mercredi 19 août 2015

"Théra"

J'avais vraiment beaucoup aimé le dernier livre de Zeruya Shalev, "Ce qui reste de nos vies", paru chez Gallimard en septembre 2014. Ce roman fulgurant et passionnant a obtenu le Prix Femina Etranger. J'avais donc envie de découvrir l'œuvre entière de cette écrivaine, née en 1959 en Israël. J'ai trouvé "Théra" à la médiathèque, écrit en 2005 et j'ai renoué avec le thème fort et fascinant de Zeruya Shalev dans ce grand roman de 500 pages : la famille, la famille et rien que la famille. Mais quelle famille ? Il faut lire "Théra" pour comprendre cette notion qui, au fond, concerne tout un chacun.  Ella, la narratrice, analyse avec une précision de chirurgien, les sentiments qu'elle éprouve pour son mari, Ammon, pour son petit garçon, âgé de six ans. Elle met fin à son couple après dix ans de vie commune et se retrouve seule et isolée. Ses parents traditionnalistes désapprouvent cette décision, ses amis se détournent d'elle, et son mari refuse la séparation. Comme elle est archéologue de métier, elle fouille son passé pour comprendre cette décision irréversible. Elle décrit ses angoisses, ses cauchemars, ses peurs. Elle se débat avec une culpabilité paralysante car elle prive son fils de son père, une semaine sur deux, et vivre sans son enfant devient un tourment permanent. Alors qu'elle commence à douter de sa rupture et à redouter cette liberté retrouvée, elle rencontre un parent d'élève, Oded, psychiatre de métier, et lui aussi, en rupture conjugale. Ils se sentent bien ensemble et décident de partager un appartement. Mais son nouveau compagnon a aussi deux enfants. Commence alors la recomposition de deux familles. La vie quotidienne, les modes de vie, les personnalités des enfants provoquent de nombreux incidents, de nombreuses blessures et des incompréhensions. Chacun cherche sa place au sein de ce nouvel espace familial et les dissonances semblent plus nombreuses que les moments de sérénité au sein de la nouvelle fratrie. Entre le rêve d'un amour retrouvé et la réalité de la vie quotidienne, la marge peut se transformer en gouffre... Ella ne vit pas à la surface des "choses", ne joue pas à la comédie sociale. Elle idéalise les relations amoureuses, familiales et ne veut pas renoncer à la pérennité des liens. Mais comme dans ses évocations de Théra, une ancienne civilisation située à Santorin et disparue à cause d'une éruption volcanique, Ella, notre archéologue de la famille, du couple, des enfants, tient en haleine son lecteur(trice) tout au long de ces 500 pages volcaniques, flamboyantes dans une prose qui dévale comme de la lave et nous emporte dans un psychodrame familial qui prend des allures de tragédie grecque...