vendredi 4 septembre 2020

"Histoire du fils"

 Marie-Hélène Lafon revient dans cette rentrée littéraire avec "Histoire du fils", édité chez Buchet-Chastel. Dans ce roman de 176 pages, l'écrivaine raconte l'histoire d'une famille sur un siècle en évitant l'effet saturé de la saga historico-sociologique. Trois générations se succèdent dans une province française, le Lot et débute en 1908. Le personnage central s'appelle André, né de père inconnu et d'une mère absente. Gabrielle, sa mère, décide de mettre au monde cet enfant alors qu'il est issu d'une brève liaison avec un fils de famille qui ne saura jamais sa paternité. Elle était infirmière au lycée et Paul avait quinze ans de différence. Gabrielle abandonne son bébé et le confie à sa sœur, Hélène. André grandit auprès de cette famille avec un père adoptif et des cousines. Il ne voit sa mère que l'été car elle vit et travaille à Paris. A cette époque, un enfant né hors mariage était mal considéré dans un village étriqué. Le petit garçon s'adapte malgré tout dans cette famille unie, aimante et attentive. André se construit sans son père biologique entre Hélène et Léon. Il devient la mascotte de la maison et reçoit de l'amour sans limite. Parfois, André à l'âge adulte, ressent un manque entre un père inconnu et mère entre parenthèses. L'ordre chronologique passe de 1909 à 1919, puis en 1950, et en 1934, etc. Les chapitres décrivent des scènes de famille, des événements modestes mais décisifs dans le destin d'André. Marie-Hélène Lafon procède par touches comme un peintre sans approfondir les personnages du roman. La tante et l'oncle "font montre de dispositions magnanimes et généreuses à l'endroit d'une femme qui leur a littéralement fait un quatrième enfant dans le dos". Au fond, ce petit garçon représente non pas une charge mais une chance pour cette famille solidaire. L'histoire de cet orphelin à vie montre aussi les destins des personnages qui l'entourent : solitude de sa mère à Paris, les maladies des uns, les difficultés matérielles des autres, des vies avec des hauts et des bas, la condition humaine. L'auteure brasse les événements avec son style fluide, classique, travaillé comme un soc fend la terre. Son œuvre entière, "liturgique et paysanne" rappelle celles de Pierre Michon et de Pierre Bergounioux, Lire "Histoire d'un fils", c'est percevoir la sensualité de la nature, d'un terroir (le Cantal), la générosité et la simplicité de cette famille sans oublier le chagrin d'un enfant orphelin.  Un des plus beaux romans de cette rentrée, ce qui n'est pas une surprise.