vendredi 31 mai 2013

"Une famille heureuse"

J'avais lu une bonne critique dans la revue Transfuge sur ce roman américain, écrit par Elizabeth Crane, "Une famille heureuse", édité chez Phébus et je confirme la bonne appréciation de la revue. Le roman raconte l'histoire décapante de la famille Copeland : Gordon, le père vaniteux , Jean, la mère courageuse, Priscilla, la fille aînée superficielle, et le cadet Otis, rêveur invétéré. Il ne faut pas oublier d'ajouter à la liste un grand-père Théodore et sa mère Vivian. Ils vivent tous sous le même toit et se frôlent sans vraiment se connaître. Les personnages racontent chacun à leur tour leurs points de vue sur les autres membres de la famille. Le père trouve toujours des explications à tout ce qui peut lui arriver. Sa suffisance, son égoïsme et sa fausse culture agacent son entourage. Pour passer le temps, il se met à peindre dans son garage. Jean, la mère, rencontre un ami-amant dans un club de lecture mais cette relation se termine par le suicide de cet homme fragile et malade. Elle cherche en vain les raisons de cet acte de désespoir. Priscilla ne rêve que de télé-réalité et de vêtements, mais ce talent va finir par aboutir à un projet. Otis, le petit garçon, élabore des mots croisés à longueur de journée et veut une petite copine. Les anciens de la maison sont aussi "déjantés" que leurs enfants... Elizabeth Crane décrit une famille aussi désunie que possible et qui joue la comédie du bonheur. Le talent narratif, un style tonique, la description des liens familiaux, la réalité de la société américaine, les attentes et les déceptions de chaque protagoniste, tous ces éléments composent un texte haut en couleurs, décapant, ironique et explosif. Chacun poursuit son objectif propre sans le faire partager aux autres. Le sentiment de solitude saisit chaque membre de cette famille si particulière et si banale à la fois... Un très bon roman à emporter dans vos bagages et à déguster sous le soleil (s'il revient...).

jeudi 30 mai 2013

Atelier d'écriture

Mardi, Marie-Christine a proposé un exercice sur le thème de la maison. Elle avait choisi un poème de Prévert, "Pour faire le portrait d'un oiseau" et la chanson célèbre de Le Forestier "La maison bleue". Il fallait décrire une maison imaginaire ou réelle. Voici mon texte :
La maison de famille
Imaginez le bord de mer
vraiment le bord de mer
avec, à l'horizon, une petite île rocheuse et rouge.
Sur la falaise, en ce temps-là,
des murs ocre s'élèvent dans un jardin d'oliviers
et de pins maritimes.
La mer lèche la roche rouge, le soleil chauffe l'air bleu.
La grande maison prend forme, s'orne de volets jaunes
et de grandes terrasses pour admirer les flots, pour humer la mer.
Un petit port privé accueille des barques pour la pêche, la nage.
L'été se prélasse dans l'insouciance ensoleillée.
Les parents, les enfants, les anciens se retrouvent.
Le temps passe.
La maison observe les passages familiers.
Les générations se succèdent, puis se délitent.
La maison se divise en lots, les héritiers se dispersent.
Rêveuses familles...
La maison aux murs ocre et aux volets jaunes se souvient
de son enfance heureuse.
Dans le salon-bibliothèque, une artiste de la famille a peint
une fresque de la falaise avec, au centre,
ce rêve de maison, une maison de rêve...

mardi 28 mai 2013

"Indigo"

