jeudi 28 juillet 2016

Revue de presse

Ce mois-ci, le Magazine littéraire propose un double numéro pour l'été. Au sommaire, on trouve un grand dossier sur le post-humanisme en partant de Frankenstein jusqu'à l'homme nouveau. Pierre Assouline coordonne ces textes très intéressants pour comprendre cette nouvelle philosophie de l'humain. Avec la naissance d'Internet, de la robotisation, du remplacement d'organes par des prothèses, le futur technologique post-humain se profile à grands pas et personne n'entravera sa course folle. J'avais beaucoup apprécié la série suédoise "Reals Humans" diffusée sur Arte qui posait la problématique des robots mêlés aux humains. Un dossier bien ficelé et très abordable pour les non-spécialistes. D'autres articles font le point sur un sujet qui me concerne davantage : la sauvegarde du Latin et du Grec. Alain Finkielkraut rappelle dans un entretien que "la démocratie à l'école ne devrait pas consister à sacrifier la culture sur l'autel de l'égalité mais à offrir la culture à tous les élèves". Le latin et le grec pour tous, quel beau programme... Un Helléniste, Pierre Judet de la Combe, vient d'écrire une défense des langues anciennes dans "L'avenir des Anciens" que je vais me procurer très bientôt. S'intéresser de près au latin et au grec, c'est retrouver nos racines culturelles et comprendre le sens des mots, le souffle de la langue française, la construction grammaticale, l'étymologie, bref l'odyssée du langage. Dans ce numéro spécial été, on retrouve les rubriques habituelles : l'esprit du temps, les critiques fiction et non-fiction, un portrait (celui de Leonardo Padura), un grand entretien. Cette revue excellente reste malgré sa nouvelle maquette une des dernières consacrées à la littérature et il faut absolument la sauvegarder en s'abonnant comme je le fais depuis de nombreuses années. Grâce à ses dossiers sur des écrivains, sur des mouvements littéraires, sur des informations ponctuelles, j'enrichis ma culture "littéraire" en parcourant ma collection, rangée chronologiquement que je conserve précieusement. Et quand j'en saisis un numéro des années 80, je revis mon passé à la manière de la Petite Madeleine de Proust, une réminiscence culturelle, teintée de nostalgie et de reconnaissance...

mercredi 27 juillet 2016

"Critique du jugement"

J'ai terminé la lecture de "Critique du jugement", le dernier ouvrage de Pascal Quignard. Chaque fois que je dois rendre compte d'une œuvre aussi hermétique, je me pose la question légitime de la place d'un écrivain aussi complexe dans ce blog. Je crains de trahir sa pensée, de ne pas respecter son œuvre en minimisant sa portée symbolique. Pascal Quignard peut rebuter les lecteurs qui abordent ses textes sans connaître son monde, nourri de références culturelles exceptionnelles. Cette littérature fragmentaire se compose de citations latines et grecques, de personnages fictifs et de personnes réelles, de mythes, de contes, d'anecdotes tirées de l'histoire. Je pourrais comparer son œuvre à une citadelle de mots, de phrases et d'idées originales. Et il faut oser franchir les portes de cette forteresse pour se retrouver dans un jardin littéraire foisonnant. Les romans "quignardiens" ne posent aucun problème de compréhension et lire "Tous les matins du Monde", "Les Solidarités mystérieuses", "La villa Amalia" apportent des clés essentielles pour cerner les concepts singuliers de l'écrivain. Le volet "non-fictionnel" de son œuvre s'avère plus complexe et plus énigmatique. Mais, il faut s'armer de patience et se laisser aller à cette prose mystérieuse et aussi lumineuse quand, enfin, au détour des phrases, on se laisse surprendre par des phrases superbes. Sa "Critique du jugement" n'échappe pas à ces remarques de précaution avant d'aborder les premières pages. Je vais m'appuyer pour écrire ce billet, sur un article de Bertrand Leclair dans le "Monde des Livres" publié le vendredi 10 avril 2015. Le thème central de l'ouvrage porte sur le jugement. L'écrivain s'insurge contre cette obsession, cette manipulation et rejette ce droit que s'octroient les "liberticides" de la pensée. Pascal Quignard évoque Proust et le rejet de sa "Recherche" du milieu éditorial, Juger est proche de la mise à mort des créateurs et entrave la démarche de tous ceux qui choisissent cette voie vertigineuse. Il revendique une liberté totale en matière de création et sa volonté de solitude extrême lui permet de consacrer sa vie à la littérature, seule issue à ses yeux de trouver une sorte de répit ou de repos sur terre. Il se soustrait au jugement d'autrui pour vivre pleinement ses deux passions : lire et écrire...  Je lis en ce moment une biographie de Pascal Quignard pour mieux approcher ses textes en toute humilité et je reviendrai sur cet écrivain fascinant dans ce blog.

