jeudi 12 septembre 2019

"La part du héros"

"La part du héros", écrit par Andréa Marcolongo, porte le sous-titre : "Le mythe des Argonautes et le courage d'aimer". L'écrivaine italienne avait publié en 2016, "La langue géniale", éditée aux Belles Lettres où elle démontrait la beauté du grec ancien et prouvait l'influence profonde du monde grec dans notre culture européenne. Cette jeune professeur, helléniste, formée à Milan,  est tombée amoureuse du grec ancien dès l'âge de 13 ans. Sa mère meurt un an après et la jeune adolescente se refugie dans l'apprentissage de la langue : "Le grec était son refuge. Une arme pour se construire. Pour se reconstruire." Elle s'obstine dans cette passion après une jeunesse voyageuse. Elle revendique l'héritage de Jacqueline de Romilly et de Marguerite Yourcenar. Son rêve s'accomplit : elle devient professeure de grec.  Son livre a déclenché un engouement étonnant pour le grec ancien, ce qui m'a évidemment réjouie quand je l'avais lu. La presse l'a baptisée "l'Athéna grecque". Cet ouvrage savant s'est tout de même vendu à plus de 300 000 exemplaires et vient de sortir en livre de poche. Dans ce deuxième essai, "La part du héros", elle s'approprie la légende des Argonautes pour illustrer ses réflexions philosophiques, linguistiques, intimistes. On connaît mieux l'Iliade et l'Odyssée d'Homère que l'histoire de la nef Argo, écrite par Apollonios de Rhodes, (3e siècle avant J.C.), poète épique. En exil à Rhodes, il revient à Alexandrie pour diriger la Bibliothèque en succédant à Zenodote. Son œuvre principale, "Les Argonautiques", composée en 250 av. J.C. évoque en quatre chants la construction du navire Argo, les adieux de Jason, les aventures avec une nymphe, la rencontre avec Médée, la victoire de Jason sur les taureaux d'airain, la conquête de la Toison d'Or, la fuite de Médée et le retour du navire en Grèce. Il vaut mieux s'informer sur ce poème avant de lire l'ouvrage d'Andrea Marcolongo. Le récit entremêle les péripéties des marins sur la nef avec des comparaisons sur notre monde contemporain. Comment cinquante gaillards solidaires sont arrivés à accomplir un exploit impossible ? Ils ont conquis la Toison d'Or, symbole de la volonté d'être. Garder le cap, ne jamais baisser les voiles, apprendre de l'épreuve, ne jamais renoncer, atteindre son but : toutes ces expressions se retrouvent sous la plume alerte, érudite, lumineuse d'Andrea Marcolongo, férue d'étymologie. J'ai remarqué son hommage pour les professeurs, véritables héros grecs, pour elle. Dans la vie, ce n'est pas la victoire qui compte. Jason nous apprend qu'il suffit de se relever surtout après une chute. Dans un entretien qu'elle a donné au Monde des Livres, elle déclare : "C'est ça Jason. (…) Comprendre que nous sommes tous en voyage, premiers et uniques responsables de nos actions et de nos choix". L'essayiste italienne porte deux tatouages : l'un en grec, "Pathei mathos", souffrir pour apprendre, et un second en latin, "Ferox invictaque", fière et invaincue. Elle nous conseille de "prendre la mer, nous dépasser, devenir des héros grecs !" Programme alléchant mais pas toujours facile à réaliser… Ce livre se lit avec un bonheur certain pour tous les amoureux(ses) de la culture grecque antique.