Catherine Cusset vient d'écrire un très bon roman, "Indigo", qui ne laissera pas les lecteurs(trices) indifférents. Le cadre géographique, l'Inde, devient l'élément déclencheur pour quatre personnages, deux hommes et deux femmes, invités à un festival culturel dans le Sud du pays. Charlotte Greene, une cinéaste quelque peu confidentielle, va évoquer la personnalité troublante de sa meilleure amie Deb qui a mis fin à ses jours. Roland Weinberg, écrivain essayiste, part en Inde accompagné de sa belle et jeune italienne Renata. Raphaël Eleuthère, écrivain contestataire façon Houellebecq, bougon et silencieux, rumine sa vie. Et enfin Géraldine Legac, responsable de l'antenne de l'Alliance française, est mariée avec un Indien dont elle a un enfant. Elle reçoit donc cette délégation française avec beaucoup de compétence et de disponibilité. Elle devine que Raphaël Eleuthère n'est autre que son ancien voisin, un certain Jean-Michel, dont elle est tombée passionnément amoureuse quand elle avait quinze ans. Géraldine va-t-elle enfin vivre cet amour de jeunesse malgré sa situation de femme mariée ? Roland, l'intellectuel apprend la grossesse de Renata et refuse cette paternité avec véhémence. Quel est l'avenir de leur relation ? Charlotte recherche en vain des traces du séjour de son amie Deb dans un village proche du lieu où a lieu le séminaire. Cette semaine à l'heure indienne va bouleverser leur existence et leur "départ" ne sera pas seulement un "retour" dans leur vie d'avant... Le roman de Catherine Cusset captive intégralement le lecteur(trice) par une belle écriture classique, une intrigue multiple, des personnages tourmentés, un pays chatoyant et inquiétant, des crises existentielles, des interrogations, peu de solutions et même un zeste appréciable d'ironie. Une planète littéraire à découvrir si vous n'avez pas lu Catherine Cusset, éditée chez Gallimard.

lundi 27 mai 2013

Festival du Premier Roman

Du 23 mai au 26 mai, Chambéry a fêté la 26e édition du Festival du Premier roman. Je n'évoquerai pas les nombreux écrivains invités pendant ces quatre journées, mais je veux rendre compte des trois rencontres au cours de ces jours froides de mai. Jeudi, j'ai vu Jeanne Benameur et Hervé Bel dans une rencontre intitulée "L'avenir est un long passé". J'ai glané quelques expressions et formules. De Jeanne Benameur : "Le grand âge, c'est l'âge de la liberté", "Il faut quitter la peur d'avoir peur", "Ne pas faire son deuil, il faut vivre avec", "Chaque jour est un univers à explorer", "Chacun de nous est ombre et lumière", "Aimer de loin, aimer de près". Le roman de Jeanne Benameur, "Profanes" avait conquis tout le public présent dans la salle. Aucune contradiction n'a été exprimée dans les questions posées à la fin de la présentation. Jeanne Benameur a montré une belle empathie pour ses lectrices (peu d'hommes dans l'assemblée...) On a aussi écouté Hervé Bel mais comme je n'ai pas lu son roman "Les choix secrets", je ne peux mentionner les éléments de la discussion.  Je n'ai pas résisté à poser la question sur leurs préférences littéraires. Jeanne Benameur a parlé de Virginia Woolf comme sa référence absolue (évidemment) et Hervé Bel, de Proust et de Flaubert (avis partagé)... Vendredi, j'ai assisté à la rencontre de Jeanne Benameur (encore elle) et Elisabeth Laureau-Daull sur le thème de la vieillesse "Fin de partie". Le débat était un peu "décalé" car les deux romans n'évoluent pas dans la même galaxie littéraire. "Le syndrome de glissement" d'Elisabeth Laureau-Daull ressemble à un roman documentaire "sympathique" sur les maltraitances dans les maisons de retraite où on oublie trop souvent que nos anciens restent des adultes dignes de considération et de respect. Son roman "militant" dans le bon sens du terme se lit d'une traite. Son personnage de vieille dame de 85 ans entre en résistance contre les maltraitances verbales et physiques de son institution. Vendredi, j'ai assisté à ma troisième rencontre avec Véronique Merlier et son roman "Angle mort" (j'ai déjà écrit un billet bienveillant à son sujet). Elle a lu des extraits de son livre et elle a parlé surtout du séisme dans un couple quand on apprend la véritable identité de son conjoint que l'on ne connaissait pas vraiment. En l'occurrence, son personnage se libère de son carcan familial hétérosexuel pour vivre enfin sa vraie vie. Le débat n'a pas eu lieu après la présentation du livre, peut-être que le sujet est encore bien tabou dans la société française, pas si tolérante et si ouverte qu'on veut bien le croire... Voilà pour ce Festival de Chambéry, bien organisé et bien rodé, mais j'avoue que je préfère y assister à  doses homéopathiques à l'inverse de certaines lectrices motivées fréquentant les séances de signature et les rencontres comme des marathoniennes infatigables... Il faut souhaiter que ce festival littéraire soit maintenu malgré la crise et j'éprouve une certaine gratitude envers les organisateurs et les "donateurs" (mairie, etc.) pour ces moments de qualité dans ces quatre jours dédiés à la rencontre d'écrivains, confirmés ou débutants, qui donnent envie de lire, d'écrire et d'aimer la littérature !

