jeudi 14 mai 2020

"La Nuit Atlantique"

J'ai hésité à me lancer dans la lecture de ce roman, "La Nuit atlantique",  dense et puissant car je préfère lire plus mince, plus dégrossi, plus neutre… Anne-Marie Garat a habitué son lectorat à un luxe romanesque tourbillonnant, à une langue travaillée, pourvue d'un vocabulaire riche, à un style de conteuse affirmée. Dans son dernier opus, les ingrédients "garatiens" se mélangent avec une maestria envoûtante. Son héroïne, Hélène, la petite quarantaine, célibataire sans enfant et spécialiste de photos anciennes, a décidé de vendre sa résidence secondaire, située dans le Médoc. Elle veut se débarrasser de ce passé, symbolisé par cet achat inconsidéré. Cette vieille maison dégradée par les intempéries océaniques se dresse sur une dune face à la mer et abrite des fantômes. Elle l'avait acquise sur un coup de tête dix ans auparavant à une certaine Madame Dhal, institutrice à la retraite et décédée depuis. Hélène loue une voiture à Paris pour rejoindre la petite station balnéaire du Médoc. Quand elle ouvre la porte de sa maison, elle se rend compte qu'elle est squattée par un photographe nippo-canadien. Cet homme a récupéré une clé donnée par une inconnue. Il est à la recherche des blockhaus sur la Côte atlantique qu'il photographie pour une future exposition : "Il cherchait à voir comment l'Histoire se dilue dans le paysage ordinaire, à traquer ses marques avant de disparaître". Ce jeune homme bouscule ses habitudes et elle accepte de l'héberger. Hélène, croyant vivre sa solitude habituelle, se retrouve donc avec un inconnu et aussi avec sa filleule chérie, Bambi, qui a décidé de la rejoindre pour lui parler. Ce trio surprenant et insolite va affronter des événements où chacun va commencer une certaine métamorphose. La narratrice va se retrouver face à un passé douloureux qu'elle va enfin pouvoir solder. Elle rencontre un homme, neveu d'un voisin, qui va changer sa vie après une tempête centennale. Bambi va lui révéler sa décision d'interrompre ses études de médecine au grand dam de sa mère. Le jeune photographe s'acquittera de sa mission avec succès. Anne-Marie Garat brosse un très beau portrait de femme entre un passé névrotique et un présent résilient. Ce roman somptueusement écrit ressemble à un conte contemporain où chacun(e) puisera des thèmes qu'il privilégiera : la présence de la nature, les relations amicales et amoureuses, un style puissant, un réel fictionnel réenchanté. Comme l'écrit une critique de Télérama, "Et il ne faudrait pas oublier la beauté de la langue d'Anne-Marie Garat, enveloppante comme la vague et folle comme la tempête, qui balaye tout et nous laisse pantois devant tant de métamorphoses, mais aussi d'amour pour la vie et de plaisir d'écrire". Un très bon roman réjouissant, lu pendant mon confinement. J'ai respiré l'air océanique avec un plaisir infini…