'aveugle au point d'oublier ses obligations parentales envers ses deux fils. Quand le scandale éclate, le frère d'Antoine quitte la maison et rejoint sa tante. Antoine préfère observer la déchéance parentale, le gouffre abyssal entre lui et eux. Cette fracture sera définitive car il ne reverra jamais ses parents. L'intérêt du roman repose sur le vécu imaginé par l'auteur, des protagonistes d'un fait divers scabreux au sein d'une famille typique, de la classe moyenne, formatée, honnête et conformiste. Olivier Adam dénonce l'irresponsabilité parentale, l'hypocrisie sociale, l'imposture et la corruption de la classe politique (de droite pour lui, évidemment). Antoine fuit cette vie factice et se reconstruit loin d'elle jusqu'à franchir l'océan pour retrouver son frère au Canada. La presse littéraire n'a pas été tendre avec Olivier Adam à la rentrée de septembre. On lui a reproché la pauvreté de son style, le mécanisme romanesque trop caricatural inspiré d'un fait divers politique, le mal-être récurrent des personnages broyés par des parents égoïstes. Ce roman malgré quelques faiblesses a quand même le mérite d'exploiter un certain malaise sociétal d'un pays en crise et Antoine, victime de parents égoïstes et stupides, ne peut que rompre avec ce passé sans gloire...

vendredi 18 mars 2016

"L'intérêt de l'enfant"

Il est assez rare de lire un chef d'œuvre et après avoir terminé "L'intérêt de l'enfant" de l'écrivain anglais, Ian McEwan, je suis convaincue d'avoir vécu une expérience de lecture dense, percutante, profonde. Ian McEwan nous a habitués à écrire des romans fulgurants et je pense à "Samedi", l'histoire d'un neurochirurgien pris dans la tourmente de la violence sociale. Dans ce dernier livre, il est question d'une femme juge, Fiona Maye, 59 ans, magistrate spécialisée en droit de la famille. Elle veut comprendre un cas difficile qu'elle doit résoudre. Un adolescent de 17 ans refuse au nom de la religion, la transfusion sanguine qui le sauverait de sa leucémie. Ses parents, témoins de Jéhovah, soutiennent leur fils dans cette absurde décision. Fiona traverse aussi une crise conjugale car son mari veut la quitter pour rejoindre sa maîtresse plus jeune. Elle décide de rencontrer le jeune Adam à l'hôpital pour préparer son jugement : va-t-elle contraindre Adam à la transfusion pour survivre ou  choisir le respect de la religion ? En dialoguant avec le jeune malade, elle se rend compte qu'il aime la musique, la poésie, qu'il est intelligent mais elle analyse vite l'emprise de la religion sur sa personnalité fragile et immature. Ce dilemme la ronge et lui révèle aussi la complexité des croyances dogmatiques et des contraintes familiales. Elle prend une décision déterminante pour l'avenir du garçon : elle opte pour la transfusion pour son "intérêt". Mais, le roman ne se termine pas avec ce dénouement. Adam se remet de la leucémie, lui écrit des lettres pour la remercier. Entre eux deux s'installe une relation ambiguë alors que son couple chancelle après quelques années de bonne entente. Je préfère ne pas dévoiler la fin de l'intrigue, détonante et surprenante. L'écrivain, dans un article de la revue Page, relate cette observation : "Le roman est un instrument parfaitement accordé pour explorer l'intimité. Nos relations les plus profondes, qu'elles soient sexuelles, amicales ou familiales, sont autant sources de joies que de peines. Rien dans nos vies ne reste figé bien longtemps. D'où la relation complexe du roman avec la temporalité." Ian McEwan pose le problème de la croyance et de la rationalité avec en filigrane, celui la liberté de l'individu et du sens de la vie. Ce grand roman "judiciaire" confirme le talent extraordinaire de cet écrivain, sorcier littéraire qui n'hésite pas à se nicher dans une Fiona Maye, hésitante, épuisée et pourtant passionnée par la justice. 

