vendredi 29 juillet 2011

"Tu verras"

Ce roman porte un titre court, précis et symbolique : un père raconte une histoire terriblement triste. Son fils Clément, âgé de douze ans, meurt dans un accident de métro à Paris. J'ai presque fermé ce roman après dix pages, mais j'ai continué malgré la noirceur de l'histoire. Ce père, désemparé et fou de chagrin, essaie de reconstruire son quotidien et règle ses comptes avec sa compagne, son ex-femme, ses amis, son milieu professionnel. Des souvenirs liés à son fils reviennent sans cesse dans sa mémoire. Des images, des paroles, des gestes reconstituent un portrait fragmenté de Clément, jeune ado typique de notre temps avec leur vie numérisée à souhait et leurs défis de garçons. Le père s'interroge sur ce geste accidentel dans le métro : s'agit-il d'un pari entre ados ? Le lecteur finit par s'attacher à ce père dévasté par la mort absurde de son fils à qui il prodigait beaucoup d'attention et d'amour malgré des conflits habituels entre adulte et adolescent. En lisant ce roman très bien écrit, plein de sensibilité et d'authenticité, je me disais que la vie est fragile, que tout peut basculer dans le pire des malheurs et que personne n'est à l'abri d'une rupture terrible dans sa propre vie. Pour soulager son chagrin insupportable, le père de Clément entreprend un voyage en Afrique pour rencontrer un "médecin de l'âme". La fin du roman ne dissipe pas les questions du lecteur : comment survivre face à un deuil de cette nature ? Le titre du livre, "Tu verras", marque le désespoir du père car son fils ne vivra pas son destin et ne verra pas tout ce que son père lui prédisait. Ce beau roman demande un effort de la part du lecteur mais il faut affronter ce thème si insupportable. La littérature n'est pas un loisir superficiel, elle est au coeur de la vie...

jeudi 28 juillet 2011

Bibliothérapie

Lire les quotidiens comme "Le Monde" pendant l'été relève d'un acte de militant de la lecture. On a plutôt envie de "décrocher" de l'actualité déprimante et les articles sur la crise financière, le chômage qui monte, les soldats tués en Afghanistan, la guerre en Lybie, les primaires à gauche, le tueur fou de Norvège, les assassinats de femmes... Le sempiternel et inusable Tour de France, le mauvais temps qui gâche les vacances malgré les reportages sur les plages surpeuplées... Je continue malgré tout à lire ce journal en été par fidélité... Ce dimanche 24 juillet, à la fin du journal, je suis tombée sur un article : "Des livres sur ordonnance" ou à la School of life, deux passionnées de littérature traitent leurs "patients" à coup de "bibliothérapie". La journaliste Virginie Malingre raconte une belle histoire autour des livres et de la littérature. En effet, Ella Berthoud et Susan Elderkin utilisent les livres comme des "médicaments" non toxiques, évidemment. "Comment faire parler les gens d'eux-mêmes, de leurs soucis, petits et grands, en explorant leurs goûts littéraires;" Cette méthode, la "bibliothérapie" est donc appliquée à certains patients qui trouvent ainsi des réponses à leurs problèmes en lisant des romans tout simplement.
Cela se passe à Londres dans une "école de la vie" dont le créateur, Alain de Botton, met à l'honneur écrivains et philosophes. J'aime cette idée de la littérature comme aide "thérapeutique", et ce terme de bibliothérapeute ressemble à ce métier que j'ai exercé en bibliothèque municipale quand j'écoutais les confidences des lecteurs et qui me demandaient souvent des conseils de lecture. J'essayais de répondre au mieux à leur demande car ils avaient l'espoir de rencontrer un roman ou un essai qui leur apporterait un bienfait certain... Vive donc la bibliothérapie, à chaque question que vous vous posez, vous trouverez une réponse dans un livre que vous finirez bien par rencontrer !

