mercredi 15 décembre 2021

La lecture encouragée

Notre Président a décrété que la lecture serait une grande cause nationale. Le Centre National des Lettres (le CNL) est chargé d'effectuer cette grandiose mission. Les publics restent toujours les mêmes : les jeunes, les ruraux et les publics dits "empêchés", terme technocratique très en vogue dans le milieu des bibliothèques. En fin novembre, les initiatives ont fleuri et j'ai relevé quelques perles. Gustave Flaubert, né en 1821, va peut-être redevenir à la mode... Dans ce cadre du bicentenaire de sa naissance, des lycéens d'une classe de première d'un lycée professionnel vont lire le roman mythique de Flaubert, "Madame Bovary" en tweets... Je rêve ! Un comédien va quand même se saisir du texte flaubertien pour lire quelques passages. Plusieurs manifestations vont se dérouler d'ici le mois de juillet pour donner le goût de la lecture en démultipliant les rencontres avec des auteurs, en stimulant la lecture à voix haute très tendance avec la collaboration du sympathique et du dynamique François Busnel. Le public pourra vivre follement des nuits de la lecture dans les librairies et dans les bibliothèques. On verra des résidences d'écrivains dans le milieu scolaire, dans les entreprises, etc. Le journaliste du journal Le Monde reprend la formule lapidaire : il faut "désacraliser" les livres ! Quand je lis cet effet de style, je hoche la tête pour désapprouver cette formule éculée. Pour moi, je préfère "sacraliser" les livres. Pourquoi avoir peur de ce verbe si positif ? Les livres ne sont pas des objets vulgaires, anodins, insignifiants. Au contraire, ils ressemblent à des colonnes de marbre, des piliers d'église, de temple dans leur solidité, dans leur pérennité. J'oserai presque affirmer qu'ils participent à une forme de "religion" laïque, raisonnable, ouverte, tolérante, nuancée, intime. Une librairie, une bibliothèque, une maison d'édition composent un espace "sacré" où chacun peut aller en toute sérénité chercher un supplément d'âme. Le CNL ne manque pas d'idées car des auteurs seront rémunérés 2000 euros par mois à condition d'accorder 30% de leur temps aux publics "empêchés", ceux des "clubs de sport, des entreprises, des bailleurs sociaux" sans oublier les réfugiés, les pensionnaires des EHPAD, la population carcérale. Un chantier colossal. Le CNL aidera les bibliothèques rurales pour conforter la lecture dans ses zones désertées. Ces vœux pieux vont coûter quelques millions d'euros mais, pour une bonne cause, il ne faut pas déplorer ces nouvelles dépenses. J'ai appris dans cet article que le pass culture accordé aux jeunes a bénéficié aux mangas japonais. Tant mieux pour les droits d'auteur de ces dessinateurs. Depuis trente ans, la part des non-lecteurs s'accentue mais, grâce à ses généreuses initiatives, cette regrettable statistique diminuera certainement. Soyons optimistes en cette période de Noël où les livres auront une place privilégiée sous le sapin !