mardi 18 août 2020

Mona Ozouf

 Agrégée de philosophie, historienne de la Révolution, de l'école, spécialiste de Henry James et de George Eliot, Mona Ozouf a souvent rencontré Alain Finkielkraut dans son émission de France Culture, "Répliques". Leurs discussions sont donc retranscrites dans cet ouvrage, "Pour rendre la vie plus légère : les livres, les femmes, les manières", publié chez Stock. Pour tous ceux qui sont allergiques à notre "ronchon" national, nostalgique de la France d'avant, du respect et de l'autorité, il n'est pas gênant de le contourner et de sauter ses interventions. Pour ma part, je comprends bien son "hébétude" d'homme dépassé par l'ultra changement provoqué par internet et par les médias. Son monde des belles manières a disparu et la culture littéraire bat de l'aile chez les jeunes générations... D'autant plus que le philosophe trop décrié n'est pas le seul à dialoguer avec Mona Ozouf. L'historienne raconte dans la préface son amour total des livres dans son enfance et dans sa jeunesse : "Ce que nous apprenions aussi, c'est que les grandes œuvres parlent de nous. En déchiffrant les vies de papier, nous comprenons mieux les nôtres, nous les rendons à de plus justes proportions". Sa gratitude envers la littérature se manifeste par ses études approfondies sur Henry James et sur George Eliot. Son dialogue avec Pierre Manent pose la question du pouvoir du roman. Diane de Margerie évoque avec bonheur l'univers énigmatique et fascinant d'Henry James. Geneviève Brisac revient sur son obsession, ô combien, sympathique de l'écriture féminine (un des chapitres qui m'a beaucoup intéressée). Certains chapitres reviennent sur la Révolution française. Mais, toutes les lignes de cet ouvrage stimulent la passion des livres, des rencontres avec des écrivains. Le lecteur(trice) croise avec plaisir Jane Austen, Germaine de Staël, George Sand, Jean-Jacques Rousseau et d'autres acteurs essentiels de la planète Littérature. Mona Ozouf rappelle dans ces entretiens : "Pourquoi la littérature ? Parce que la littérature nous pourvoit de dons que nous n'avons pas. Elle nous pourvoit immédiatement de l'ubiquité. Grâce à la littérature, nous vivons dans des pays, des villes où nous n'avons jamais posé le pied. Grâce à la littérature, nous pouvons reculer vers des époques révolues. Il y a une sorte d'immense liberté que donne la pratique des livres, et que nous n'avons pas. La démultiplication de l'existence dans la littérature est une chance précieuse". Le titre du livre, "Pour rendre la vie plus légère", revient aussi sur la galanterie française, sur la civilité, sur les femmes qui, selon Mona Ozouf, rendent la vie plus douce. Marguerite Yourcenar a écrit que "ses premières patries ont été les livres" et l'historienne aurait pu énoncer cette belle citation. Son parcours intellectuel de la Révolution française à ses "belles échappées en littérature" m'a donné envie de lire son autobiographie, "Composition française" et de redécouvrir Henry James et George Eliot. Une femme d'une discrétion élégante et d'un esprit éclairé, mesuré et délicieusement français pour faire plaisir à Alain Finkielkraut !