mardi 26 juillet 2011

Une autre époque

Alain Claude Sulzer a écrit un beau roman, "Une autre époque" aux éditions Jacqueline Chambon, paru en 2011. Alors que je le lisais, j'ai découvert un entretien de cet écrivain suisse allemand dans le Nouvel Observateur, daté du 21 juillet. Son roman raconte l'histoire d'un jeune adolescent de 17 ans dans les années 1980 qui découvre le suicide de son père qu'il n'a jamais connu. Sa mère, remariée, lui cache un secret "honteux" et ne veut pas aborder ce passé occulté. Les premières pages se focalisent sur une montre ancienne de son père, dans une photo ancienne. Le photographe est le parrain du jeune homme et vit à Paris. Le jeune homme décide de partir à Paris pour rencontrer le photographe. Le roman prend son rythme dans l'évocation de la vie de son père dans les années 5O, jeune professeur. Il se marie avec la mère du jeune homme. Ce destin conforme à la société se révèle un leurre total car le père tombe amoureux d'un collègue stagiaire et cet amour clandestin se terminera dans un double suicide. Le jeune homme découvre enfin la vérité sur ce père homosexuel et qui avait choisi une vie "normative", au détriment de son identité réelle. Ce mensonge social, ce camouflage pitoyable, cette parodie de la normalité sexuelle sont les thèmes du livre. Alain Claude Sulzer confie dans le Nouvel Observateur que son propre père avait traversé des crises et avait été enfermé dans un hôpital psychiatrique. Il a utilisé la souffrance de son père en ajoutant la dimension homosexuelle du personnage central du roman. L'écrivain veut décrire l'atmosphère d'intolérance de l'époque à l'égard des hommes et des femmes en marge de la société. Ce roman possède une force incontestable et s'inscrit dans une sorte d'hommage pour tous ceux qui se sentent "différents"...

lundi 25 juillet 2011

Maisons d'écrivains

J'ai remarqué une série d'émissions sur France 5, concernant les maisons d'écrivains. J'ai donc regardé la maison de campagne de Nathalie Sarraute. Sur une idée de Patrick Poivre d'Arvor, France 5 a déjà diffusé les maisons de Françoise Sagan, Céline, Proust, Sarraute et Loti. J'espère rattraper la visualisation de ces émissions car j'ai oublié de les enregister. La maison de campagne de Nathalie Sarraute est pleine de charme dans une simplicité rustique et dépouillée, loin d'un bling-bling architectural. L'oeuvre originale et subtile de Nathalie Sarraute s'est écrite dans son salon-bibliothèque qui ressemble à un nid douillet, à une petite caverne des temps anciens. On imagine sans mal Nathalie Sarraute assise à son bureau minuscule et la télévision nous a offert ces images émouvantes où l'on écoute avec admiration la conception des oeuvres de cette représentante du Nouveau Roman. Cette jolie maison acquise en 1949 restera l'antre et le refuge de Nathalie Sarraute jusqu'à sa mort en 1999... Cette visite guidée, illustrée de passages lus de ces livres m'a donné l'envie de redécouvrir les livres de Nathalie Sarraute, en particulier ses souvenirs d'enfance, "Enfance", parus en livre de poche et que l'on peut facilement glisser dans son sac de voyage. Je le considère comme un grand classique de la littérature contemporaine. Si vous voulez découvrir l'oeuvre de Nathalie Sarraute, commencez par "Enfance", un livre magnifique...

