mardi 11 juillet 2023

"Rétrécissement", Frédéric Schiffter

 J'ai rencontré Frédéric Schiffter, philosophe et écrivain,  à Biarritz lors d'une conférence philosophique sur la notion de l'âme. J'ai discuté avec lui quelques minutes pour la dédicace de son livre. Quand j'ai appris qu'il venait de publier un roman, je l'ai tout de suite lu avec beaucoup d'intérêt. Le narrateur s'appelle Baudoin Villard. Il enseigne la philosophie dans un lycée catholique et compose quelques ouvrages qui ne rencontrent qu'un succès relatif. Déjà divorcé, il se prépare à un deuxième divorce. Ses relations féminines le laissent perplexe et abattu. Federica, une femme pragmatique, détestable et riche, travaille dans l'immobilier et se moque totalement de la philosophie. Leur couple ne pouvait que se fracasser sur le mur du réel. A la quarantaine, il traverse une crise existentielle sans précédent. Comme il se sent de plus en plus fragilisé, il décide de consulter un psychiatre. Celui-ci craint qu'il ne souffre du syndrome d'Alceste, un trouble de l'humeur, provoquant des épisodes psychotiques. Il se met en congé maladie. Son mal être et la perte de poids commencent à le "rétrécir", à l'amoindrir, à l'affaiblir. Comment lutter contre cette pente fatale, ce glissement progressif vers le pire ? Le narrateur tente des solutions. Il tombe amoureux d'une jolie quadragénaire mais elle est mariée et choisira son mari lorsque celui-ci est muté dans un pays étranger. Pas de chance pour notre narrateur déprimé. L'amitié avec un voisin âgé le rassure un temps mais cette relation ne l'aide pas à surmonter sa chute psychique. En écrivant ce roman d'une noirceur évidente, Frédéric Schiffer brosse le portrait d'un "double" qui lui ressemble beaucoup. Il cite ses penseurs préférés : Schopenhauer, Thomas Bernhardt,  Montaigne. Il développe ses obsessions familières : sa méfiance maladive envers la société, son allergie totale à la notion de groupe, son esprit anarchiste et rebelle mais aussi un pessimisme à la Unamuno, un philosophie espagnol, auteur du "Sentiment tragique de la vie". Cet antihéros ne croit pas à grand chose et son pessimisme désespéré l'isole d'autrui. Il avoue qu'il "n'a aucun talent pour tisser de nouveaux liens". Le narrateur sombre peu à peu dans une forme de folie et sa chute lucide me rappelle l'univers de "L'Etranger" d'Albert Camus. Ce roman raconte les dégâts psychiques de la dépression et l'auteur, pourtant amateur de légèreté et de plaisir dans sa vie océanique à Biarritz, a choisi la gravité et la pesanteur pour son héros malheureux. Un roman surprenant et philosophique à découvrir tout en conservant un "bon moral" !