lundi 25 juillet 2016

Rubrique Séries

Pendant l'été, je ne fréquente pas mon cinéma préféré, l'Astrée à Chambéry car le soleil de ce mois de juillet me prédispose à profiter de mon jardin et surtout, à m'adonner à mon loisir préféré : la lecture... Mais, je reste fidèle aux "séries", genre souvent inconnu d'une certaine frange du public peu curieux de ce phénomène récent. Le monde des séries ressemble au monde du cinéma et du numérique mais,  il faut choisir les bonnes séries parce qu' il existe aussi de très nombreuses séries plus que médiocres. J'en découvre de nouvelles et je visionne les "suites" avec le système des saisons renouvelées. De la Saison 1 jusqu'à la dernière, la série accompagne la vie de "sériephile" amateur. Il faut presque établir un tableau pour noter laquelle sortira ou sort en ce moment. Je veux signaler dans ce blog ce divertissement que je m'offre souvent en soirée, pour une détente complète, pour mon goût d'un genre cinématographique décomplexé et pour une évasion garantie. Tous les mois, j'évoquerai les meilleures séries du moment. En juillet, je mets à l'honneur "Les Vikings"et "House of cards". Ne boudons pas aussi les séries d'Arte souvent excellentes comme la dernière diffusée en juin : "Les Héritiers". Quand j'ai vu la saison 1 des Vikings (production Irlande-Canada),  j'ai apprécié sa dimension historique, ses décors époustouflants, ses villages reconstitués et surtout le personnage central, le roi des Vikings, et ses projets de découvrir les pays au delà des mers au VIIIe siècle. Peut-être les batailles sanglantes dérangent mais les hommes de cette époque n'étaient pas des gentils bisounours... La saison 4 s'est avérée encore plus palpitante que les précédentes. La deuxième série s'appelle "House of cards", une série d'un cynisme absolu sur le pouvoir aux Etats-Unis, les magouilles du pouvoir, la corruption du couple présidentiel, leur pacte diabolique pour obtenir la charge présidentielle. Quand on pense au folklore américain avec les élections présidentielles de cette fin d'année, cette série avec quatre saisons disponibles révèle le côté sombre du pouvoir. Les séries (les très bonnes) font partie de la sphère cinématographique et peuvent constituer un loisir tout à fait respectable, ludique et, j'ose l'affirmer culturel...

jeudi 21 juillet 2016

"La fin d'une imposture"

J'avais apprécié en 2009 un roman de Kate O'Riordan, "Pierres de mémoire" et quand j'ai lu un article sur son dernier livre, "La fin d'une imposture", édité chez Joëlle Losfeld en 2016, j'ai eu envie de retrouver cette écrivaine irlandaise. Roman psychologique, thriller familial, "La fin d'une imposture" se lit avec un plaisir certain et j'étais même plongée dans l'intrigue avec soulagement, ce qui m'a permis de créer une petite bulle de détente en ces temps difficiles. La lecture peut s'avérer salutaire,  car elle chasse les idées moroses du jour. Pourtant, ce livre évoque l'angoisse d'une femme, Rosalie, qui vient de perdre son fils Rob, mort noyé en Thaïlande. Cette mère de famille, déjà fragilisée par son mari qui l'a trompée, vit un véritable cauchemar en perdant son fils aîné. Sa fille, Maddie, se sent responsable de cette mort accidentelle et elle sombre dans une grave dépression. Rosalie doit faire face à ce naufrage familial. Elle décide de rejoindre un groupe de paroles avec sa fille. Celle-ci retrouve le goût de la vie en se liant avec un jeune homme, Jed, qui suit aussi la thérapie réparatrice. Ce garçon de vingt deux ans s'intègre peu à peu dans le cercle familial mais Luke, le père, documentariste à la BBC et souvent absent, se méfie de ce beau garçon, tombé du ciel. Peu à peu, Maddie l'impose dans la maison et Rosalie, retrouve à travers Jed, son fils disparu. Une relation amoureuse s'établit entre les deux jeunes pour le plus grand bien de Maddie. Rosalie s'en félicite car elle aussi regarde ce bel ange gardien avec ambiguïté. Elle se laisse aller un soir avec Jed et celui-ci lui avoue qu'il est amoureux d'elle. Après cette soirée fatidique, Rosalie va se défaire de sa fascination morbide pour mener une enquête sur Jed. Elle va découvrir sa véritable identité et cet imposteur dangereux et paranoïaque va mettre toute la famille en danger. La virtuosité de l'écrivaine se vérifie à chaque page et même si les sujets du roman parlent de deuil, de séparation et de perte, il évoque aussi la force des parents, la solidarité familiale face aux problèmes de leurs adolescents. Un très bon roman à découvrir cet été.

