lundi 17 décembre 2018

"Avec toutes mes sympathies"

Olivia de Lamberterie a obtenu le prix Renaudot de l'Essai pour son récit, "Avec toutes mes sympathies". Le livre aborde le douloureux problème du suicide. L'auteur, journaliste littéraire de la revue Elle, raconte le destin de son frère, un frère flamboyant avec lequel elle a tissé une relation quasi fusionnelle. Alex se jette d'un pont à Montréal le 14 octobre 2015. Elle écrit : "Jusqu'à la mort de mon frère, (…), je ne voyais pas la nécessité d'écrire. Le suicide d'Alex m'a transpercé de chagrin, m'a mise aussi dans une colère folle. Parce qu'un suicide, c'est la double peine, la violence de la disparition génère un silence gêné qui prend toute la place, empêchant même de se souvenir des jours heureux". Olivia de Lamberterie raconte la vie de sa famille, son enfance avec ce frère joyeux, espiègle et loufoque. Ce frère avait pourtant tout pour être banalement heureux : il était mariée et père de famille, aimait son travail de publiciste au Canada. Mais, une mélancolie l'étreignait de plus en plus et un passif familial (deux oncles suicidaires) semblait expliquer cette bile noire en lui. La narratrice n'épargne aucun détail de la vie de son frère et les pages consacrées à ses séjours dans les hôpitaux psychiatriques montrent un homme en proie à une dépression sévère. Malgré la présence aimante de sa famille et de sa fratrie, rien ne peut empêcher l'inévitable. Le récit est rythmé par des scènes heureuses à Cadaquès, en Provence où la famille recomposée de la narratrice baigne dans un bonheur sans nuages. Une atmosphère à la Claude Sautet règne dans ce milieu très privilégié. Mais, la conduite suicidaire de son frère plane sur la narratrice comme une ombre malheureuse. Ce livre est un hommage émouvant sur Alexandre et sur l'expérience du deuil. A quarante six ans, cet homme souffrait d'une dépression, nommée dysthymie,  qui le vrillait littéralement dans un clair-obscur insupportable. Pour l'auteur, les mots sur cette mort absurde lui procurent une réelle réparation et donne un sens à sa vie. Son frère lui avait donné ce conseil avant de mourir : "Ecris ton livre". La question lancinante que pose Olivia de Lamberterie revient en leit-motiv : "Où vont les morts ?". Alexandre, cet homme sombre et lumineux repose dans les pages de sa sœur, Olivia. Pour toujours. Un beau et tendre récit sur une relation frère et sœur.