lundi 3 août 2020

Gisèle Halimi, hommage

Au lendemain de son anniversaire, ce 28 juillet dernier, Gisèle Halimi s'est éteinte à l'âge de 93 ans. Dans un de ses récits autobiographiques, "La Cause des femmes", elle raconte que sa naissance a représenté une catastrophe dans sa famille, son père n'osant pas en parler à ses amis tellement il était déçu d'avoir une fille ! La petite Gisèle devient vite une rebelle jusqu'à faire une grève à l'âge de 10 ans pour son droit à la lecture. A 16 ans, elle rejette un mariage arrangé et obtient un accord pour suivre des études de droit à Paris alors qu'elle vivait à Tunis. Ses racines tunisiennes l'ont toujours marquée et elle soutient avec passion l'indépendance de son pays d'adoption. Elle se marie en 1956 avec Paul Halimi dont elle aura deux fils. Après son divorce, elle rencontre le secrétaire de Sartre, Claude Faux. Elle a un troisième fils avec ce second mari. Comme elle est mêlée à la vie des intellectuels français, elle prend la défense d'une algérienne violée par des soldats français. Simone de Beauvoir crée un comité de défense avec elle et Djamila Boupacha sera amnistiée et libérée en 1962 après les accords d'Evian. Depuis cette affaire, Gisèle Halimi est considérée comme une avocate des causes sensibles. Elle fonde en 1965 le Mouvement démocratique féminin avec Colette Audry et Evelyne Sullerot pour soutenir la candidature de François Mitterrand. Elle signe le Manifeste des 343 où des femmes célèbres avouent qu'elles ont avorté une fois dans leur vie. Et viendra dans la même année la naissance de "Choisir la Cause des Femmes" qui place l'avocate au centre des luttes féministes. En 1972, elle défend une jeune fille de 16 ans, Marie-Claire accusée d'avoir eu recours à l'avortement. Ce procès retentissant fait avancer la cause de l'interruption volontaire de grossesse (IVG), portée par Simone Veil au Parlement. Gisèle Halimi milite aussi pour que le viol soit inscrit dans la loi comme un crime. Son engagement à gauche se poursuit avec un mandat de député en Isère dans les années 80. Mais sa passion la plus secrète se nomme écriture. Elle publie une quinzaine d'ouvrages entre 1988 et 2011. Je citerai surtout "Fritna", "Le Lait de l'oranger", "La Kahina", "Histoire d'une passion". Cette défenseuse des droits des femmes attirait la sympathie et l'admiration. Gisèle Halimi symbolise l'anti-résignation, la liberté d'être soi, la justice et un féminisme modéré sans vouloir faire la guerre aux hommes. C'était un modèle pour des millions de femmes et elle le restera longtemps même si les jeunes d'aujourd'hui n'ont aucune idée de ses luttes fondamentales pour notre liberté. Une génération nourrie des idées beauvoiriennes disparaît et tout un pan du XXe siècle rentre dans l'Histoire. Cet événement ne me rajeunit pas...