mercredi 20 juillet 2016

"Le mystère des civilisations disparues"

La période estivale permet des lectures plurielles. J'ai sur ma table de chevet une dizaine de livres classés dans la case "Urgences", d'autres dans la case "Plus tard" et au milieu des ouvrages, s'infiltrent des revues. J'ai trouvé dans une maison de la presse, un hors-série disponible de juillet à septembre de l'hebdo "L'Express", "Le mystère des civilisations disparues". Comme je me passionne pour la Grèce antique, je m'intéresse aussi aux mondes anciens et la fréquentation assidue des musées européens a stimulé ma curiosité pour apprécier l'art de ces civilisations disparues. La revue propose des articles de qualité écrits par des spécialistes reconnus venant du monde universitaire. Cette enquête sur seize civilisations a le mérite de nous faire connaître des peuples dont je ne soupçonnais pas l'existence. J'ai retrouvé les Crétois, victimes du premier tsunami, les Etrusques, les premiers Italiens de la péninsule, l'Empire romain, les Mayas, les Vikings, etc. J'ai découvert les Sumériens, pionniers des chiffres et des lettres, les Nabatéens, les Nazcas et leurs figures immenses et mystérieuses sur leurs terres, les Anasazis, premiers bâtisseurs de gratte-ciel. Ces synthèses ouvrent l'appétit culturel et le lecteur-(trice), selon son intérêt,  peut rebondir vers d'autres sources d'information. Yves Michaud, philosophe, répond en amont à la question essentielle : comment nait et meurt une civilisation ? Le "barbare" (un mot que l'on entend beaucoup en ce moment...) est un guerrier sans cité et sans gouvernement, un prédateur qui envahit l'espace des autres celui des Egyptiens, des Grecs, des Romains. Je cite le philosophe : "Au sein d'une civilisation, on échappe à la violence, on connaît une forme de sécurité, on peut travailler, (...) on profite de la ville où peuvent s'épanouir la culture et les arts." Plus loin, il ajoute : "Toutes les cultures sont des formes d'accomplissement de l'humanité." D'autres articles tentent d'apporter des réponses scientifiques à la disparition des civilisations et les changements climatiques (et les guerres aussi)  semblent jouer un rôle prépondérant. J'ai appris aussi dans un texte final que nous allons, nous les Européens, disparaître vers... 2100 ! La revue propose de nombreuses illustrations et des cartes pour comprendre ces mystères qui nous dépassent malgré tout. Rien de mieux que cette revue éclectique et documentée pour comprendre que notre civilisation occidentale traverse des turbulences sérieuses et inquiétantes...

lundi 18 juillet 2016

Après le 14 juillet

Qu'il m'est difficile de reprendre ce blog après les victimes de Nice dans cette effroyable acte terroriste d'un homme qui n'a plus rien d'humain en lui ! Les mots me manquent pour exprimer toute ma compassion pour tous ces hommes, ces femmes et ces enfants broyés par un camion fou alors qu'ils venaient assister à la fête de la vie. La colère aussi m'étreint comme l'éprouvent tous mes compatriotes fatigués, épuisés par cette guerre, menée par des groupuscules fanatisés ou des loups solitaires imbibés de haine, de violence, de mort programmé. On ne peut pas comprendre ces actes fous, délirants, mortifères. Les images de Nice reviennent sans cesse me hanter et l'été qui est traditionnellement une pause tranquille s'avère une pause tragique. On a certainement du mal à respirer dans cette atmosphère inquiétante. Je vois pourtant des vacanciers se baigner à cent mètres du drame. Le Tour de France continue de rouler avec sa caravane commerciale. Il faut faire semblant de vivre comme avant. Les feux d'artifice vont reprendre, celui de Chambéry aura lieu le 12 août alors que la mairie aurait du tout simplement l'annuler. Les publicités stupides d'optimisme s'infiltrent avec indécence comme d'habitude avant les journaux d'information. Si nous sommes "en guerre" comme le signalent nos hommes politiques,  la  vie quotidienne ne peut pas continuer en toute inconscience et en toute insouciance dans les rires et les sourires béats. Mais, il faut bien évidemment reprendre sa vie comme elle était avant la fatidique soirée du 14 juillet. Et comme dans ce blog, je rends compte de mes lectures, je lis en ce moment plus de philosophie et de poésie pour apaiser mes craintes de vivre dans une société fracturée, fragmentée alors que j'ai vécu dans un pays relativement en paix depuis les décennies précédentes. Sidération et incrédulité se mêlent à mon pessimisme attristé sur cette période historique qui va, nous dit-on, durer quelques longues années. La lecture et la culture semblent bien futiles dans ce monde violent et chaotique. Mais, il me reste ces verbes si importants pour moi : lire, écrire, écouter de la musique, voyager et surtout essayer de comprendre le monde qui nous entoure...  

