lundi 26 décembre 2022

"L'insoutenable légèreté de l'être", Milan Kundera, 1

En 2022, j'ai réalisé que certains grands romans du XXe, qui ont jalonné et marqué ma vie intense de lectrice depuis des décennies, méritaient de nouveau mon attention. J'avoue aussi que la littérature d'aujourd'hui ne nourrit pas amplement ma faim inassouvie de grands moments de lecture (un effet de l'âge ?). Alors, cette année, j'ai repris mes pléiades en les revisitant surtout celles de ma sublime Virginia Woolf avec un plaisir toujours renouvelé sans oublier Marguerite Yourcenar, deux écrivaines indispensables chez lesquelles je trouve toujours des réflexions, des pensées, des attitudes qui m'apparaissent d'une modernité intemporelle. Je n'oublie par Georges Perec, Stefan Zweig, Colette, Balzac et d'autres compagnons d'écriture. Je songe à mon programme de lectures en 2023 et je vais essayer de redécouvrir surtout Stendhal avec lequel je partage un destin commun : l'amour de l'Italie ! Récemment, j'ai relu un roman incroyablement actuel, "L'insoutenable légèreté de l'être", paru en 1984 chez Gallimard. L'intrigue se passe à Prague en 1968 dans le contexte de la Tchécoslovaquie du Printemps de Prague, puis de l'invasion du pays par l'URSS. Tomas, neurochirurgien brillant, collectionne les conquêtes féminines. Ce libertin assumé entretient une liaison régulière avec Sabina, une artiste à l'esprit libre. De passage en province, il remarque Tereza, une serveuse qui tombe sous son charme car elle aime les livres et elle le voit lisant un ouvrage. Un beau jour, elle débarque à Prague chez lui car elle avait remarqué sa gentillesse et sa "bonne éducation" alors qu'elle ne connaissait que des clients un peu rudes. Ils décident de se marier mais Tomas ne cesse de la tromper dans des rencontres hasardeuses. Ils partent à Zurich pour changer de vie mais Tereza ne supporte plus le donjuanisme absurde de son mari. Elle prend une décision irrévocable : retourner à Prague. Tomas, prenant conscience de son attachement affectif envers elle et surtout de l'amour inconditionnel que sa femme éprouve pour lui, quitte Zurich et la rejoint à Prague. Choix fatal pour Tomas. Car, le destin s'acharne sur eux. Tomas a écrit dans une revue un article anticommuniste mais il refuse de le retirer. Son directeur d'hôpital le licencie. Il vit alors un déclassement et devient laveur de vitres. Teresa perd son travail de photographe. Entre temps, Sabina s'est expatriée en Suisse et devient une artiste reconnue. Ces trois personnages emblématiques rassemblent à eux trois les idées philosophiques de Milan Kundera. Tomas partage avec Sabina cette légèreté de l'être. Ils sont complices dans leur soif de liberté et d'expériences : "Ne pouvoir vivre qu'une vie, c'est comme ne pas vivre du tout". Mais Tomas dans son indécision permanente semble plus ambigu. Ses infidélités le culpabilisent et le poussent à revenir toujours vers Teresa. Il passe de la légèreté à la pesanteur, deux notions essentielles dans ce roman métaphysique. Mais ce roman ne se lit pas avec une "pesanteur" certaine. Bien au contraire, la légèreté se situe dans l'ironie, l'humour, la distanciation que Milan Kundera affectionnent même si certaines scènes révèlent une grande tendresse envers ses trois personnages à la recherche d'une vie meilleure. (La suite, demain)