jeudi 23 mai 2013

Rubrique cinéma

Dès sa sortie, mercredi dernier, je suis allée voir le "Gatsby", The Great Gatsby du réalisateur australien Buz Luhrmann avec Léonardo Dicaprio, Carey Mulligan et Tobey Maguire, d'après le roman de Francis Scott Fitzgerald. Comme je n'avais pas vu le film avec Robert Redford en 1974, ni les autres d'ailleurs, je n'ai pas établi de comparaison entre toutes les versions. Je me suis installée dans le fauteuil et j'ai regardé pendant deux heures vingt trois minutes un grand spectacle cinématographique. Les images, les couleurs, les musiques, les personnages et l'intrigue forment un ensemble qui vous emporte dans une Amérique mythique des années 20, endiablée et musicalement folle, avec ses fêtes grandioses alcoolisées, ses conduites à la marge et ses amours contrariées. Le narrateur du film, le personnage-écrivain, raconte le destin de Gastby, milliardaire boursier et trafiquant, lié à la mafia, qui n'a qu'un objectif : reconquérir Daisy, la cousine du narrateur. Cette femme l'a quitté pour se marier avec un homme issu de la noblesse, mais infidèle et goujat. L'histoire d'amour  entre ce roturier richissime, truand élégant, fou d'amour pour une femme inaccessible s'avère impossible à vivre. Pourtant, ce cinéma particulièrement spectaculaire avec des voitures de sport, des soirées fiévreuses dans un décor extravagant et excessif finit par captiver le spectateur(trice). L'amour insensé de Gatsby pour une femme plus fantasmée que réelle provoquera sa perte.  J'ai regardé défiler toutes ces images à un rythme infernal avec intérêt mais il manque peut-être une dimension que je n'ai pas trouvé : l'émotion... A voir quand même pour la reconstitution historique, la musique et l'hommage à Francis Scott Fitzgerald, écrivain américain cultissime.

mardi 21 mai 2013

"La femme infidèle"

Il m'arrive de découvrir des écrivains que j'ai négligés de lire et par la grâce d'un roman que j'ai trouvé sur une table de nouveautés à la médiathèque, je me promets de lire l'ensemble de leurs œuvres.  La semaine dernière, j'ai donc emprunté Philippe Vilain. La première phrase de "La femme infidèle" a capté mon attention : "Je ne m'oublierai jamais le jour où j'ai appris que ma femme me trompait". Ce constat froid et somme toute banal entraîne le héros dans une interrogation sans fin sur la trahison de sa "chère et douce épouse". Il faut peut-être éviter la curiosité de lire les SMS du téléphone de sa femme... Pierre Grimaldi découvre ainsi son infidélité et au lieu de crier, vociférer, s'emporter, se mettre en colère, il se tait ! Son silence devant cette trahison, cette humiliation qu'il vit alors qu'il ne pouvait pas une seule fois s'imaginer ce forfait, le conduit à observer sa femme comme un entomologiste. Il veut comprendre les raisons de cette "faute" et sa jalousie le submerge. Il y a le temps d'avant et le temps présent. Sa femme devient une inconnue, une étrangère alors qu'il la croyait "sienne", avec des qualités indéniables comme l'honnêteté, la droiture, la solidité. Son couple avait toutes les apparences de la perfection : amour, fidélité, complicité. Mais, un petit, tout petit grain de sable peut changer la vie du jour au lendemain. Philippe Vilain analyse avec un pointillisme psychologique les ressorts de la jalousie et du "désamour". Sa femme ne semble pas comprendre le changement de son mari mais elle finira par avouer sa liaison éphémère avec son "patron". Je ne dévoilerai pas la fin du roman, surprenante et inattendue... Un très bon livre sur le thème de la jalousie, un éternel ingrédient à forte dose romanesque...