jeudi 14 juillet 2016

Journée républicaine

Je lis tous les jours le journal "Le Monde" pour m'informer.  Evidemment, je ne lis pas tous les articles car il me faudrait une bonne heure et plus pour cet exercice quotidien...  Le journal, parfois, propose des portraits souvent très bien écrits. Comme ce blog est mon "grenier" de lectures, j'avais envie d'évoquer ces fragments divers et diffus que procure le feuilletage de la presse nationale. J'ai renoncé à lire les hebdos de tous bords, trop dévoreurs de temps, mais, je conserve encore l'habitude de consulter les revues mensuelles littéraires. En ce jour du 14 juillet, j'ai pensé au symbole de cette journée, la Prise de la Bastille en 1789 et l'avènement de la République. Une personnalité française incarne ce symbole républicain et j'ai envie de rendre un hommage à cette "Belle Vivante" qui incarne une certaine idée de la République, Elisabeth Badinter. La journaliste du Monde brosse un portrait incisif et iconoclaste de cette intellectuelle de gauche, inlassable combattante de la devise "Liberté, Egalité, Fraternité" dans notre pays du Siècle des Lumières, une  période fabuleuse de notre histoire nationale. L'article relate l'épisode de la guerre des foulards en 1989 et depuis cet événement, la gauche se déchire en deux tendances laïques : ceux qui prônent l'exigence et la fermeté face aux signes ostentatoires de la religion et ceux qui les tolèrent avec laxisme. Elisabeth Badinter appartient évidemment à la première catégorie. Historienne de l'ambition féminine et féministe affirmée, elle dérange avec sa raideur idéologique et se fait même traiter d'islamophobe car elle défend trop fortement pour certains, les valeurs inscrites sur les frontons de nos mairies. Elle a souvent déclaré que la lecture du "Deuxième sexe" de Simone de Beauvoir a été "le coup de tonnerre de ma vie". Je citerai la fin de l'article vraiment très documenté sur la vie de la philosophe, "J'ai deux valeurs : l'égalité et la liberté. Un vade-mecum très simple pour moi. Pas besoin de réfléchir ; c'est oui ou c'est non !". Ce mardi 14 juillet, je pense aussi à mon grand-père maternel, militaire de carrière,  homme droit et généreux, qui s'est battu sur plusieurs fronts pour que nous vivions libres aujourd'hui... D'Elisabeth Badinter à mon grand-père, la République a donné naissance à des amoureux de la liberté, surtout la liberté...

