lundi 29 avril 2013

"Bleus horizons"

Jérôme Garcin s'est lancé dans les romans historiques de vies brisées. Après les portraits du révolutionnaire Hérault de Séchelles ("C'était tous les jours tempête") et du capitaine Beudant  ("L'écuyer mirobolant"), il nous livre la biographie romancée du poète Jean de La Ville de Mirmont relatée par un narrateur, Louis Gémon. Cette belle histoire d'amitié totale entre les deux hommes domine le récit. Jean reçoit avec enthousiasme sa feuille de route en septembre 14 pour rejoindre son régiment d'infanterie dans la zone des tranchées. Jérôme Garcin évoque avec une précision historique l'atmosphère étouffante, effrayante et horrible de cette époque. Le poète meurt debout foudroyé dans une tranchée et après cette mort sauvage et injuste, son ami et compagnon va poursuivre un objectif salutaire : que Jean survive à travers son œuvre littéraire, un recueil de poèmes et un roman. Cette quête de reconnaissance pour Jean se transforme en obsession dévorante pour Louis Gémon qui va, lui-même, oublier de vivre pour rester fidèle à son ami. Les survivants des tranchées ont tous vécu ce sentiment de culpabilité. Pourquoi ont-ils échappé à la mort ? Il faut se souvenir du million de morts de la Première Guerre Mondiale. Jérôme Garcin dresse aussi un tableau attachant de la vie littéraire de l'époque. Le narrateur rencontre Bernard Grasset, François Mauriac, Gabriel Fauré pour faire éditer Jean. Ce beau roman d'une écriture classique et limpide se lit avec beaucoup d'intérêt. La littérature joue ce rôle de révélateur de l'atrocité de certaines périodes de notre histoire nationale. Les deux destins relatés dans ce roman montrent le gâchis des vies broyées par la guerre. Je ne dévoile pas la fin du roman concernant Louis Gémon : une surprise attend le lecteur(trice)...