mercredi 20 juillet 2011

Ma Bibliothèque, portrait, livres originaux, 1

J'ai décidé d'établir un inventaire de mes livres préférés que je conserve précieusement dans ma bibliothèque. J'ouvre dans mon blog une rubrique hebdomadaire que je vais baptiser : Portrait de ma bibliothèque. Cette présentation de mes livres préférés tient du parcours de re-découverte de certains écrivains de prédilection, de collections, d'éditeurs originaux, de livres d'art, de livres de poche, de livres anciens, de livres rares, etc. Toutes ces catégories de livres habitent chez moi, dans mon salon où je me trouve actuellement. Il fait gris et nuageux dehors et j'écris sur mon bureau encastré dans un mur de livres, et sous mes yeux, l'immense poster encadré de Vieira da Silva, intitulé "Bibliothèque", qui figure comme illustration dans la page d'accueil de mon blog. Pour que je m'y retrouve moi-même dans ce descriptif, je vais tenter de trouver une méthode d'approche qui sera facile à reprendre. Il faut que je distingue les "catégories" de livres en grands thèmes et les décrire m'offrira l'opportunité de les feuilleter, de les toucher, d'enlever la couche de poussière inévitable, de les lire ou les relire. Je me plains du manque d'imagination des communicants audiovisuels mais j'aurais aimé que des écrivains nous reçoivent chez eux dans leur intimité intellectuelle et se mettent à nous présenter leurs livres préférés, ceux pour lesquels ils ont chaviré, craqué, adoré et provoqué cette envie d'écrire... Cette émission de télé ne sera peut-être pas un grand succès populaire mais imaginons des femmes et des hommes politiques (Que lisent Nicolas S., Martine A., François H., et les autres...) En fait, je préfère connaître les passions littéraires des amateurs de littérature... Je vais commencer aujourd'hui par un ouvrage original, composé de douze fascicules édité par la Bibliothèque Publique d'Information du Centre Georges Pompidou en 1995 : "Les Livres de leur vie" qui reprend "les livres de ma vie" d'Henry Miller. Ces petits livres regroupent donc "les livres de leur vie" de Jacques Lacarrière, José Cabanis, Yves Berger, Jacques Laurent, Paul Nizon, Pierre Michon, Michel Butor, Charles Juliet, Michel Déon, Florence Delay. L'animateur de ces rencontres, Bruno de Cessole écrit dans son introduction "Que lire et écrire ne font qu'une seule et même chose ; que la lecture soit un mode d'être au monde, un merveilleux instrument de liberté, de lutte contre les oppressions et les obscurantismes de tous bords ; que les livres ramènent à la vie au lieu de nous séparer du monde, tout comme les fleuves conduisent à la mer, voilà ce qui ressortit surtout de la longue suite de confidences égrenées tout au long des années que dura ce cycle" (1991-1994). J'ai donc commencé par cette série de mini-livres en noir et blanc, souvenirs de mes voyages à Paris quand je fréquentais la bibliothèque de Beaubourg...Cette rubrique à la Georges Perec sera un rendez-vous régulier dans ce blog dédié aux livres et à la littérature...

lundi 18 juillet 2011

Cet été-là

Ce roman de Véronique Olmi est très agréable à lire, surtout dans cette période estivale. Trois couples se retrouvent à Coutainville, en Normandie pendant le week-end du 14 juillet dans une maison de famille. Le lecteur s'attache très vite aux personnages : Denis, riche homme d'affaires désabusé et Delphine, sa femme infidèle, leurs enfants ados, Lola, journaliste reporter et son jeune amant Samuel, Marie, la comédienne sans contrat et son mari Nicolas. En fait, les trois couples traversent une crise. Du côté des femmes, Delphine s'éloigne de sa famille, Lola, femme libre et seule, en mal d'enfant, révèle un secret de jeunesse, Marie ne se résoud pas à jouer des rôles de grand-mère. Du côté des hommes, Denis est las de sa richesse et aspire à vivre une vie plus simple, Samuel veut se marier avec Lola, Nicolas commence à avoir des problèmes de santé. Les adolescents ont aussi leur propre vie sous les yeux des adultes. Ce groupe d'hommes et de femmes en crise va cohabiter, se rencontrer, se frotter les uns avec les autres et à la fin du week-end, après un feu d'artifice traditionnel, chacun va trouver sa propre vérité. Ce roman se lit vraiment avec plaisir et le lecteur retrouve une atmosphère très contemporaine sur la difficulté de vivre en couple, en famille et sur l'angoisse de vieillir à l'approche de la "cinquantaine"... Véronique Olmi signe un roman de qualité à lire "cet été-là".