mercredi 13 juillet 2016

Maria Helena Vieira da Silva

Je collectionne tous les ouvrages sur Maria Helena Vieira da Silva, une femme peintre que j'admire depuis plus de quarante ans. J'ai découvert cette artiste à Anglet dans les années 70 quand la bibliothèque municipale de cette commune entre Bayonne et Biarritz avait organisé une grande exposition de Vieira da Silva dans sa flambante galerie. Il était rare à l'époque de construire une bibliothèque intégrant une galerie d'art et la mairie n'avait pas hésité à proposer cet espace culturel de grande qualité. J'avais été tout de suite captée par le style "architectural" de Vieira, ces tableaux où elle exprimait ses profondes influences lisboètes qui se concentrent dans un sens inné de l'espace urbain, quadrillé d'azulejos sur les murs des immeubles et de pavés sur les trottoirs rappelant la vocation maritime de la capitale portugaise. Depuis, j'ai visité, en 1993,  la Fondation Vieira da Silva-Arpad Szenes à Lisbonne, un musée qui abrite les œuvres de ces deux artistes formant un couple pendant plus de cinquante ans,  uni dans la vie comme dans la peinture. Vieira da Silva a démontré que les femmes savaient peindre quand on sait que le milieu pictural est composé de 90 % d'hommes... Mais, ce n'est pas la raison principale de mon intérêt plus que vif pour elle. J'aime ses toiles structurées par des lignes verticales, horizontales, transversales dans des tons de blanc, gris, bleu, noir. Elle a réalisé des tableaux figuratifs et abstraits et a représenté souvent des bibliothèques magnifiques avec des perspectives profondes et fuyantes signifiant peut-être que la connaissance et le savoir peuvent apporter les réponses à notre présence au monde. J'ai donc trouvé un ouvrage à la librairie Garin sur elle et j'ai appris que le musée d'Art moderne de Ceret avait organisé une exposition du 20 février au 22 mai 2016. Il était trop tard pour envisager un aller-retour mais,  heureusement, le musée a édité un livre d'art sur l'exposition. Je me réjouis de penser que cette initiative de Catalogne va revivifier l'ensemble de ses œuvres. J'ai donc décidé de repartir à Lisbonne en septembre pour retrouver Vieira dans sa Fondation et je vais me rendre à Dijon avant la fin de l'année car je sais que certaines toiles sont présentées dans le musée grâce à une donation. J'ai donc ajouté à ma collection de tous les ouvrages sur elle (une vingtaine), celui du Musée de Céret : "Maria Helena Vieira da Silva, l'espace en jeu" , une co-édition Somogy et Musée de Céret. Un catalogue à un prix raisonnable (25 euros) ) à acquérir avant l'épuisement du stock...  

mardi 12 juillet 2016

"Wanderer"

Je lis de temps en temps la chronique des livres de Bernard Pivot dans le Journal du Dimanche et j'avais remarqué une très bonne critique d'un premier roman, "Wanderer", écrit par une jeune femme de vingt et un ans... Sarah Léon est élève à l'Ecole normale supérieure de Paris où elle étudie les lettres et la musicologie. Dès la première ligne, un certain charme suranné opère : "Il va. Par les bois, les guérets, les collines endormies que recouvre le gel, il se fraie son chemin, sans hâte, à la rencontre de l'ami." Compositeur et musicien, Hermin vit seul dans la campagne du Bourbonnais. Il compose un hommage à Schubert. Un soir d'hiver, son jeune protégé, Lenny, qu'il n'a pas revu depuis dix ans, fait irruption chez lui. Le jeune homme est devenu un grand pianiste de renommée internationale grâce au compositeur qui avait décelé chez Lenny un don musical. Hermin travaillait dans un magasin de pianos quand il a vu pour la première fois l'adolescent. Lenny est venu d'Allemagne avec sa tante et quand celle-ci est hospitalisée, le compositeur le recueille chez lui. Mais, Lenny se montre ombrageux, jaloux, possessif. Ils vont vivre deux ans ensemble et quand le jeune pianiste démarre sa carrière après des leçons auprès des plus grands maîtres, ils se ne revoient plus. Lors de leurs retrouvailles, Lenny ne révèle pas les raisons de l'abandon de sa carrière. Pourtant, il est malade et ils vont dès lors réapprendre à vivre ensemble et à se souvenir de leurs deux années de plénitude musicale. La jeune écrivaine offre une ode à la musique classique et surtout à  Schubert, le plus romantique des musiciens dont les lieder enchantent toujours les mélomanes. La mort rôde, sublimée par la musique et par l'amour qui lie ces deux êtres d'une sensibilité exaltante. Ce premier roman se lit avec un plaisir certain, surtout pour les "Schubertiens" ravis. On retrouve les thèmes majeurs du musicien autrichien : l'amour, le voyage, l'errance, la nuit, l'hiver, la poésie, la musique et la perte. Un roman envoûtant et rare, d'une écriture élégante. Je suivrai dorénavant la "carrière" littéraire de Sarah Léon, qui, à son âge, rejoint ses deux personnages dans l'amour de l'art...