jeudi 17 mars 2016

Atelier d'écriture

Ce mardi, nous étions très nombreuses dans l'atelier d'écriture et Mylène, notre animatrice, a quand même assumé avec détermination la séance malgré quelques rappels concernant l'écoute attentive des consignes. Elle nous a proposé deux exercices sur la poésie car n'oublions pas les poètes dont on parle très peu même dans la presse littéraire. Le premier exercice portait sur les alexandrins que l'on devait détourner. Elle nous a cité quelques uns : "Quand vous serez bien vieille au soir à la chandelle, J'ai longtemps habité sous de vastes portiques, Maintenant je me cherche et je ne me trouve plus, Que peu de temps suffit pour changer toute chose". J'ai choisi ces deux alexandrins avec des ajouts de mon cru :
"Maintenant, je me cherche et je ne me trouve plus,
Maintenant je me cherche et je tombe dans un trou,
Maintenant je me cherche et je fuis la vérité,
Maintenant je me cherche et je reviens à la réalité,
se chercher, se perdre, se retrouver, la vie."
 
"Je m'en allais les poings dans mes poches crevées,
Je m'en allais les pieds dans mes galoches trouées,
Je m'en allais la tête dans un bonnet déchiré,
Je m'en allais avec Rimbaud dans mes pensées."
 
Le deuxième exercice était basé sur un poème ludique de Blaise Cendrars : "Voici ce que ma malle contient" . Mylène a évoqué l'art de l'énumération et nous a demandé d'établir une liste d'objets contenus dans un espace donné. La plupart de mes camarades en écriture ont choisi le sac à mains, un tiroir, une armoire. Je suis partie sur un... filet de pêche :
"Six dorades dorées, cinq homards hagards, quatre pieuvres piteuses, trois thons grognons, deux requins taquins, une baleine naine, des sardines abasourdies et une seule bouteille. Tiens un message de Robinson, trop tard pour lui."
 
Mylène a eu une très bonne idée d'exploiter le thème de la poésie et des alexandrins de surcroit... Et j'apprécie beaucoup son approche car, pour elle comme pour moi, il est difficile d'écrire sans lire et à la fin de l'atelier, j'avais envie de redécouvrir Blaise Cendrars...  

mardi 15 mars 2016

Des livres et encore des livres

Je viens de rénover ma maison comme on se refait une peau neuve. Le printemps arrive, les beaux jours surgissent et malgré des actualités "intranquilles", l'envie de renouveau refait surface. J'avais remarqué à la Bibliothèque de La Motte-Servolex un décor d'ancienne bibliothèque dans un espace inutilisable pour contenir des étagères. Ce trompe l'œil donnait un cachet vintage et je désirais créer chez moi cette illusion de bibliothèque. J'ai déniché sur un site internet, une tapisserie d'un designer composée de livres aux couleurs beige, ivoire, blanche. Il m'a suffi de trois rouleaux pour couvrir un des murs de la cuisine et depuis que j'ai installé ce décor "bibliothéconomique", ma cuisine si prosaïque a pris un air de librairie. Les ouvrages ne portent pas de titre ni de noms d'écrivains. Cet anonymat me permet de voyager à travers les pages vierges. Je caresse les reliures et je m'imagine les retirant des étagères et les feuilleter. Ce "caprice" de bibliothécaire amuse les visiteurs et je me défends en leur signalant que cuisine et bibliothèque ne font pas bon ménage... La solution s'imposait : comme ils ont envahi le salon, la salle de bain, la chambre d'ami, il me manquait la cuisine. Ce mur livresque ne prend pas de place, n'attire pas la poussière et libère mes pensées. Je peux baptiser chaque document comme je l'entends, lui donner tel titre, tel écrivain, tel sujet. J'aime les objets qui me rappellent la littérature et j'ai poussé ma passion avec des sets de table en liège illustrés de livres anciens... Au secours, docteur, je suis atteinte d'une grave maladie que l'on pourrait nommer la "livrite". J'ai vécu toute ma vie professionnelle en librairie et en bibliothèque et je suis en manque de papier depuis que je suis à la retraite. Ma nostalgie me joue des tours et ma cuisine semble heureuse d'accueillir ces hôtes prestigieux... Drôle d'idée quand même.  

lundi 14 mars 2016

"Du mariage considéré comme un des beaux-arts"

