mercredi 13 janvier 2016

"Les Roses de la solitude"

La grande helléniste, Jacqueline de Romilly, a écrit des ouvrages savants sur la Grèce antique, étant une spécialiste de Thucydide, de la tragédie, de la démocratie grecque et de bien d'autres sujets. Sa passion pour cette culture essentielle aux yeux des Européens a beaucoup influencé des générations d'étudiants et d'amoureux de l'Antiquité. J'ai commencé à lire ces essais et j'avais délaissé les romans et les nouvelles qu'elle a écrits sur le tard. J'ai trouvé sur une étagère de la médiathèque, "Les roses de la solitude", ouvrage édité en 2006. J'ai retrouvé le charme suranné d'une dame très âgée, devenue malheureusement aveugle. Elle a affronté avec une abnégation stoïque et un courage extraordinaire, cet handicap terrible pour une intellectuelle qui lit toute la journée. Ce livre ressemble à une broderie constituée de souvenirs personnels et de rêveries. Elle évoque des objets de son appartement et leur redonne vie avec malice et ironie. Elle écrit : "J'ai souhaité réunir ici des expériences de tous les jours, de celles qui peu à peu forment une vie, sans fracas et sans drame. J'ai voulu aussi montrer des aspects de notre existence qui se révèlent à nous avec le grand âge, et qui apportent un message non pas de terreur, de contradiction et de désolation, mais de calme et d'espérance." Quand elle conte les "taches sur les meubles anciens", "les chevaux de l'Olympe", "le jour de Bérénice", les "tapisseries au petit point" et les "nouveaux rideaux", elle nous offre en pointillé, des éléments de sa vie privée qu'elle avait rarement dévoilés. Sa gentillesse, sa délicatesse et sa pudeur percent dans une écriture intimiste, éloignée de la prose professorale. Cet ouvrage montre une femme "ordinaire" dans le beau sens du terme, avec ses souvenirs familiaux, sa grande tendresse pour une mère exceptionnelle et aimante, ses amitiés et ses admirations. Jacqueline de Romilly avait dépassé un âge certain quand elle a écrit ce petit bijou littéraire et je remarque que la vieillesse, malgré tout, n'est pas toujours un naufrage.