mardi 16 février 2021

"La famille du tigre ailé"

 Paula Furstenberg, écrivaine allemande, est née en 1987 à Postdam. Elle vit aujourd'hui à Berlin. La maison Actes Sud vient de publier son premier roman, "La famille du tigre ailé". Le personnage principal s'appelle Johanna, née de l'autre côté du mur en Allemagne de l'Est. Elle atteint l'âge de deux ans quand son père part rejoindre Berlin Ouest juste avant la chute du Mur. Elle interroge sa mère pour connaître Jens, ce géniteur fantôme et elle n'obtient aucun renseignement tangible, ni aucun souvenir lié à sa petite enfance. Sa mère est restée seule, élevant son bébé sans aide et elle n'est pas très disposée à lui parler de cet homme. Que s'est-il donc passé le 4 octobre ? Sa mère, vétérinaire de métier, n'a jamais exercé se contentant de travaux divers dans un zoo. Elle avait reçu une carte postale de son mari mais sans adresse pour le contacter. Dix-neuf ans plus tard,  la jeune fille majeure suit une formation de conductrice de tramway à Berlin, se passionne pour les cartes géographiques et sur l'une d'entre elles, datant du Moyen Age, est dessiné un tigre ailé dans les espaces vides. Dans la vie réelle, ce tigre ailé ressemble à ce père fantasmé. Johanna, après toutes ces années d'absence, reçoit un message téléphonique de son père. Jens lui annonce son cancer en phase terminale et il lui demande de venir à son chevet. Johanna apprend l'existence d'une sœur, Antonia, issue d'une liaison post-mur de Berlin. La jeune fille découvre un homme très affaibli, ayant perdu la parole. Le secret de sa disparition ne sera donc pas levé. A-t-il travaillé pour la Stasi, la terrible police secrète de l'Allemagne de l'Est. Deux typographies s'imposent dans le récit : le présent de Johanna et les fiches techniques de la Stasi sur son père. Il est noté dans une fiche : "Hostile-négatif, coureur de jupons, manque de clairvoyance et de capacité à s'imposer". Les traces de la RDA troublent la jeune fille. Le récit oscille entre l'enquête qu'elle mène sur son père et son présent à Berlin. Jens, ferronnier, voulait aussi devenir une star du rock. Son père devait lui offrir la succession de son entreprise et comme il a refusé de lui confier les clés, le jeune homme est parti à l'Ouest. Johanna parviendra-t-elle à découvrir la vérité sur ce père mourant ? Il faut lire ce très bon premier roman à l'atmosphère historique reconstituée de ces deux Allemagne divisées jusqu'en 1989. L'écrivaine exploite les zones de silence d'une histoire individuelle et collective. Comment vivre avec ce trou de mémoire familial ? Ce premier roman remarquable tente de répondre à cette question universellement partagée. La littérature allemande vient d'intégrer dans son panorama une voix originale. Attendons son deuxième roman pour confirmer ce nouveau talent.