lundi 20 mai 2013

Solidarité avec "La Quinzaine"

Jean Birnbaum alerte les lecteurs sur la menace d'un dépôt de bilan de la revue "La Quinzaine Littéraire" dans le Monde des Livres du vendredi 17 mai. Il rend hommage à Maurice Nadeau (101 ans !) directeur-fondateur de la revue depuis 1966, découvreur d'écrivains (Roland Barthes, Georges Perec, Michel Houellebecq), défricheur d'idées, passionné de littérature. Tous les quinze jours, la revue nous livre ses articles de qualité sur une littérature exigeante, originale, intelligente. J'ai longtemps acheté la revue pendant de nombreuses années et je l'emprunte maintenant à la médiathèque. Je m'en veux un peu de l'avoir abandonnée... La critique littéraire se fragilise et imaginer que "ma Quinzaine" ne paraîtra plus me rend nostalgique et quelque peu coupable de mon abandon de lectrice. Pourtant, je suis redevable à Maurice Nadeau de m'avoir inculqué le goût profond de la "chose littéraire"... Le journaliste du Monde nous dit : "Amis de la littérature et des idées, à votre tour de vous mobiliser. Volez au secours de la Quinzaine, abonnez-vous ; mieux, répondez à l'appel de Nadeau en devenant lecteur actionnaire." Je vais réparer mon ingratitude et je vais filer à la maison de la presse pour l'acheter. J'espère que ce ne sera pas trop tard... Pour vous renseigner sur la richesse culturelle et littéraire de la Quinzaine, allez sur Laquinzaine.wordpress.com

jeudi 16 mai 2013

"L'armoire des robes oubliées"

J'ai donc lu le roman de l'écrivaine finlandaise Riikka Pulkkinen, "L'armoire des robes oubliées", édité chez Albin Michel en 2012. J'ai évoqué ce livre coup de cœur dans le compte rendu de l'atelier de lecture du mardi 7 mai. La première précaution à prendre quand on lit une saga familiale, c'est de repérer les prénoms des personnages : un couple de grands-parents, Martti et Elsa, de leur fille Eleonoora et de leurs petites filles, Anna et Maria. L'histoire démarre quand Elsa se meurt d'un cancer et révèle à sa petite fille Anna qu'une des robes de l'armoire appartenait à une certaine Eeva, une jeune étudiante au pair dans les années 60 quand Eleonoora était une jeune enfant. Le grand-père est un artiste peintre renommé dans son pays et sa femme Elsa, une psychologue très réputée. Anna, leur petite fille, veut découvrir ce secret de famille et se lance à la recherche de l'inconnue à la robe oubliée dans l'armoire. Le roman se scinde en deux parties : une alternance sur le présent et un retour sur le passé de Eeva en 1964. Martti et la jeune fille ont une liaison amoureuse clandestine. Cette relation n'est pas équilibrée car Eeva éprouve un amour total tandis que son amant, marié à une femme qu'il aime, décide de rompre et de s'éloigner. L'histoire semble assez banale. Encore une sempiternelle ritournelle d'adultère... Mais le talent de Riikka Pulkkinen emporte l'adhésion de la lectrice(eur) car elle met en musique un trio amoureux, raconté sous divers angles, celui d'Anna, de Martti, et d'Eeva.  Ces éclairages successifs donnent un bon rythme romanesque à cette histoire finlandaise. On peut aussi retrouver ou se retrouver dans des remarques sur la vie familiale. Je regrette, par contre, la faiblesse de la traduction dans un français un peu trop simple à mon goût. Peut-être que le style du roman est bien plus convainquant dans sa propre langue... Une bonne saga à noter dans votre liste des lectures estivales.

