mercredi 9 septembre 2015

"Crépuscule des bibliothèques", suite

Si on aime à la folie : la révolution numérique, les e-book, les liseuses, la documentation sur internet, alors, il ne faut surtout pas ouvrir le livre de Virgile Stark, "Crépuscule des bibliothèques". J'ai évoqué dans le billet d'hier mon métier de bibliothécaire et j'ai mesuré l'évolution fantastique des bibliothèques depuis les fichiers en bois remplis de petites fiches bibliographiques aux catalogues informatisés et aux espaces audiovisuels... Nostalgie, nostalgie quand tu nous tiens ! Pendant ma lecture, j'ai acquiescé et souri en découvrant ses formules percutantes, et même excessivement pessimistes de ce bibliothécaire "archaïque". Selon ce spécialiste, le temps des livres est terminé : beaucoup de paramètres le confirment et j'en ai souvent parlé dans ce blog de "défense" de la culture de l'écrit  : moins de lecteurs, moins de vente et de prêts de livres, des centaines de librairies qui ferment leurs portes, des bibliothèques sans crédits, etc. Il dénonce cette catastrophe intellectuelle : "l'autodafé symbolique a commencé. La nuit tombe sur l'esprit. (...) Le papier brûle. Les livres brûlent. Nos livres. Nos bibliothèques, emportées par la Vague numérique". Son constat fait frémir tout amoureux(se) du papier. Mais son cri d'alarme touche les lecteurs(trices) bousculé(e)s par les managers de l'information, ceux qui se moquent bien de la culture livresque et qui ne vivent qu'à travers le prisme d'un écran, d'une tablette et d'un objet connecté. J'ai relaté ma propre expérience de bibliothécaire chahutée par les nouvelles technologies de l'information. L'ouvrage déborde d'anecdotes et de remarques teintées d'amertume. La bêtise technocratique n'est pas assez critiquée de peur de paraître "dinosauresque" ... Je ne citerai qu'un exemple sur la transformation annoncée des bibliothèques en biblioparcs où "l'homme moderne assouvit son besoin de distraction". J'ai assisté récemment à une scène surprenante  dans la médiathèque de ma ville : un groupe de femmes était réuni pour une séance de... tricotage ! A mon époque, on luttait pour nos droits ! Cette initiative m'a laissée sans voix : je ne savais pas que le tricotage avait gagné ses lettres de noblesse dans un lieu symbolique où l'on vient pour lire, étudier, se cultiver. Pourquoi pas ? Comme je l'entends souvent, il faut créer du lien, du "vivre ensemble", des contacts, de l'humain... J'attends donc des cours de poterie, de cuisine, de vannerie, etc. La bibliothèque deviendra une maison de quartier, ou une MJC, et après, que deviendront les collections de livres ? Virgile Stark refuse cette évolution vers la bibliothèque dématérialisée ou la bibliothèque, lieu de vie sans lien culturel. Sa conclusion sur la disparition annoncée des livres me semble excessive. Je pense que notre communauté des amoureux du livre a encore de beaux jours devant nous, et tenons le pari que le livre, objet "vintage" va peut-être redevenir à la mode ! Pourquoi pas ?