J'ai trouvé ce recueil de quatre textes à la Médiathèque de Chambéry et j'ai même été agréablement surprise de cet achat quelque peu original. Philippe Sollers et Julia Kristeva évoquent leur "mariage considéré comme un des beaux-arts" et il est étonnant que ce couple dure depuis plus de cinquante ans, un événement assez rare de nos jours où tant de mariages se terminent par des séparations. Pourtant, Philippe Sollers ne prône pas la fidélité et on lui connaît une vie amoureuse très intense. Julia Kristeva définit ce lien comme une relation non-fusionnelle, un "mariage de deux singularités" où chacun conserve sa liberté, son nom, ses activités et sa personnalité. Ils racontent leur rencontre en 1968 quand le Nouveau Roman et la psychanalyse formaient l'avant-garde intellectuelle française. Ils ne se sont jamais quittés alors qu'ils ont cheminé dans des domaines différents et la curiosité passionnée qu'ils ont l'un pour l'autre consolide leur union à travers le temps. Philippe Sollers avoue que "le temps forme le couple" et leur complicité paradoxalement les renvoie à un esprit d'enfance. Julia Kristeva évoque souvent le recours à la psychanalyse pour éclairer cette relation unique et rare. Dans ses interventions, elle parle aussi de ses origines bulgares et de son statut "d'étrangère" en France. J'ai de loin préféré les interventions de la psychanalyste, plus riches et plus sérieuses que celles de son mari, jouant toujours un air de légèreté ironique et distanciée. Ils rejettent la comparaison de leur union à celles de Sartre et de Beauvoir ou d'Aragon et d'Elsa Triolet. Leur mariage est pour eux une "œuvre d'art" : cela peut sembler présomptueux, prétentieux et même un peu ridicule dans une société en permanente déconstruction. Mais, ils représentent à eux deux une exception française... Un ouvrage de curiosité à lire pour ceux et celles qui s'intéressent à l'histoire littéraire et à la psychanalyse.

vendredi 11 mars 2016

Atelier d'écriture

Mardi, j'ai assisté à la séance d'écriture au sein de la Maison de quartier du centre ville de Chambéry. Marie-Christine nous a proposé deux exercices basés sur la manifestation "Dis-moi dix mots", lancée par le Ministère de la Culture et de la Communication dans le cadre de la Semaine de la Langue française. Nous devions définir les dix mots, issus de pays francophones, puis, écrire un texte avec les dix mots. Voilà mes deux exercices :
"Chafouin : personne chiffonnée par le chagrin,
Champagné : on dit d'une vie champagnée, une vie bullesque, pétillante et légère, une vie de rêve,
Dépanneur : instrument pour ôter le pané du poisson pour le déguster nature,
Dracher : étendre les draps sur l'herbe au printemps pour qu'ils sentent bon,
Fada : chanson portugaise interprétée par une femme,
Lumerotte : légume rare, proche de la carotte, cultivé en ville,
Poudrerie : un igloo fabriqué avec du sucre glace,
Ristrette : chemisette étroite pour dissimuler les rondeurs,
Tap-tap : bicyclette exotique, sans freins ni selle, on tape-tape comme on peut,
Vigousse : adjectif désignant un bébé de cinq kilos, futur géant.
Pour la vraie définition des mots, je ne donnerai pas la solution et il faut aller voir le site "dismoidixmots.culture.fr et je termine ce billet avec le texte "oulipien" contenant les dix mots en question : "Dans une poudrerie isolée au Pôle Nord, une lumerotte accrochée au plafond, un fada avait décidé de changer de vie en se drachant de champagné de premier cru. Entre le froid et l'alcool, il se sentait heureux. Il ne reviendrait pas à Haïti pour reprendre son métier de dépanneur de  tap-taps et il avait pris en horreur la chaleur et les moustiques. Le froid glacial le rajeunissait et le silence de la banquise le ravissait. La compagnie des ours blancs et des phoques l'enchantait. Il reprit des forces en devenant vigousse. Il marchait, glissait, arpentait le sol glacé et enviait le sort du yéti. De Haïti à la banquise, sa vie a chaviré en prenant un tournant ristrette, la voie étroite de la sagesse blanche... "

jeudi 10 mars 2016

"Golem"