mardi 14 mai 2013

Les revues du mois de mai

La revue Lire propose un dossier sur Denis Diderot dont on fête le tricentenaire (1713-2013). Ce philosophe écrivain incarne le siècle des Lumières. Il est aussi le grand concepteur de la première encyclopédie française, "L'Encyclopédie",  avec 5000 articles écrits de sa main. On retrouve les critiques habituelles des nouveautés, un article plus complet sur Joann Sfar et un entretien de François Busnel avec Tom Wolfe, l'écrivain américain, qui vient de publier "Bloody Miami". Le Magazine Littéraire nous offre un dossier très intéressant sur Stefan Zweig pour saluer la publication attendue de ses œuvres dans la Pléiade en 2 tomes. Un grand entretien avec Peter Handke éclaire son œuvre souvent complexe et déroutante. La revue Transfuge que j'apprécie toujours autant traite un sujet de "saison" : la littérature de voyage avec une liste des meilleurs ouvrages d'aujourd'hui, le renouveau du genre par la "nonfiction" et un retour sur les classiques. La lectrice curieuse que je suis lira avec plaisir des articles sur Fitzgerald et Olivier Cadot en guerre contre Houellebecq. J'ai remarqué un article sur le film que j'avais beaucoup aimé, "Mud". La dernière revue du mois "Philosophie Magazine" pose une question fondamentale : "D'où vient le mal ? Le mal naît-il d'une volonté perverse ou d'une forme d'obéissance aveugle ? A l'occasion du film "Hannah Arendt", retour sur l'idée de banalité du mal." Cette revue de philosophie à la portée de tout bon lecteur comporte des articles sur le couple, le rire, Montaigne, la matière, etc. Voilà pour le programme de mai, des revues à lire dans son jardin, à l'ombre et en toute quiétude et ouverture d'esprit...

lundi 13 mai 2013

Rubrique cinéma

Le cinéma Le Forum de Chambéry a diffusé plusieurs films du 8 au 14 mai dans le cadre de la troisième édition du "Printemps contre l'homophobie", organisé par l'association Contact Savoie. J'ai vu trois films que je vais essayer de résumer. Le premier "Sur le chemin des dunes" du réalisateur Bavo Defurne, belge flamand, évoque l'adolescence de deux garçons à la fin des années 60 dans une ville oubliée de la côte belge. Pim vit seul avec sa mère, une ancienne reine de beauté, accordéoniste ratée. Il passe ses journées à dessiner et collectionne en secret des objets divers qu'il garde précieusement dans une boîte à chaussures. Il est amoureux de son meilleur copain Gino qui l'initie à la sexualité lors d'une nuit sur les dunes. Mais Gino est aussi attiré par les filles... La sœur de Gino est amoureuse de Pim. Elle finira par comprendre que Pim est obsédé par son frère. La fin du film se termine bien car Gino se rend compte de son attachement pour Pim... Le deuxième film n'abordait pas l'homosexualité "heureuse".  En effet, Brian de Palma avec "Passion" brosse le portrait glaçant d'une femme glaçante dans un milieu glaçant. Christine, la chef de l'agence publicitaire, trouble sa collègue Isabelle qui est fascinée par ce jeu de séduction et de manipulation. La mort de Christine, femme fatale et perverse est perpétrée par Isabelle, voulant se venger de l'humiliation qu'elle subit. Pour moi, ce thriller tordue et malsain n'avait pas sa place dans la programmation du Forum. Le troisième film, "Elena" de la réalisatrice américaine Nicole Conn, correspondait totalement à la lutte contre cette plaie sociale, l'homophobie. Elena, femme de pasteur, tombe amoureuse de Peyton, une femme écrivain, indépendante, homosexuelle assumée. Cette rencontre bouleverse leur vie et Elena, malgré sa culture traditionnelle et son état d'épouse, lâche prise et comprend qu'elle n'a jamais aimé son mari, qui, milite, lui, contre le mariage entre homos. Le film raconte cette histoire d'amour hors normes, mettant en valeurs les mots liberté, audace, et fait voler "en éclats" les repères normatifs et étouffants d'une vie mensongère, celle d'Elena, interprétée par la magnifique Necar Zadegan. Un beau film, qui prône la tolérance et l'amour sans complexes...