vendredi 15 juillet 2011

Revue de presse

La revue Philosophie Magazine propose pour juillet et août un numéro sur un dossier passionnant : "La vie est-elle faite de hasards ?". D'autres sujets sont abordés : les limites de la sexualité, le Tour de France, l'écrivain Peter Handke, le philosophe H. D. Thoreau. Cette revue de philosophie se met à la portée de tous les lecteurs curieux et amateurs d'idées et d'analyses sociales. Je garde tous les numéros et je les feuillete en lisant des articles que je n'avais pas lus au moment de leur parution. Ils conservent un intérêt à long terme. Les lycéens devraient lire cette revue qui leur apporterait des ressources appréciables pour leur donner le goût des idées et l'amour de la philosophie. Quand j'ai passé mon bac philo en 1970 (41 ans, déjà...), j'aurais dévoré ce style de publication, qui présente la planète philo d'une manière attrayante et claire, sans le charabia obscur et incompréhensible de certains philosophes vaniteux qui ne veulent pas que ce domaine de la connaissance soit abordable par ceux qui pourraient se sentir loin de ce cadre de pensée. En ces temps de pluie, d'humidité et de nuages dans le ciel, il est bon de se glisser dans des pages lumineuses d'intelligence et de culture...

jeudi 14 juillet 2011

Une autre fille

Annie Ernaux nous confie un secret de famille dans ce petit livre de 77 pages aux Editions NIL, dans une nouvelle collection, "Les Affranchis". J'ai déjà parlé d'Annie Ernaux dans mon blog et je la considère comme une écrivaine à suivre dès qu'elle écrit un nouveau livre. On retrouve l'atmosphère de ses premières oeuvres dont "La place" où elle nous racontait son enfance et sa jeunesse dans une famille modeste, propriétaires d'une épicerie de village en Normandie. Annie Ernaux revient sur son enfance car elle découvre une vieille photo de famille qui montre un bébé. En fait, elle croit se reconnaître mais elle se rend compte qu'il s'agit de sa soeur aînée qu'elle n'a jamais connue. En fait, sa soeur est morte à six ans de la diphtérie. Les parents sont tellement effondrés qu'ils vont cacher ce deuil à leur fille jusqu'à leur mort. Ce mystère de la "petite morte" fait l'objet de cette lettre qu'elle écrit pour dissiper ce lourd malaise du silence familial. Sa place de seconde l'éclaire sur le malheur de ses parents qui semblaient préfèrer sa soeur trop tôt disparue. Annie Ernaux écrit au "scalpel", dissèque les liens familiaux sans concession et avec une lucidité distanciée. Si vous aimez cet univers si intimiste, vous apprécierez cette lettre qu'elle adresse à cette soeur inconnue. Annie Ernaux rend hommage à sa soeur et à ses parents, frappés par un si grand malheur que représente la perte d'un enfant. Je retiens ce passage : "A un moment, ils ont dû s'apercevoir - mais quand, à quels signes, je ne le saurai jamais- que j'étais au courant de ton existence. Il se faisait de plus en plus tard pour rompre le silence, le secret était trop vieux. C'était devenu trop compliqué pour eux de le lever. Il me semble que je vivais bien avec. Les enfants vivent mieux qu'on pense avec les secrets, avec ce qu'ils croient qu'il ne faut pas dire." Le secret d'un deuil reste un traumatisme à vie et grâce à l'écriture et à la littérature, ce dévoilement tardif fait renaître cette grande soeur, morte trop tôt, mais elle l'aura accompagnée en toute discrétion et émotion tout au long de sa propre vie.