lundi 11 juillet 2016

Hommage à Elie Wiesel

J'ai appris la disparition d'Elie Wiesel peu après celle d'Yves Bonnefoy. Ce grand témoin de la Shoah a marqué des générations, des plus jeunes aux plus âgés. Il est né en 1928 en Roumanie dans un milieu de commerçants où le yiddish domine et la religion juive se vit avec ferveur. Sa mère rêve d'un destin de rabbin pour ce fils modèle. Il se passionne pour les langues dont l'hébreu et étudie les textes religieux. La communauté hassidique d'Elie Wiesel est décimée pendant la guerre et toute sa famille est déportée en 1944 à Auschwitz. Sa mère et sa sœur périssent dans la chambre à gaz. Les onze mois qu'il passe dans ce camp seront relatés dans son récit "La nuit", édité en 1958 aux Editions de Minuit. Il subit les horreurs du camp, assiste aux pendaisons des prisonniers et décrit l'agonie du plus jeune. Il perd son père en 1945. Il est recueilli en France comme orphelin et fait une rencontre essentielle : celle de François Wahl, Résistant et futur éditeur du Seuil, grâce à qui, il suit des études de philosophie à la Sorbonne. Il commence à écrire des textes sur le judaïsme et sur la culture yiddish. Il obtient le prix Médicis en 1968 avec "Le mendiant de Jérusalem". Il choisit de s'installer aux Etats-Unis dans les années 60 et il devient "américain" tout en écrivant ses ouvrages en langue française. Il côtoie les grands de la planète et devient le "porte-parole" de l'Holocauste à travers le monde. Cette mission mémorielle qu'il s'est donnée, provoque parfois des réactions de jalousie et il n'échappe pas à des critiques virulentes sur l'instrumentalisation de la Shoah. Prix Nobel de la paix en 1986, il n'a cessé d'œuvrer pour défendre son idéal humaniste et pour rappeler l'effroyable période de l'Holocauste. Il a choisi la littérature pour exprimer l'indicible, l'inacceptable, l'inimaginable. Il est urgent de redécouvrir son récit majeur, "La nuit" et son dernier ouvrage autobiographique "Cœur ouvert", publié en 2011. En ces temps difficiles de terrorisme, son message de paix restera éternellement d'actualité.

samedi 9 juillet 2016

"Invisible sous la lumière"

Je suis fidèle au label "Gallimard", considérant que certaines maisons d'édition proposent des publications littéraires de très grande qualité. Je viens de terminer un roman de la collection "Du Monde entier", que beaucoup de lecteurs(trices) connaissent et apprécient. Carrie Snyder a choisi de traiter un sujet original que l'on rencontre rarement dans la littérature : la course olympique en 1928... Drôle de thème pour un premier roman anglophone qui nous vient du Canada. L'héroïne, Aganetha Smart, aujourd'hui centenaire, vit dans un hospice et dans son fauteuil roulant. Deux jeunes viennent lui rendre une visite imprévue pour réaliser un documentaire sur sa vie de sportive. Car, cette très vieille dame, handicapée et sourde, va raconter sa vie entremêlant son présent naufragé et son passé glorieux. En effet, Aganetha se souvient de son enfance très pauvre dans une ferme près de Toronto, son père dur au labeur, sa mère harassée par les grossesses, ses frères et sœurs, souvent malades. Mais, pour lutter contre cette pauvreté permanente, la jeune fille éprouve une passion soudaine pour la course. Elle a compris que ce sport concentrait toutes ses forces vitales et la libérait de tous ses soucis familiaux. Sa carrière sportive atteint son apogée quand elle est choisie par un entraîneur canadien pour la course des cent mètres aux jeux olympiques d'Amsterdam en 1928. Cette date deviendra un symbole d'égalité pour les femmes, interdites de jeux olympiques jusque-là. A partir de ce moment-clé dans sa vie, Aganetha prend confiance en elle, se lie d'amitié avec une coureuse très douée et tombe amoureuse d'un athlète de l'équipe canadienne. Mais, son heure de gloire ne lui apporte pas le bonheur escompté. Sa vie privée se complique avec la trahison de sa meilleure amie qui se marie avec son fiancé. Sa famille aussi s'éloigne d'elle depuis sa victoire olympique. Carrie Snyder nous offre un portrait sensible et poignant d'une femme hors-norme qui se débat dans un destin tourmenté à une époque qui préférait les voir dans leur maison que dans un stade. Ce roman ne s'apparente pas du tout à un pamphlet féministe, ni à un livre militant. Il nous propose un très beau portrait d'une petite fille courant à travers les champs pour fuir la misère de sa famille et l'intolérance d'une société patriarcale. La course continue...

jeudi 7 juillet 2016

"Malaise dans la démocratie"