vendredi 10 mai 2013

Atelier de lecture

J'ai peut-être choisi une date trop encadrée par les sacrés ponts de mai... Nous étions cinq au lieu de la bonne dizaine. Je remercie, par ailleurs, celles qui m'ont prévenue de leur absence. Cet atelier s'est avéré très positif malgré notre petit cercle. Je vais donc parler des coups de cœur. Danièle a proposé trois livres dans un éclectisme savoureux : "Jeanne" de Jacqueline de Romilly, un portrait de sa mère qu'elle adorait, "Par dessus bord" d'un écrivain australien, Kenneth Cook, une histoire d'un bateau, de mer, de pêche et de grand air, et le dernier titre de ses coups de cœur, le chef d'œuvre d'Alain-Fournier, "Le grand Meaulnes", un classique abordable et indémodable... Geneviève nous a parlé de Gabriel Garcia Marquez et de son roman "L'amour au temps du choléra", drôle, comique, tragique, baroque, comme l'œuvre entière de cet immense écrivain colombien. Souvenons-nous de son "Cent ans de solitude" , à relire ou à lire si vous ne l'avez pas encore découvert. Régine nous a communiqué son enthousiasme pour une écrivaine finlandaise, Riikka Pulkkinen, et son roman "L'armoire des robes oubliées", saga familiale basée sur trois générations de femmes et un secret de famille. Régine nous a lu quelques citations relevées dans le livre et cette lecture à voix haute donne toujours envie d'aller plus loin, une "mise en bouche" réussie. Elle a cité un premier roman, "Le théorème de Kropst", qui l'a intéressée pour son sujet concernant les classes préparatoires. En deuxième partie, nous avons évoqué les ouvrages du lot tirés au sort. Le seul roman vraiment coup de coeur a été lu par Geneviève, "Battement d'ailes" de Milena Angus. Elle a employé le terme "délicieux" pour qualifier ce roman sarde. Danièle a apprécié l'autobiographie de Rosetta Loy, "La première main" et Régine a été peu intéressée par "Pauselippe" de Elizabeth Rasy, malgré Naples et Rome en fond de paysage. J'espère que ces quelques notes prises au fil des paroles sont fidèles aux propos exprimés dans l'atelier.

jeudi 9 mai 2013

"Simon Weber"

Jean Mattern a écrit un roman sensible sur un sujet délicat : la maladie d'un jeune homme, souffrant d'une tumeur au cerveau. Il est étudiant en médecine et il vit avec son père qui le surprotège. Sa mère anglaise est morte en tombant dans sa douche à New York. Il suit un traitement à l'hôpital et lors d'une période de rémission, Simon décide de partir en Israël chez un ami, Amir, qu'il a rencontré à Paris. A Jérusalem, Simon oublie son cancer et commence à assumer sa jeunesse. Il ose enfin vivre une aventure amoureuse avec une femme plus âgée que lui. Il renoue une relation plus "adulte" avec son père grâce à son ami Amir. Son amie d'enfance Clarice, partie en Australie, le rejoint aussi en Israël. Il découvre tout un champ de sentiments en lui : amoureux d'Amir sans désir, désirant Rivka sans amour, aimant en fait Clarice sans le savoir. Il apprend le passé de son père, ses origines judéo-hongroises. Ce qu'il faut retenir de ce roman, édité chez Sabine Wespieser, c'est la musique subtile d'une voix, celle du narrateur à la recherche de son identité que la maladie lui révèle. j'ai apprécié le style "coulé" de Jean Mattern, la présence d'un pays comme Israël, l'irruption de la maladie, la naissance d'un dialogue entre le père et le fils, les sentiments enfin vécus... Un écrivain à découvrir.