Avant de lire ce roman, "Golem", de Pierre Assouline, il vaut mieux se renseigner sur ce mot familier qui désigne un être informe et menaçant, (en hébreu dans la Kabbale, masse informe). L'écrivain s'empare de cette légende ancienne pour associer son personnage principal, Gustave Meyer, au Golem. Ce grand maître international des échecs se voit accuser de la mort de sa femme, morte dans un mystérieux accident de voiture. Il fuit la police et part à la recherche de sa vérité. Il a ressenti une augmentation de ses facultés intellectuelles lors de ces rencontres ludiques. Il soupçonne un ami chirurgien de lui avoir intégré à son insu, un implant dans le cerveau. Sa femme tenait un blog dénonçant les malversations des laboratoires. Il va vite établir un lien entre ces deux affaires et le roman prend vite le rythme d'un thriller. Gustave Meyer voyage en Europe centrale à la recherche de la légende du Golem, la partie la plus intéressante du roman. La situation kafkaïenne du fugitif l'isole dans une solitude, rompue seulement par sa fille Emma qui veut l'aider. Le thème central de l'ouvrage traite du transhumanisme, du post-humanisme, de l'homme augmenté par les nouvelles technologies. Les débats sur l'intelligence artificielle, sur la robotisation de l'humain, se trouvent au cœur de l'actualité et ce livre très intéressant sur ce phénomène inquiétant apporte quelques réponses. Peut-on admettre cette transformation irréversible ? Pierre Assouline explique dans un entretien qu'il a traité ce sujet scientifique complexe et austère sous la forme d'un roman plus accessible qu'un essai. Je signale aussi que Pierre Assouline tient un blog littéraire d'une qualité rare et très intéressant, "La République des Livres", que je lis depuis quelques années. L'œuvre de cet écrivain ne laisse aucun lecteur indifférent... Et son blog prolonge l'immense plaisir de rester en contact avec sa passion de la littérature.

mardi 8 mars 2016

Le 8 mars, Journée internationale des Droits des femmes

Les médias ont évoqué la journée des femmes avec raison et j'ai souhaité à mes collègues en écriture ce mardi après-midi une bonne fête avec... une certaine dérision. Cette célébration paraît décalée aujourd'hui après cinquante ans de luttes féministes. Depuis que l'on peut voter, ouvrir un compte bancaire sans l'autorisation du mari, choisir le moment de sa maternité, travailler pour l'indépendance financière, divorcer à son gré, les femmes sont libres et égales dans de nombreux pays européens. Pourtant, il semble que ces victoires féministes sont loin d'être partagées dans le monde où un certain obscurantisme religieux maintient le "deuxième sexe" dans une condition de soumission insupportable à mes yeux d'occidentale. Dans une sélection de livres proposés par un site internet, je remarque l'influence déterminante de Virginia Woolf et de son ouvrage, "Une chambre à soi" que j'avais lu dans les années 80. L'écrivaine anglaise dénonce l'absence d'écrivains femmes parce qu'elles n'ont pas d'espace particulier (une chambre à soi) et surtout aucune indépendance financière, vivant sous la tutelle des hommes. Cet essai m'a profondément marquée et j'ai ensuite dévoré l'œuvre militante et clairvoyante de Simone de Beauvoir, puis, j'ai partagé l'enthousiasme de Marguerite Yourcenar pour des personnages singuliers et secrets. Je citerai encore Marguerite Duras, Nathalie Sarraute, Danièle Sallenave, Nadine Gordimer, Doris Lessing, Anna Enquist, Elsa Morante, Joyce Carol Oates. Imaginons une littérature sans les femmes écrivains : un cauchemar aberrant... Je voulais, à ma façon, montrer le génie féminin en littérature comme l'a écrit Julia Kristeva dans sa trilogie concernant Colette, Hannah Arendt et Mélanie Klein. L'écriture féminine ou la littérature élaborée par des cerveaux féminins me semblent des conceptions dépassées aujourd'hui. Tous les auteures citées m'ont conquise par leur personnalité, leur créativité, leur singularité et leur intelligence. Je leur rends hommage (pourquoi pas femmage ?), car elles m'ont nourrie et m'ont donné l'amour de la littérature...

