mardi 10 juillet 2018

"Erasme, Grandeur et décadence d'une idée"

Stefan Zweig (1881-1942) appartenait à l'intelligentsia juive viennoise et son cercle d'amis se composait d'illustres contemporains : Sigmund Freud, Arthur Schnitzler, Romain Rolland, Richard Strauss, Emile Verhaeren, et bien d'autres. Ecrivain majeur du XXe siècle, il faut tout lire ou relire ses œuvres les plus fascinantes : "Amok", "La pitié dangereuse", "La confusion des sentiments", "Le joueur d'échecs" et de nombreuses nouvelles. Biographe et historien, il s'est intéressé à Joseph Fouché, Marie Antoinette, Marie Stuart sans oublier des ouvrages sur Freud, Nietzche, Montaigne, Balzac. Dickens, etc. Ce boulimique de la vie des autres a aussi livré ses propres mémoires : "Le Monde d'hier, souvenirs d'un Européen". Une planète à lui tout seul. Je viens de terminer la biographie d'Erasme, Erasme de Rotterdam, (1467-1536), encore un européen comme Zweig, auteur de "L'éloge de la folie". La Grèce antique et l'Empire romain m'intéressent en priorité, mais je ressens une immense admiration pour la Renaissance qui nous a donné tant de génies dans l'art, la philosophie et la littérature. Erasme symbolise cette période fastueuse dans l'histoire humaine. Publiée en 1935, la biographie d'Erasme rappelle le destin tragique de Stefan Zweig, qui, constatant le chaos européen en 1942, a mis fin à ses jours avec sa compagne. Erasme fut le premier penseur à voyager à travers l'Europe. Passionné par les savoirs et les techniques de l'époque, il fréquentait les bibliothèques et les imprimeries, des lieux emblématiques pour la Renaissance : "Une ville n'existait à ses yeux que par ses bibliothèques". Stefan Zweig définit cette période ainsi : "Grâce à une confiance en soi éprouvée et victorieuse, l'homme du XVIe n'a plus l'impression d'être un atome impuissant qui compte sur le secours de la grâce divine ; il se sent le centre des événements, le soutien du monde. Son attitude humble et suppliante s'efface soudain devant le sentiment de sa valeur personnelle ; et c'est la manifestation impérissable de cette griserie de sa force que nous désignons sous le nom de Renaissance". Erasme, l'homme des livres, de la lecture, voulait comprendre son temps et fuyait tous les fanatismes religieux. Il chercha à conjurer la rupture religieuse (la Reforme de Luther), et ses pérégrinations incessantes le conduisent à Paris, en Angleterre, en Italie, en Allemagne, en Suisse. Sa vie d'errant et d'ermite ne pouvait qu'inspirer Stefan Zweig, homme européen par excellence, intellectuel avant l'heure, tolérant et pacifique. Cette biographie romanesque m'a plongée dans une époque, la Renaissance, miroir d'un XXe siècle tragique. Mais j'ai retenu une leçon vitale : Erasme nous apprend le libre arbitre, la responsabilité, la sagesse et surtout l'horreur du fanatisme religieux. Les biographies de Stefan Zweig ressemblent à des romans et même si la vérité historique ne correspond pas à l'historiographie scientifique d'aujourd'hui, le plaisir de la lecture reste entier…