mercredi 8 mai 2013

Rubrique cinéma

"Mud, sur les rives du Mississipi" du réalisateur américain Jeff Nichols tient du thriller mais aussi du film d'aventures. Ellis et Neckbone (deux jeunes acteurs formidables), jeunes adolescents de 14 ans, aiment se réfugier sur un îlot du fleuve, repaire secret et sacré à leurs yeux de petits aventuriers en herbe. Ils ont remarqué, en haut d'un arbre, un bateau échoué certainement lors d'une crue du fleuve. Ils rêvent de le réparer. Mais, ils découvrent les traces d'un intrus près de leur barque. Ce quasi "clochard", marginal un peu effrayant, se nomme Mud... Et voilà l'histoire de ce trio démarre vraiment quand Mud leur apprend qu'il a tué un homme pour protéger la femme qu'il aime depuis toujours. Il veut fuir avec elle avec ce bateau haut perché. Les deux garçons vont retrouver la jeune femme dans un motel. Ils vont devenir le messager de Mud pour les contacts avec elle et pour les pièces du bateau. Le jeune Ellis vit au bord du fleuve avec des parents en instance de divorce. Il croit à l'amour même si son père lui dit le contraire. Lui-même tombe amoureux d'une fille de 17 ans. Son copain vit avec un oncle bohème. Quand la situation se complique avec l'arrivée d'un homme violent venu se venger en tuant Mud, le meurtrier de son frère, Ellis et son copain prennent des risques. Le drame s'accélère et le film se transforme en thriller haletant. Ellis tombe dans un trou d'eau infesté de serpents et Mud le conduit à l'hôpital de la ville.  Cet événement précipite le dénouement et, évidemment, je ne dévoilerai pas la fin de ce beau film. Jeff Nichols nous offre un portrait délicat, sensible et émouvant de l'adolescence, ce moment si fragile de la vie, quand l'aventure, l'amour, la générosité font partie des croyances que le monde adulte n'a pas encore abîmées... Et la présence du Mississipi, de la nature et des maisons flottantes apportent un charme particulier à ce récit d'apprentissage.

lundi 6 mai 2013

Hommage à Viviane Forrester

Viviane Forrester, écrivaine, essayiste et critique littéraire s'est éteinte à l'âge de 87 ans à Paris. D'après la notice biographique de Wikipédia, elle est née dans une famille aisée. Elle est obligée de fuir la France en 1943 pour échapper aux rafles anti-juives. Sa carrière littéraire démarre en 1970 avec la publication de son premier roman, "Ainsi des exilés". Critique littéraire au quotidien Le Monde, au Nouvel Observateur et à la Quinzaine littéraire, elle se fait surtout connaître par un pamphlet sur l'ultralibéralisme en 1996, "L'horreur économique", tiré à plus de 350 000 exemplaires. En 2005, elle dresse un bilan de ses maîtres de vie fondateurs : Van Gogh, Proust, et surtout Virginia Woolf dans "Mes passions de toujours". En 2009, elle écrit un essai remarquable sur Virginia Woolf, et obtient le prix Goncourt de la biographie. Son journal intime sur la période 1966-1972, sorti en 2011, éclaire les lecteurs(trices) qui la suivent depuis de nombreuses années. Quand j'ai appris sa disparition, j'ai voulu lui rendre hommage car je me sentais proche de sa planète culturelle. On dit "affinités" pour ce partage des goûts et des passions littéraires. J'ai sa biographie de Virginia Woolf à lire, en attente dans ma bibliothèque et que je remettais à plus tard, passant de roman en roman sans m'arrêter un temps pour cette rencontre Forrester-Woolf. Viviane Forrester a rejoint le paradis des écrivains et elle doit peut-être discuter sérieusement avec Madame Woolf qui doit la remercier de lui avoir consacré ce magnifique témoignage...

 

vendredi 3 mai 2013

"L'angle mort"

Sélectionné par le Festival du Premier Roman de Chambéry,  "L'angle mort" de Véronique Merlier, édité chez Arléa, se lit avec beaucoup d'intérêt. L'histoire de ce couple "parfait" avec enfant unique se délite subitement quand François révèle à Cécile, sa nature profonde et cachée. Il veut enfin vivre son homosexualité qu'il a combattue et niée depuis son adolescence. Le terme "angle mort" semble bien correspondre à cette découverte comme l'expression que l'on cite volontiers en ce moment "la part d'ombre" de tout individu, son secret non-dit et tabou... Cécile ne perd pas l'espoir de vivre avec son mari, malgré ses absences du soir et de la nuit. La survie de la famille passe par l'acceptation de cette situation nouvelle. L'enfant cimente le couple et empêche la séparation immédiate. Je cite un passage du roman : "Construire des remparts, des fortifications, c'est ce qui l'a occupé durant toutes ces années. Protéger les points vulnérables de la cuirasse. Les oublier même. Mener une vie normale, affublé de cette armure brinquebalante dont il sentait seul le poids". Véronique Merlier aborde la complexe question de l'identité sexuelle. François se ment à lui-même, s'anesthésie pour être "comme tout le monde", avec femme et enfant... Il comprend que sa vie est une véritable impasse. Choisira-t-il sa renaissance et sa vérité profonde ? Mais je ne veux pas vous donner le fin mot de l'histoire, il vaut mieux lire ce roman sensible, bien écrit et qui traite avec une certaine audace d'un sujet encore bien difficile à digérer par certains de nos contemporains...

