lundi 18 mars 2013

"Profanes"

Le dernier roman de Jeanne Benameur, "Profanes",  se lit avec un vif intérêt que j'avais déjà ressenti pour "Les insurrections singulières", paru en 2011 chez Actes Sud. La voix musicale douce et lancinante de cette écrivaine traverse le texte et envoûte littéralement le lecteur(trice). Le héros du roman se nomme Octave Lassalle, ancien chirurgien du cœur, âgé de 90 ans. Il recrute trois femmes et un homme pour l'assister dans sa vie quotidienne. Ces quatre accompagnateurs se partagent des horaires qui ne permettent pas la rencontre entre eux. Chacun vit une blessure, un accident de parcours. Marc Mazetti, farouchement solitaire, revient traumatisé par l'Afrique en guerre. Yolande Grange, seule aussi, adopte une maman célibataire qui attend un enfant.  Béatrice Benoît, l'élève infirmière, fuit son passé familial difficile et la dernière "pensionnaire", Hélène Avèle, la femme artiste est chargée de peindre le portrait de Claire, la fille unique d'Octave Lassalle, morte dans un accident de voiture à l'âge de 19 ans. Ce quintet de personnages et la force du sujet forment la trame romanesque du livre. Ils vont finir par se rencontrer et lier des liens avec le vieil homme. Octave Lassalle demandera à Hélène de partir au Canada pour rencontrer sa femme et déposer le portrait de Claire sur sa tombe. Le journal intime de Claire est retrouvé dans la cabane du jardin et pourrait révéler la raison de son accident. On pourrait craindre un certain pathos dans ce texte mais Jeanne Benameur évite ce piège en intégrant une dimension de "re-construction", de renaissance des êtres, abîmés par la vie, la mort, la maladie, la solitude, le manque d'argent, d'amour et de solidarité. Le titre "Profanes" se justifie par l'interrogation de l'écrivaine : comment se consoler des chagrins que la vie vous inflige sans l'aide de la foi, de la croyance en l'Au-delà, sans le sacré ?  C'est peut-être la relation aux autres qui donne une dimension spirituelle à l'existence de chacun. Je cite un extrait p.81 où elle évoque une librairie : "C'est un lieu où l'on se sent bien. A l'abri et en même temps prête à toutes les aventures intérieures. Bordée. Elle est venue se glisser là comme entre les pages d'un livre aimé. (...) Elle a besoin ce soir de s'appuyer à l'humanité discrète et forte de ceux qui lisent". Quand une écrivaine aime autant les librairies et certainement les bibliothèques comme elle l'écrit, je ne peux qu'éprouver un sentiment de connivence avec son œuvre et ressentir une solidarité empathique pour tous ceux qui lisent et qui écrivent...