lundi 7 mars 2016

Georges Perec

Je n'ose presque pas dire que j'utilise souvent Google pour mes recherches car, je sais que ce moteur incommode de nombreux internautes qui ne supportent pas l'hégémonie du géant américain. Tant pis pour les grincheux et les râleurs... Ce matin, Google a rendu hommage à Georges Perec, né le 6 mars 1936. Il aurait 80 ans aujourd'hui et il fait partie de mes écrivains préférés. J'ai son portrait dans ma bibliothèque avec sa drôle de chevelure à la Einstein et son air taquin. Une citation orne la photo : "Il ne se passe rien, en somme". J'ai lu toute son œuvre et plus je le découvrais, plus il m'aidait à décrypter le "réel", la force du quotidien dans nos vies, la notion de l'espace. Son livre le plus célèbre, "La vie, mode d'emploi", rebutait les lecteurs parce qu'en "somme, il ne se passait rien". Il décrivait un immeuble, ses locataires et la vie tout simplement. Son roman le plus marquant, "Les choses",  dénonce très tôt les dégâts de la société de consommation et le consumérisme à outrance. Puis, tous les lecteurs aiment le délicieux "Je me souviens", un jeu poétique sur la mémoire des lieux, des dates, des faits divers, un portrait social d'une France disparue.  Il ne faut pas oublier le très émouvant "W ou un souvenir d'enfance", un récit autobiographique où l'écrivain dévoile un pan douloureux de son passé d'enfant juif. Georges Perec était un fou amoureux des mots en jouant avec eux : contraintes littéraires avec "La disparition" sans la lettre e, mots croisés, exercices oulipiens (Ouvroir de Littérature Potentielle). En tant que bibliothécaire, j'avais beaucoup apprécié "Penser/Classer", une bible sur le rangement des livres et des choses. Cet écrivain, mort trop tôt à 46 ans, mériterait de figurer dans la prestigieuse collection de la Pléiade où il n'a pas encore sa place... Google a vraiment eu une excellente initiative d'honorer Perec, un grand, très grand écrivain français.

vendredi 4 mars 2016

Atelier de lectures, 2

Dans la deuxième partie de l'atelier, nous avons parlé des biographies car la littérature englobe aussi les récits, les autobiographies, les essais, etc. Sur la dizaine d'ouvrages recommandés, certains n'ont pas été lus. J'ai noté quand même que deux lectrices, Janelou et Evelyne, avaient choisi la même biographie, celle d'Alain-Fournier, écrite par Ariane Charton dans la très bonne collection "Folio-biographies". Elles ont apprécié cet ouvrage pour le parfum retrouvé de la France "d'avant", celle de nos parents et de nos grands-parents au début du XXe siècle. Alain-Fournier est né en 1886. Il n'a pas écrit une œuvre abondante car il est mort en 1914 au champ d'honneur. Son "Grand-Meaulnes" a marqué des générations de lecteurs et reste encore un grand classique sur les tourments de l'adolescence et sur l'amour idéalisé.  Danièle a présenté une autobiographie du violoniste Tedi Papavrami, né en Albanie, "Fugue pour violon seul" édité chez Laffont, un livre passionnant pour les amateurs de musique classique. Geneviève a présenté très brillamment la biographie de Freud, écrite par René Major, un psychanalyste réputé. Quand on évoque la psychanalyse, il vaut mieux aborder Freud en lisant une biographie mais il en existe beaucoup dont celle de Stefan Zweig. Celle de René Major a le mérite d'expliquer les concepts à travers la vie de Freud. Le psychanalyste viennois a écrit : "J'ai passé une grande part de ma vie à travailler sur la déconstruction de mes propres illusions et de celles de l'humanité". J'ai découvert les théories freudiennes dans les  années 70  et bien que les neurosciences bousculent l'apport de la psychanalyse, Freud a élaboré une lecture singulière et audacieuse des troubles du comportement, de l'angoisse existentielle, du rôle de l'inconscient, de la maladie mentale et de nos illusions sur l'homme. Il faut redécouvrir "Le malaise dans la civilisation", un texte prémonitoire sur la fragilité de la civilisation, voire son autodestruction, la pulsion de mort l'emportant sur celle de la vie, sombre prémonition dans les années 30. Freud est né au XIXe siècle, il a marqué le XXe et son influence ne cesse de grandir... Avant de quitter les lectrices, je leur ai conseillé de lire les biographies de la liste qui peut rester "active" pour les prochains rendez-vous de l'année.

