jeudi 2 mai 2019

"Je remballe ma bibliothèque"

J'ai toujours lu Alberto Manguel avec un plaisir évident et ce grand érudit de la lecture, des livres et de la littéraire m'enchante depuis longtemps. Cet immense lecteur sait tout sur ce domaine, une planète universelle qu'il arpente avec une curiosité dévorante. Ecrivain, traducteur, éditeur, il aime se définir comme "un lecteur", un modeste lecteur… Né à Buenos Aires, il a vécu en Israël, en Europe, dans le Pacifique et au Canada. Ce voyageur passionné bouge et quand on change de lieu, il faut emballer, déballer les livres que l'on emporte avec soi. Il faut savoir qu'Alberto Manguel s'était installé en France dans un vieux presbytère et il possédait plus de trente-cinq mille volumes tellement il aime ses compagnons de papier. Dès les premières pages, il raconte sa bibliothèque actuelle et ses petites bibliothèques dans son enfance, son adolescence et rend un hommage appuyé à tous ces lieux magiques : "J'aime les bruits étouffés, le silence pensif, la lueur douce des lampes (surtout si elles sont d'opaline verte), les tables polies par les coudes de générations de lecteurs, l'odeur de poussière, de papier et de cuir". Sa propre mémoire dépend de tous les bibliothèques qu'il a constituées : "Chacune d'elles est une sorte de millefeuille autobiographique". A la fin de chaque chapitre, l'écrivain propose une digression sur un évènement littéraire. Il relate avec une érudition époustouflante le phénomène du déballage : moments excitants où il évoque ses goûts littéraires. Déballer, remballer, il ressent ces gestes ainsi : "Si déballer une bibliothèque est une action débridée de renaissance, en remballer une est une mise en tombeau ordonnée".  Alberto Manguel a donc vécu l'expérience douloureuse de remettre en caisses sa bibliothèque adorée, un véritable déchirement pour lui qui avait mis des années à la constituer. Il vit l'absence de ses livres comme une perte d'identité. Il déménage à New York et apprend ensuite qu'il a été choisi pour diriger la Bibliothèque Nationale de Buenos Aires, succédant ainsi à son mentor, Jorge Luis Borges. Un honneur sans précédent pour Alberto Manguel, le chaman de la lecture. Pour conclure son essai, il définit l'acte de lire : "La découverte de l'art de lire est intime, obscure, secrète, presque impossible à expliquer, proche de la naissance d'un élan amoureux". Une belle définition à méditer… Ce livre est un bijou littéraire !