vendredi 1 juillet 2022

Atelier Littérature, 4

 Pascale a choisi "Les lieux de Marguerite Duras", un ouvrage illustré de photos, édité aux Editions de Minuit. Pour lire ce récit-témoignage, il vaut mieux connaître les œuvres principales de l'écrivaine. Dans le dialogue entre Duras et Michelle Porte, l'essentiel de la conversation se résume en une idée centrale qui symbolise la matrice durassienne : l'importance d'un lieu. A la base de son inspiration romanesque, l'Indochine représente son enfance et son adolescence que l'on retrouve dans "Un barrage contre le Pacifique". Dans ces romans, elle décrit toujours une ambiance particulièrement envoûtante d'un lieu comme dans "India Song". Elle ne pouvait écrire que dans sa maison de Neauphle-le-Château ainsi que son appartement de Trouville, face à la mer. Pour faire naître l'écriture, il faut peut-être trouver son nid, un espace pour rêver et imaginer les textes magnifiques intemporels que nous pouvons encore lire aujourd'hui. Danièle a beaucoup aimé "Epuisement d'un lieu parisien" de Georges Perec. En octobre 1974, l'écrivain s'est installé pendant trois jours dans un café de la place Saint-Sulpice à Paris. A différents moments, il a noté tout ce qu'il voyait : les passants, les autobus, les chiens, les voitures, les nuages, les événements ordinaires de la rue. Sa folie douce des listes pour épuiser le Réel définit la démarche de Perec à la recherche d'un lieu stable qu'il n'a jamais connu avec son enfance orpheline de père (mort à la guerre) et de mère (morte dans un camp de concentration). Dans ce texte descriptif, l'auteur dévoile les mille détails d'un lieu précis : des riens insignifiants, des événements mineurs, des mouvements imperceptibles, que personne ne remarque. Des variations quasi musicales : "Mon propos dans les pages qui suivent a plutôt été de décrire le reste : ce que l'on ne note généralement pas, ce qui ne se remarque pas, ce qui n'a pas d'importance ; ce qui se passe quand il ne se passe rien, sinon du temps, des gens, des voitures et des nuages". Georges Perec définissait cette démarche descriptive d'infra-ordinaire, un réel observé avec des yeux neufs, curieux, décalés. Tout un monde nouveau. Pour le dernier ouvrage commenté de la liste,  "Vue sur mer" d'Isée Bernateau, maître de conférences en psychopathologie à Paris, Régine a écrit ce texte  : "Dans cet essai, paru en 2018 aux PUF, elle aborde le thème du lieu, de la maison natale qui est le premier ancrage (qui a vu sur mer/mère). Au travers de la présentation de 5 cas d'adolescents, qu'il s'agisse de celui qui ne se sent de nulle part que celui qui passe d'une maison à l'autre, elle met en évidence qu'il est essentiel pour l'adolescent de revisiter, de remanier cet ancrage, élément essentiel pour la construction de son psychisme. (...) Les références à différents auteurs sont nombreuses (Bachelard, Heidegger, Bourdieu, Pontalis, Freud, Platon) mais elle s'attache plus particulièrement à Perec et à Gus Van Stant. Il n'est de lieu que dans et par le langage". Un essai ambitieux mais aussi très éclairant sur le sujet du lieu.