lundi 10 avril 2023

"La femme à part", Vivian Gornick

 Je ne connaissais pas cette écrivaine américaine, Vivian Gornick et je l'ai découverte grâce à Geneviève Brisac dans son essai magnifique sur la littérature féminine, "La Marche du cavalier". Un seul de ces ouvrages était disponible à la Médiathèque de Chambéry, "La femme à part", écrit en 2015 et publié chez Rivages en 2018. Née en 1935 et très peu connue en Europe, elle est considérée comme une activiste féministe dans les années 70. Le récit autobiographique, "La femme à part" évoque la ville de New York pour laquelle elle éprouve un amour fou. Cette flâneuse compulsionnelle parcourt les rues de la cité monstre avec une frénésie toute éblouissante : du Bronx à Manhattan en passant par toutes les rues de New York : "Les voix, voilà ce dont je ne peux me passer. Dans la plupart des villes du monde, on vit sur des siècles de chemins pavés, d'églises en ruine, de vestiges architecturaux enfouis et empilés les uns sur les autres. Lorsque vous grandissez à New York, votre vie est une archéologie faite non pas de structures, mais de voix, elles aussi empilées, et tout aussi irremplaçables". La foule, le bruit, les odeurs du métro, les discussions entre passants, les cris des solitaires, la violence, tout ce flot continu capte son attention émerveillée. Enfant du Bronx, Vivian Gornick se sent libre et légère, appréciant l'anonymat comme une conquête essentielle. Son esprit vif enregistre tous les mouvements autour d'elle et elle raconte des anecdotes surprenantes sur les scènes urbaines. Ce livre original ne ressemble ni à un roman, ni à un essai mais à un pêle-mêle d'observations percutantes, de souvenirs personnels, de réflexions courtes sur l'amour et sur l'amitié. Cette "femme à part" aime la déambulation frénétique d'une ville en folie permanente et puise sa propre énergie dans ce décor d'une verticalité vertigineuse. Mais elle arpente tant les rues de New York comme si elle avalait un remède contre son angoisse existentielle. Telle une photographe ou une cinéaste, son regard enregistre l'incongru, l'évanescent, le fugace dans cette valse de micro événements. Vivian Gornick n'oublie pas le monde des écrivains car elle intègre dans son texte de voyageuse urbaine de nombreuses références littéraires. L'amitié est aussi au centre du livre avec Léonard, son meilleur ami homosexuel. L'écrivaine américaine propose un bilan sincère et lucide sur sa vie, sur ses amitiés et sur ses amours avec un humour salutaire. Une écrivaine à  découvrir.