jeudi 3 mars 2016

Atelier de lectures, 1

Ce mardi 1er mars, nous étions presque au complet à l'atelier de lectures pour évoquer les coups de cœur. Je vais démarrer par Janelou qui a beaucoup aimé "La maladroite" d'Alexandre Seurat, un récit-témoignage sur l'enfance maltraitée et elle a découvert un écrivain grec, Petros Markaris dont elle a lu deux titres très intéressants : "Liquidations à la grecque" et "Le Che s'est suicidé". Elle remarquait qu'un auteur de romans policiers traitait et dévoilait la réalité sociale avec plus de force et de profondeur que les écrivains dits classiques. Danièle a découvert le très beau "Femme fuyant l'annonce" de David Grossman, déjà mentionné dans ce blog. Dany a évoqué deux ouvrages : "Le voyant" de Jérôme Garcin et "Madame St-Clair, reine de Harlem" de Raphaël Confiant. Le premier ouvrage raconte l'histoire d'un homme exceptionnel, Jacques Lusseyran, devenu aveugle à l'âge de huit ans et ce handicap au lieu de l'empêcher de vivre, décuple son énergie car il devient un grand résistant et un écrivain, trop oublié aujourd'hui. Le deuxième ouvrage brosse le portrait d'une femme martiniquaise qui, dans les années 20, a immigré à Harlem pour transformer son destin de victime en conquérante de la ville où elle gérait une loterie clandestine. Elle affrontait la pègre et la mafia et se transforma en icône libératrice dans les ghettos noirs des Etats-Unis. Une biographie romanesque haute en couleurs et très bien écrite. Véronique a lu avec intérêt "Je vous écris de Téhéran" de Delphine Minoui, journaliste franco-iranienne où sous la forme d'une lettre posthume à son grand-père, elle raconte ses années iraniennes de 1997 à 2009. Nicole a apprécié le très bon roman de Sorj Chalandon, "Profession père" et celui de Claudie Gallay, "Ma part du ciel" pour son cadre géographique, la vallée de Maurienne. Evelyne a été impressionnée par  l'excellent "L'intérêt de l'enfant" de Ian McEwan dont on a déjà parlé dans l'atelier de janvier. Elle a cité les ouvrages de Lola Sémonin, avec "La Madeleine Proust", un personnage pittoresque de la Franche-Comté. Geneviève a terminé les coups de cœur en présentant le roman d'un écrivain islandais, Jon Kalman Stefansson, "D'ailleurs, les poissons n'ont pas de pied" où trois générations s'entremêlent et condensent un siècle d'histoires familiales. Geneviève a aussi beaucoup aimé "Le petit Meaulnes" de Jean-Louis Fournier, un petit livre réjouissant pour lutter contre des dépressions naissantes. Voilà pour les coups de cœur de ce mardi, le premier du ce mois de mars pluvieux et froid, un regain hivernal qui nous étonne...

