vendredi 1 septembre 2023

"L'amour d'Erika Ewald", Stefan Zweig

 Mes charmantes amies de l'atelier Littérature m'ont offert une Pléiade de Stefan Zweig et de temps en temps, je lis une nouvelle de ce recueil pour retrouver le génie de cet écrivain autrichien qui s'inscrit dans une intemporalité nostalgique. Il faut absolument découvrir son chef d'œuvre, son dernier récit autobiographique, "Le monde d'hier", avant son suicide au Brésil, La nouvelle en question, "L'amour d'Erika Ewald", publiée en 1904, raconte l'histoire d'une jeune fille à Vienne. Elle éprouve une passion pour la musique, vivant dans un milieu familial très protecteur. Elle donne des cours de piano et accompagne de temps en temps, un violoniste virtuose, un jeune homme talentueux. Une amitié d'affinités naît entre eux et se transforme peu à peu en amour platonique de la part d'Erika. Mais le musicien ne veut pas se contenter de ce sentiment trop pudique et lui avoue ses projets lors d'une promenade dans le Prater. Il lui dédie une mélodie inspirée d'un chant tzigane. Mais Erika le rejette quand il tente de l'embrasser car elle ne se sent pas prête pour une relation physique. Ils cessent de se voir après cet échec mais, elle n'arrive pas à l'oublier et commence à être attirée par lui sur le plan physique. Elle sait qu'elle peut le retrouver dans un de ses concerts. Elle assiste alors à une de ses prestations musicales, et quand elle se dirige vers sa loge pour le féliciter de sa prestation musicale, celui-ci est accompagné d'une cantatrice à son bras et il lui sourit avec une légère moquerie. Erika s'effondre de désespoir et pense même au suicide. Peu après, la jeune femme, révoltée par cette trahison cynique, décide de s'offrir au premier venu, un jeune militaire, rencontré par hasard. Cette malheureuse expérience l'isole et elle renonce définitivement à l'amour. Erika se consacrera à ses élèves mais, elle n'oubliera jamais la mélodie lancinante du jeune violoniste quand elle pensera à son passé : "Elle avait désormais conscience de cette réalité profonde : la grande paix sacrée pour laquelle elle avait lutté ne peut s'obtenir qu'à l'issue d'une douleur intense et purificatrice, le bonheur n'existe pas pour celui qui n'a pas parcouru le chemin de la souffrance".  Une atmosphère envoûtante se dégage du texte empreint de poésie. Stefan Zweig, un grand ami de Freud, savait sonder les âmes à travers ses personnages. Le musicien symbolise la force brute pulsionnelle et Erika, pure et naïve, possède une âme romantique, peu adaptée à une réalité bien complexe. Une belle nouvelle à lire pour retrouver l'atmosphère viennoise au début du XXe siècle.