De temps en temps, je délaisse les romans pour m'installer dans un essai dont le sujet m'intéresse particulièrement. L'ouvrage de Jean-Pierre Le Goff, "Malaise dans la démocratie" avait attiré mon attention pour son analyse lucide et réaliste de la société française. Philosophe de formation et sociologue, il a écrit des essais remarqués comme "La France morcelée" et "La Fin du village". Je me rends bien compte que tout change très vite et nous vivons dans un monde que nous avons tendance à trouver plus difficile et plus anxiogène. C'est peut-être une question générationnelle, un effet de l'âge, une nostalgie d'un passé moins complexe sans l'invasion des "nouvelles technologies", sans l'horreur des attentats passés et à venir, sans le chômage de masse, etc. Le sociologue propose à travers ses idées et ses analyses, une grille de lecture pour comprendre quelques faits de société. Dans l'introduction, il précise son projet de décryptage  en plusieurs chapitres : les dégâts de la mondialisation, la résurgence stupéfiante du religieux, l'écologie punitive, le "gauchisme culturel". Il dénonce l'esprit festif et naïf d'une certaine gauche qui ne voit pas la réalité du monde tel qu'il est. Il évoque l'individualisme "bobo" où "quand le fanatisme islamiste vient frapper à sa porte , (...) il ne comprend pas ce qui lui arrive et se demande pourquoi tant de haine et de meurtres alors qu'il est si ouvert et si gentil". Il critique la culture "animée et festive", les nouvelles formes de religiosité comme le développement personnel, le néo-bouddhisme et l'écologie. Ceux qui apprécient Alain Finkielkraut retrouveront les mêmes inquiétudes et les interrogations liées aux problèmes de la société française. Les médias audiovisuels et même les journaux pourtant sérieux comme Le Monde n'analysent pas assez en profondeur le monde dans lequel on vit. Tout file à une vitesse fulgurante et les informations forment une écume de surface dans laquelle on se perd parfois. Jean-Pierre Le Goff nous apporte sa vision de ce "malaise dans la démocratie", peut-être une analyse pessimiste et "réactionnaire" mais cet essai a le mérite d'éclairer notre présent avec un regard d'historien et de philosophe. Un livre intéressant, même si on ne partage pas toujours ses analyses...

mercredi 6 juillet 2016

Yves Bonnefoy

Je venais de terminer la lecture du recueil "La vie errante" d'Yves Bonnefoy quand j'ai appris sa mort à 93 ans. La disparition des écrivains et des poètes me touche particulièrement tellement leur présence à travers leurs œuvres m'accompagne dans ma vie de lectrice. J'ai découvert ce grand poète en tant que critique d'art avec "L'arrière-pays" édité dans une collection mythique, "Les chemins de la création" de l'éditeur Skira. Depuis, sa poésie m'intimidait et je n'avais pas eu la curiosité de le découvrir. Juste avant sa mort, le Monde des Livres avait mis en première page le dernier ouvrage d'Yves Bonnefoy, "L'écharpe rouge" en nous le conseillant fortement. Né à Tours en 1923 dans un milieu modeste (père ouvrier et mère institutrice),  il a fait des études de mathématiques et de philosophie. Il commence à publier en 1946 tout en voyageant et en occupant divers postes de professeur à l'université. Il rejoint le Collège de France de 1981 à 1993. Homme multiple, il traduit Shakespeare, Yeats et devient un essayiste sur l'art. Ses publications sur la Rome baroque, sur le sculpteur Giacometti, Picasso, Mondrian et d'autres artistes font date et sont devenues des classiques de l'art. Dans les "Entretiens sur la poésie", ouvrage sur sa vocation de poète, il évoque les influences déterminantes de Rimbaud et des surréalistes comme André Breton et Paul Eluard. Son premier recueil de poésie, "Du mouvement et de l'immobilité du Douve", le place d'emblée au sommet de la poésie française. Son œuvre peut sembler hermétique et demande un certain effort de lecture. Il faut se laisser porter par le rythme des phrases, par le choix des mots, par l'irruption d'images et même si on ne comprend pas l'intention du poète, il suffit de poursuivre la lecture et se laisser bercer par le sentiment poétique que procure la nature, l'art, la musique, la vie, tout simplement... Je citerai ces quelques vers : "On me disait : lis, écris. Et j'essayais, je prenais un mot, mais il se débattait, il gloussait comme une poule effrayée, blessée, dans une cage de paille noire tachée de vieilles traces de sang". Les mots, il les a saisis en poète et j'ai glissé dans ma liste de lectures estivales, Yves Bonnefoy. Les poètes ne meurent jamais, ni les écrivains...

mardi 5 juillet 2016

"Mr Train"

