mardi 29 juin 2021

Giorgio Morandi au Musée de Grenoble

 Quand un artiste majeur s'expose dans la région Rhône-Alpes, je n'hésite pas à prendre ma voiture pour aller à la rencontre de l'art, surtout après la longue période du Covid actif quand les musées étaient considérés comme des propagateurs du virus... Ce lundi 28 juin, j'ai donc visité le musée de Grenoble, l'un des plus importants en France. Un de mes peintres préférés, Giorgio Morandi (1890-1964), est à l'honneur depuis plusieurs semaines et comme l'exposition se termine le 4 juillet, je ne pouvais pas manquer cet événement. Un Italien à Grenoble, une aubaine pour moi surtout que je me suis rendue à Bologne pour voir le musée qu'il lui est consacré. La Fondation du collectionneur, Luigi Magnani, a prêté des aquarelles, des toiles, des dessins pour le plus grand bonheur des amateurs et amatrices de ce peintre subtil, attachant et énigmatique. Son œuvre se compose uniquement de paysages de sa région bolognaise, de fleurs et surtout de natures mortes autour de vases, bouteilles, bols, tasses, récipients divers. Pourquoi ces toiles minimalistes, aux tons écrus avec quelques touches de couleurs, me fascinent autant ? Ces objets usuels, modestes, simples me rappellent les ustensiles quotidiens de l'Antiquité que l'on trouvait dans les tombes des Etrusques quand ils accompagnaient les morts dans l'Au-delà. Le peintre a consacré sa vie entière à cet art si modeste des natures mortes que l'on trouve aussi sur les parois des maisons à Pompéi ou à Herculanum. J'ai relu avant de partir à Grenoble le magnifique essai de Philippe Jacottet, "Le bol du pélerin", publié en 2001 chez La Dogana. Je cite le poète sur Morandi : "Une vie aussi concentrée que celle des religieux ; aussi recluse, dans la cellule de l'atelier, que la leur ; recluse et tournant le dos au monde, à l'histoire du monde, pour mieux s'ouvrir sans doute". Plus loin, il écrit : "Un homme a le droit de réduire toute sa vie à cette bizarre occupation, si durement que les vagues du temps viennent battre son seuil". Giorgio Morandi m'apprend une des vertus les plus calmantes : la patience qui se dégage de ses toiles : "Une lumière à la fois intérieure et lointaine qui se confondrait avec une patience infinie". Ces bouteilles et ces vases prennent la "poussière du temps" et donnent "l'aspect et la dignité des monuments". Un autre poète, Yves Bonnefoy, a défini la démarche du peintre italien : "Oui, Morandi est proche de Mallarmé. Comme celui-ci, on se doute bien qu'il avait la politesse du désespoir, la simplicité de l'extrême solitude, la douceur des négations radicales". Dès que j'apercevais un tableau de Morandi dans les musées visités en Italie, j'étais toujours sous le charme de ses bols si simples comme un appel à l'essentiel. Je laisse la parole au peintre lui-même : "Je suis convaincu qu'il n'y a rien de plus surréel ou de plus abstrait que la réalité". J'ai vraiment apprécié cette exposition exceptionnelle sur Morandi, un des représentants les plus surprenants de l'art italien, le Giacometti des bols, bouteilles et vases dans une unité de couleurs et de supports. J'ai profité de la visite pour revoir la collection permanente du musée avec des Matisse, des Picasso, Nicolas de Staël, Braque, et tant d'autres. Grenoble a vraiment de la chance de posséder ce musée mais pour me consoler, je peux y retourner dès qu'une nouvelle exposition aura lieu. Au fond, je ne suis qu'à trente minutes de ce lieu magique.