mardi 1 décembre 2020

Retour au lac

 Dès samedi, je me suis réveillée en me disant : enfin, le lac ! Le Président a quand même desserré les liens qui entravaient notre liberté originelle. Parfois, je pense à nos années d'avant et à notre façon de vivre : partir où on veut, traverser les frontières, prendre un avion, visiter des villes et des régions, arpenter des bouts de pays étrangers. Vivre tout simplement la marche du monde. Trois mois de confinement au total, cela commence à peser sur notre moral. Le slogan sanitaire prime encore aujourd'hui et encore pour quelques semaines : restez chez vous ! Il n'y a pas d'autres alternatives. Comme j'avais enfin le droit de sortir pendant trois heures et à vingt kilomètres, j'ai saisi ce moment pour retourner au lac du Bourget à une dizaine de kilomètres de chez moi. Direction, Aix-les-Bains. J'ai garé ma voiture sur le petit port. Presque personne vers 13h... Me serais-je trompée de jour ? Je m'imaginais une ruée vers ce lieu si majestueux surtout après un mois de privation. Munie de mon masque, j'ai aperçu mes premières mouettes virevoltant autour des voiliers. Une d'elles m'a même souhaité la bienvenue en me frôlant. Je me suis avancée vers l'esplanade et là encore, personne à part quelques jeunes gens. J'ai compris aussi la raison de la non-fréquentation du site : aucun restaurant ouvert, manèges fermés, jeux pour les enfants disparus du paysage aixois. Pourtant, un soleil illuminait le lac en le couvrant d'écailles argentées et miroitantes. J'ai poursuivi ma balade tranquille en m'émerveillant à chacun de mes pas de ce panorama grandiose : le lac ressemblait à une petite mer intérieure. Arrivée au port, même ambiance silencieuse avec tous les restaurants clos. J'ai atteint le Jardin vagabond en constatant le déshabillage des arbres sans leurs feuilles. Dans la cabane aux livres, j'ai farfouillé dans les étagères et j'ai déniché un Jacques Lacarrière, "Chemin faisant", un Gide en poche, "L'Immoraliste" et un livre ancien illustré de belles gravures, "Les voyages de Gulliver". Une bonne récolte pour la journée... En début d'après-midi, les amoureux du lac se baladaient avec une sérénité retrouvée. Ma promenade avait duré presque deux heures. J'ai fait une halte aux Mottets pour dire bonjour à mon aigrette qui se cachait dans la roselière. Il ne me restait plus qu'un quart d'heure pour rejoindre Chambéry... J'avais oublié le laps temporel accordé par le gouvernement. J'ai repris le volant et je suis arrivée à temps... Pas de gendarme sur la route mais une règle morale en soi : ne pas dépasser la dose d'air accordée par notre Etat protecteur, un peu trop protecteur ?