Patti Smith, la grande star du rock, vient de publier un récit autobiographique formidable. Dès que l'on ouvre la première page, le lecteur(trice) sait qu'il va regretter d'arriver à la fin, tellement sa compagnie amicale nous ravit. Paru en début d'année chez Gallimard, son livre a conquis les critiques littéraires et le public. J'ai assisté à un de ses concerts dans les années 70 à Biarritz dans le stade Aguilera, envahi par des milliers de fans venus de tout le grand Sud... A cette époque, mes goûts musicaux étaient beaucoup plus éclectiques qu'aujourd'hui (où je n'aime que le classique...) et cette chanteuse à la voix rauque et au look androgyne dont les morceaux de "Horses" enflammaient mes soirées, était réellement une "déesse" vivante du rock révolutionnaire. Elle avait évoqué son enfance et son adolescence dans "Just kids", paru en 2010 et disponible en Folio. Dans ce dernier opus, elle parle de sa vie actuelle et convoque souvent son mari, Fred, disparu brutalement en 1994. Elle perdra aussi son frère Todd un peu plus tard. La première ligne du récit résume le projet de l'écrivaine : "Ce n'est pas si facile d'écrire sur rien". Elle raconte alors sa vie quotidienne : ses fréquentations des cafés dont le Ino à New York, ses chats, ses séries préférées, ses escapades à travers le monde entier, ses admirations littéraires, ses amis, sa famille de disparus, ses souvenirs d'enfant... Sa passion de la littérature illumine le récit et elle préfère en particulier les écrivains "maudits" comme Jean Genet à qui elle rend un hommage sensible. Elle se rend sur les tombes de ses icônes littéraires (surtout Rimbaud) et dépose un souvenir pour garder un lien avec ceux qui la nourrissent spirituellement. Le passage sur son bungalow, près de l'océan, montre une Patti Smith en fusion avec la nature, la vie simple et la solitude. Son texte est illustré de ses propres photos en noir et blanc, ce qui ajoute une poésie visuelle à son récit. "Mr Train" ressemble à un patchwork américain avec des motifs qui s'entremêlent avec bonheur. Patti Smith, célèbre et célébrée, vit comme une nomade solitaire et reste fidèle à tous ceux qu'elle a aimés et perdus. Artiste magnifique et femme libre, elle peut ajouter, dorénavant, avec son œuvre, le mot écrivaine à sa carte d'identité.

lundi 4 juillet 2016

"Rien où poser sa tête"

J'ai découvert l'ouvrage de Françoise Frenkel, "Rien où poser sa tête", en lisant une critique dans le Monde des Livres, parue en octobre 2015. En 1921, cette femme juive polonaise, passionnée par notre culture et notre langue, s'installe à Berlin et ouvre la première librairie française, "La Maison du Livre". Elle raconte cette aventure culturelle dans les premières pages du récit : "Je ne sais à quel âge remonte, en réalité, ma vocation de libraire.  Toute petite, je pouvais passer des heures à feuilleter un livre d'images ou un grand volume illustré." Elle vient à Paris pour apprendre le métier et fréquente la Sorbonne et les bibliothèques. Le consul de France lui déconseille d'ouvrir sa librairie trouvant le climat social inquiétant dans les années 20. Mais, elle s'obstine et réalise son projet avec le soutien des éditeurs français. Elle organise des conférences en invitant les écrivains de l'époque comme Gide, Barbusse, Martin du Gard, Maurois, Soupault, etc. En proposant aussi des pièces de théâtre dans sa librairie, elle en fait un pôle culturel de premier ordre. Puis, son commerce commence à traverser des problèmes provoqués par la montée des nazis au pouvoir. La police saisit des ouvrages des auteurs mis à l'index comme Romain Rolland. Elle est convoquée à la Gestapo à cause d'un voyage à Bruxelles où elle rejoint sa famille. Elle témoigne de la Nuit de Cristal en 1938 et quitte Berlin. Françoise Merkel raconte son exode à travers la France à Nice, en passant par Avignon, Vichy, Grenoble, Annecy. Elle tente en vain de passer la frontière suisse mais la police de Vichy l'arrête et la met en prison. Elle sera enfin libérée grâce à des soutiens amicaux et pourra franchir la frontière pour se réfugier en Suisse. Elle décrit sa peur et son angoisse des rafles constantes que subissaient les juifs. Son courage, sa détermination, son obstination la sauvent du chaos et de la déportation, une mort assurée. Ce récit, publié en 1945, a été retrouvé par hasard dans un stock de livres d'Emmaüs. Patrick Modiano a écrit la préface pour présenter ce récit singulier : "Son livre demeurera toujours, pour moi, la lettre d'une inconnue, oubliée poste restante depuis une éternité et que vous recevez par erreur, semble-t-il mais qui vous était peut-être destinée." Je reprends une définition d'une journaliste du Monde : Françoise Frenkel nous a adressé "un témoignage intense et généreux".