vendredi 8 septembre 2017

"Les chemins noirs"

Je ne lis presque jamais les récits de marcheurs cadencés avec leurs bâtons pointus, des baroudeurs encapuchonnés dans leur k-way avec leur gourde suspendue et leur sac à dos de survie...  Les textes de voyageurs m'ennuient un peu. Ces longs périples à pied ressemblent aux pélerinages d'antan aux motivations religieuses et superstitieuses. Je me suis pourtant laissée séduire par le médiatique Sylvain Tesson qui me fait penser à un Nicolas Hulot de la littérature (ce n'est pas un compliment pour moi...). Je n'ai pas encore lu le récit, "Dans les forêts de Sibérie" (400 000 exemplaires vendus), adapté au cinéma récemment. J'ai donc pris par hasard à la médiathèque, "Les chemins noirs" et j'avoue tout de suite que j'ai découvert une plume, un style, une voix même s'il joue un peu trop le "Thoreau" de notre époque. Dès la première page, il raconte l'irruption des ennuis majeurs dans la vie (son accident, le décès de sa mère) alors que son milieu familial ressemblait à un tableau de Bonnard lumineux. Sa chute d'un toit provoque une hospitalisation longue et douloureuse et il s'en sort grâce à sa volonté inébranlable. Il se promet de "remarcher" pour célébrer une santé retrouvée malgré des séquelles importantes. L'homme en marche décide de traverser la France dans une diagonale partant des Alpes du Sud jusqu'aux falaises de la Manche. Ses descriptions géographiques, précises et souvent nimbées de poésie, se lisent avec plaisir et quand Sylvain Tesson rencontre par hasard des "humains", il montre son empathie et sa solidarité envers ces Indiens des territoires abandonnés. Mais, il aime ses chemins oubliés de l'Etat car ils conservent des traces du passé. Il parcourt quotidiennement une quarantaine de kilomètres, parfois en solitaire, parfois accompagné d'un ami. Ses critiques sur une France trop aménagée rythment ses déambulations et son écriture reflète avec sincérité sa philosophie d'une vie buissonnière, hors des sentiers battues, aventureuse et libre. La littérature accueille en son sein ces drôles de personnage, férus d'air libre, de sentiers sauvages et Sylvain Tesson joue à merveille le rôle de Robinson des bois et des champs...