jeudi 2 mai 2013

Le rôle des bibliothèques

Dans un article du Magazine du Monde du 20 avril, j'ai remarqué un bel hommage aux bibliothèques. L'écrivaine américaine, Karin Slaughter, déclare avoir dévoré dix livres par semaine grâce à la bibliothèque locale, "une passion qui l'a sauvée de la pauvreté". Elle a écrit de nombreux thrillers à succès dont "La mort aveugle" et "Broken". En 2008, quand la récession a touché son pays, les bibliothèques ont été les premières institutions à réduire leurs dépenses d'acquisitions et de personnel. Pour Karin Slaughter, ces restrictions financières menacent ce secteur qui lui semble prioritaire, surtout dans les contrées les plus rurales du pays. Elle a créé un mouvement de défense, "Save the libraries" et certains de ses confrères auteurs l'ont rejoint pour aider les bibliothèques en difficulté. La journaliste de l'article relate les nombreuses initiatives concernant ce phénomène de paupérisation du réseau. Les bibliothèques constituent, dit-elle, la "colonne vertébrale de la communauté". Si elle est devenu écrivaine, elle le doit en partie à la lecture publique. Je voulais montrer le rôle essentiel de ces lieux publics, trop discrets d'ailleurs dans le tissu urbain, et qui, pourtant, offrent des livres, de la musique, des films dans une quasi gratuité... La crise sévit partout et j'espère que nos chères bibliothèques publiques seront épargnées tellement elles rendent service aux bébés lecteurs, enfants, adolescents, adultes... Un lieu de culture et d'éducation à la portée de tous les citoyens. Si j'apprends que des restrictions graves menacent le réseau de ma ville, je ferais comme Karine Slaughter, je les défendrais en créant un comité de soutien... Je me mets donc en mode "surveillance" !

mercredi 1 mai 2013

Rubrique cinéma

Le film de Margarethe Von Trotta, "Hannah Arendt" s'apparente plus à un film documentaire et pose une question essentielle sur le mal. Si on ne connaît pas l'itinéraire philosophique d'Hannah Arendt, le spectateur-(trice) aura des difficultés pour suivre le déroulement dramatique. Hannah Arendt a publié un livre majeur, "Les origines du totalitarisme"  en 1951. Elle a fui l'Allemagne nazie en 1933, dès la montée d'Hitler. Elle sera internée en France à Gurs en 1940. Elle rejoint les Etats-Unis en 1941. Elle devient professeur de philosophie politique dans plusieurs grandes universités américaines. En 1958, elle rédige la "Condition de l'homme moderne". En 1961, le journal le New Yorker lui demande de couvrir le procès du nazi Eichman à Jérusalem. Le film relate cette période précise et montre le cheminement de la pensée philosophique d'Hannah Arendt sur le nazisme et la Shoah. En 1963, les articles de la philosophe sont publiés et attirent de nombreuses polémiques sur la notion de la "banalité du mal". Les images sur Eichman sont tirées des archives et voir ce nazi "bureaucrate" et "inhumain" raconter sa logistique pour organiser la Shoah nous plonge dans une certaine sidération de dégoût. Comment des êtres humains "cultivés et civilisés" comme était le peuple allemand sont-ils devenus des nazis ? Hannah Arendt répond par le concept de "non-pensée" pour qualifier l'attitude de Eichman et de ses acolytes. C'étaient des bureaucrates technicisés qui ne pensaient pas, qui exécutaient les ordres d'Hitler sans état d'âme et sans remords. Margarethe Von Trotta film à merveille le moment-clé de cette intuition philosophique. Hannah Arendt avait aussi relevé la lâcheté des responsables juifs qui n'ont pas assez résisté face à l'extermination de leur peuple. Cette question taboue a aussi provoqué un tollé dans les milieux concernés. Ce film nous apprend beaucoup sur cette période de notre Histoire et Margarethe Von Trotta rend un hommage "sororal" à une femme extraordinaire, philosophe (rare pour l'époque), libre et audacieuse (encore plus rare pour l'époque)...