jeudi 6 juillet 2023

Des médiathèques saccagées

Des mairies, des écoles, des commissariats, des commerces, des banques, mais aussi des médiathèques ont été saccagés pendant ces cinq nuits d'émeutes sur le sol de France. Dans la très sérieuse revue professionnelle, Livres Hebdo, il est question de trente médiathèques qui ont subi des dégradations diverses et certaines ont même été incendiées comme à Metz. A Montauban, à Vaulx-en-Velin et dans d'autres villes, des jeunes garçons (oui, des garçons) ont eu la pulsion incontrôlable de la "vengeance" après la mort absurde et injuste du jeune Nahel. Quel gâchis, quelle tristesse ! Comment peut-on s'en prendre aux outils d'émancipation ? Pour moi, ancienne libraire et bibliothécaire, la lecture publique relève du "sacré" républicain. Pour devenir un citoyen et une citoyenne libres, il faut lire, lire lire et les bibliothèques constituent un trésor national, un patrimoine commun tellement exceptionnel dans notre pays. J'ai fortement pensé à la médiathèque Georges Brassens à Chambéry le Haut, qui, depuis deux décennies, offre un bel espace de culture, de lecture et de musique et sa fréquentation semble de plus en plus consolidée. J'avais peur que des émeutiers ne s'attaquent à ce joyau. Mais, ils l'ont épargné pour le moment. Ces "anonymes" violents ont choisi de s'attaquer au cinéma Le Forum dont l'entrée a été incendiée ! Je souhaite que la mairie répare cet espace si précieux. Je vais régulièrement dans cette salle et l'équipe fait un travail formidable avec les scolaires. Cette rage juvénile radicale pose question : qu'avons-nous raté, nous les adultes, de toutes opinions politiques ? Air du temps, emprise des réseaux sociaux, fascination des jeux vidéos, affaiblissement de la notion d'autorité, sentiment d'injustice et de discriminations ? Le vide existentiel d'une partie de notre jeunesse est-il un élément de réflexion ? Il leur manque certainement un idéal éducatif, une envie d'émancipation individuelle, un projet de vie, une joie d'être, la bienveillance pour autrui. Pendant ces jours sombres et inquiétants, j'ai pensé à Freud et à son "Malaise dans la civilisation". Le psychanalyste, d'une lucidité éclairante, rappelle que, l'agressivité de l'homme peut être dompter par le "surmoi", instance clé du développement psychique, une sorte de code moral. Il faut relire Freud pour comprendre peut-être cette rage destructrice des émeutiers. Pour Sigmund Freud, l'institution, la loi, le droit nous éloignent de "l'état animal de nos ancêtres et qui servent à deux fins : la protection et la réglementation des hommes entre eux". S'attaquer à des médiathèques est un geste symbolique de "dé-civilisation", mot lourd de sens, employé par Jérôme Fourquet et repris par notre Président. Pillages, saccages, dégradations, notre pays a subi un choc moral, un traumatisme qui laissera des marques. Je ne sais pas aujourd'hui si ce climat délétère perdurera ou s'affaiblira. Mais, pitié pour nos belles bibliothèques-médiathèques et nos écoles indispensables pour que notre France républicaine reste debout !