vendredi 8 juin 2018

Rubrique cinéma

En mai, j'ai vu deux films très différents. Le premier, "Plaire, aimer et courir vite" de Christophe Honoré raconte l'histoire d'un jeune homosexuel, Arthur, qui monte à Paris en 1990 pour retrouver un homme qui lui plait. Cet homme s'appelle Jacques et il l'a rencontré dans sa ville de Rennes lors d'une pièce de théâtre. Arthur est fasciné par le charisme de Jacques, mais celui-ci ne veut pas se lier avec lui. Il se sait malade, atteint du sida et à l'époque, on en mourrait vite. Ce film audacieux montre des scènes amoureuses qui seraient censurées dans un nombre considérable de pays (La France, pays de liberté !). Dans le Télérama du 9 mai 2018, le critique résume le projet de Christophe Honoré : "Il n'a jamais saisi avec une telle intensité les hésitations amoureuses, la certitude de l'éphémère et l'intrigante osmose entre la douceur du sexe et sa crudité". Ce film atypique et romantique n'a pas attiré l'attention du jury de Cannes et pourtant, il aurait mérité un prix pour son audace et sa créativité. Le deuxième film, "En guerre", était conseillé par l'atelier philo du jeudi pour son thème sur le travail. Vincent Lindon interprète le rôle d'un syndicaliste au sein d'une usine d'équipements automobiles. L'usine va fermer (plus de 1100 emplois supprimés) alors qu'elle produit des bénéfices. Le patron allemand avait promis la pérennité des emplois basée sur le sacrifice des ouvriers car ils devaient travailler quatre heures de plus sans être rémunérés. Pendant deux heures, des images défilent sur leur combat perdu d'avance : manifestations devant le Medef, violences incontrôlables, débats houleux entre les syndicalistes. La justice donne raison au patron allemand, et celui-ci va empêcher la reprise par un concurrent. La guerre est déclarée, une guerre harassante, désespérante, radicale, le pot de terre contre le pot de fer. Mais, les ouvriers se déchirent car le front syndical se fissure. Certains ouvriers acceptent le licenciement économique pour toucher une prime. Stéphane Brizé film cette guerre économique avec une caméra de militant. Laurent Amadéo, le syndicaliste intransigeant, n'accepte pas cette injustice et s'immole par le feu à la fin du conflit. Ce geste sacrificiel inattendu apporte une noirceur au film qui, pourtant, montrait la solidarité, l'enjeu des luttes sociales, l'espoir d'une meilleure vie.  Portrait d'une époque où le sida décimait les homos, portrait d'un monde ouvrier en ruines, ces deux films français évoquent un pays en crise. Le sida grâce au vaccin ne tue plus mais les usines disparaissent (plus de mille ont fermé leurs portes en dix ans)... Un jour prochain, faute d'ouvriers, les robots arriveront et les patrons seront soulagés...