mercredi 2 mars 2016

Umberto Eco

Quand j'ai appris la disparition d'Umberto Eco, j'étais attristée. Cet éminent professeur italien et universellement connu pour son œuvre diversifiée, a marqué la vie de tous les amoureux du livre. Umberto Eco ou l'homme-livre, l'esprit-livre, cet immense intellectuel européen est né en 1932 à Milan. Sémiologue, essayiste, philosophe, son éclectisme le rapproche des encyclopédistes du XVIIIe siècle. J'ai eu le privilège de le rencontrer à Grenoble dans les années 90 lors d'une conférence à l'université de Grenoble. Je me souviens encore de sa leçon inaugurale sur le thème de la littérature, le seul domaine, disait-il,  où l'amour, les sentiments, la folie, la tristesse, l'angoisse sont décrits en profondeur sans la sécheresse des sciences humaines. Je l'ai toujours suivi dans sa défense du livre, de l'objet livre qui survivra aux nouvelles technologies : lire et toucher un livre appartiennent au monde matériel, biologique. Son poids, son papier, son odeur et le petit bruit des pages tournées ne seront jamais remplacés par un écran virtuel. Dans son ouvrage "Lector in fabula", il analyse le rôle du lecteur, qui selon sa thèse, devient un co-créateur. Le lecteur interprète, saisit l'histoire à sa manière et multiplie les sens du texte. Le roman, "Le Nom de la rose", a été vendu à des millions d'exemplaires alors qu'il semblait hermétique, voire aride. Mais, ce thriller médiéval adapté au cinéma a rencontré un succès phénoménal grâce à l'audace du philosophe médiéviste qui décryptait l'atmosphère troublante d'un monastère, milieu où s'affrontaient les conflits latents entre le pouvoir de la papauté et celui de la royauté. Umberto Eco représente à mes yeux un intellectuel généreux, un professeur fou de livres et de connaissances, un apôtre de la "bonne vie" intelligente et cultivée. Il possédait une bibliothèque de 30 000 volumes et si Dieu existe, il recevra Umberto Eco avec un bonheur intense en sachant que dorénavant, il peut lui confier la gestion de la Grande Bibliothèque Céleste aux côtés de Roland Barthes et de Borges, ses collègues, hommes-livres par excellence...

mardi 1 mars 2016

Rubrique cinéma

Il suffit de franchir les portes matelassées d'une salle de cinéma pour se retrouver dans un ailleurs romanesque et vivre pendant deux heures une réalité virtuelle qui peut parfois prendre la forme d'une thérapie douce. Je suis partie ainsi sur les traces d'un trappeur à la recherche de peaux de bêtes en allant voir "The Revenant" du réalisateur mexicain, Alejandro Inarritu.  Hugh Glass, le personnage principal, guide un groupe de pionniers au début du XIXe siècle. Dès la première image, ce monde rude et rustre éclate sous nos yeux. Les hommes sont attaqués par des indiens Arikara qui les forcent à abandonner leur cargaison de peaux. Comme ils fuient cette menace permanente, ils décident de passer par la montagne pour rejoindre leur base. Hugh Glass, accompagné de son fils, pénètre dans la forêt en éclaireur et se fait attaquer par une ourse. Cette scène épique d'une violence inouïe secoue le spectateur et le plonge ensuite dans une ambiance glaciale et sidérante. Le héros broyé par les griffes de l'ourse survit malgré les blessures. Mais le groupe l'abandonne en le laissant aux mains de deux d'entre eux. Il est totalement abandonné après l'assassinat de son fils par un gardien. A moitié enterré, il sort de la fosse avec l'énergie du désespoir. Il n'a qu'un but : venger son fils en retrouvant le meurtrier. Il finira par retrouver l'assassin de son fils dans un duel cruel au sein d'une nature grandiose. Dans un article du journal Le Monde, le critique parle de "chronique historique des prémices de la Conquête de l'Ouest" où des bandes de pillards "ne laisseront rien aux premiers habitants de l'Amérique du Nord". Ce film se focalise sur ce trappeur héroïque, d'un courage homérique et d'une bravoure surhumaine. La nature magnifique, la neige omniprésente, la violence des hommes (blancs et indiens), les aventures du héros mettent le spectateur à dure épreuve... Deux heures et demi de cinéma dans un souffle glacial avec des frissons garantis... Je cite un journaliste du Nouvel Obs qui résume très bien l'esprit du film : "Surtout, The Revenant est un grand film émouvant et bouleversant, car il raconte, comme peu l'ont fait, un destin unique. Un homme, seul, face à sa propre vie. Ne compter que sur soi. Ne ressembler qu'à soi. Etre au coeur de ses propres pulsions. Manger, boire, avancer, tuer. Rien d'autre. C'est à la fois métaphorique et incroyablement réel. Hugh Glass est un autre. Et tout le monde. Terriblement singulier parce que terriblement humain."  Un film qui ne laissera pas le spectateur de... glace.