lundi 15 juillet 2019

"Le naufrage des civilisations"

Amin Maalouf est très apprécié pour ses romans comme "Léon l'Africain", "Samarcande", "Le rocher de Tanios". Il a déjà eu l'intuition d'un certain désordre du monde avec "Les identités meurtrières", ouvrage prémonitoire écrit en 1998. Depuis 2011, il occupe aujourd'hui le fauteuil de Claude Lévi-Strauss à l'Académie française. Cet écrivain franco-libanais s'est exilé en France dès 1976 lors de la guerre du Liban et a ainsi quitté sa carrière de journaliste. Sa carrière littéraire démarre en 1983 et il obtient le prix Goncourt en 1993 avec "Le rocher de Tanios". En 2009, il publie "Le dérèglement du monde" pour analyser l'état inquiétant de notre planète. Il évoquait la crise morale, politique, intellectuelle et climatique de l'Occident. Dans "Le naufrage des civilisations", l'inquiétude de l'auteur  gravit une marche de plus. Il relate ses expériences de journaliste à Saigon à la fin de la Guerre du Vietnam, à Téhéran lors de la Révolution islamiste. Il écrit : "En l'espace d'une vie, on a le temps de voir disparaître des pays, des empires, des peuples, des langues, des civilisations. L'humanité se métamorphose sous nos yeux. Jamais, son aventure n'a jamais été aussi prometteuse, ni aussi hasardeuse. Pour l'historien, le spectacle du monde est fascinant. Encore faut-il pouvoir s'accommoder de la détresse des siens et de ses propres inquiétudes". Amin Maalouf revient sur son Levant naufragé par les guerres tribales et religieuses et en particulier sur la Guerre des Six Jours entre Israël et l'Egypte. Intégré au récit historique, il évoque sa culture composée de racines très diverses et surtout raconte avec émotion le souvenir de ses parents. Ce rappel des faits précis et analysés éclaire l'actualité contemporaine. Ce livre dense et documenté se lit presque comme un roman même si certains personnages composent une fresque humaine sinistre et inquiétante. J'ai appris beaucoup d'éléments historiques et politiques surtout sur le Moyen Orient qui me permettent de comprendre les relations internationales aussi tendues que complexes. L'écrivain dans le dernier chapitre "Un monde en décomposition" récapitule les plaies de notre civilisation en dénonçant le réchauffement climatique, la robotisation du travail, la dérive orwellienne de la société, l'augmentation des inégalités, les sentiments identitaires. Que faire devant ce constat réaliste ? Amin Maalouf en homme sage n'invente pas des solutions miracles. Il propose quelques pistes : ouvrir les yeux, prendre conscience de tous ces périls menaçants, informer, prévenir, garder l'espoir… Cet essai remplit cette mission d'alerte et semble bien moins pessimiste que certains livres qui prédisent la fin du monde dans une ou deux décennies…