mardi 12 juillet 2011

Démocratiser la poésie

Ce beau titre est en tête d'un article du "Monde", daté du samedi 9 juillet. Cet article, écrit par Edgar Morin, notre philosophe-sociologue, détient une force de conviction indubitable ! Edgar Morin nous raconte ses rencontres "culturelles" dès l'enfance. Il a baigné dans la chanson dès son plus jeune âge, la musique classique, l'opéra, le cinéma, le théâtre et enfin la littérature. Il cite Tolstoï, Dostoïevski. Il écrit : "D'où l'importance capitale de la culture esthétique qui nourrit ce qui est pour moi la poésie de la vie. (...) Vivre vraiment, c'est vivre poétiquement, c'est à dire dans l'épanouissement de soi, la communauté, l'amour, la participation à autrui et au monde". Plus loin, il complète sa conception de l'esthétique : "Le monde est merveilleux et horrible. L'esthétique nous aide à nous émerveiller et nous permet de regarder l'horreur." Ce texte nous confirme qu'il faut vivre "poétiquement" à tous moments de sa vie : devant un paysage, dans un livre, dans un film, dans un flot de musique (classique pour ma part), dans un tableau...
Edgar Morin nous confie sa conviction profonde, sa foi personnelle dans une dimension quasi spirituelle de l'existence. En cotoyant les oeuvres de l'esprit, notre vie prend des couleurs, des senteurs et des sensations que l'on peut ressentir encore plus fortement... Ces tribunes du journal "Le Monde" sont très souvent passionnantes sur le plan... culturel ! Pour Edgar Morin, vivre sans poésie, c'est mourir un peu plus tous les jours. Pour rester vivant, prenez une dose de poésie par jour. Cette méthode remplace à merveille les vitamines pharmaceutiques...

lundi 11 juillet 2011

Histoire d'une passion

Gisèle Halimi a écrit des récits autobiographiques sur sa vie de femme engagée dans des causes célèbres comme l'anticolonialisme, l'avortement, le féminisme. Elle nous confie dans ce livre, "Histoire d'une passion", la passion qu'elle éprouve pour sa petite fille, nommée Tahfouna. Leur passion est partagée, leur complicité s'affiche dans la famille, leur amour fusionnel dérange les parents de la petite fille. Gisèle Halimi décrit avec précision leurs rencontres pendant les fins de semaine, les vacances scolaires dans la maison de famille, les nombreux voyages. Cette relation quasi "amoureuse" dérange les parents de la petite fille et après dix ans de bonheur familial, un désaccord intervient entre son fils et elle. La rupture est vécue comme un déchirement incompréhensible. Gisèle Halimi a donné à son public une image de combattante féministe, d'avocate des causes difficiles, de femme forte et éperdue de liberté et d'indépendance. Dans ce récit autobiographique d'une intimité à la limite de l'impudeur, elle nous confie son trouble d'être écartée de sa petite fille sans connaître les reproches exacts de son fils. Les enfants grandissent loin d'elle et cette séparation la rend malheureuse. "Cette magie affective" illuminait sa vieillesse et sans cette passion, la vie lui semble insipide. Les retrouvailles ont lieu après trois ans de séparation. La passion s'est muée en amour apaisée et adulte... On s'imagine souvent que la vie des "célébrités" épouse une courbe parfaite, parsemée d'honneurs, de bonheurs, de réussites. Ce témoignage si vibrant de Gisèle Halimi la rend encore plus proche des lecteurs en partageant ce combat pour retrouver ses petits-enfants, le choc de la "mésentente familiale" et le trouble de sa passion incomprise par ses proches. Décidément, Gisèle Halimi nous étonnera toujours et j'avoue mon admiration pour cette femme rebelle, amoureuse et vivifiante !

vendredi 8 juillet 2011

G229, une vie de prof

Ce roman, écrit par Jean-Philippe Blondel, publié aux éditions Buchet et Chastel, ressemble à un journal de bord d'un "prof" d'anglais, ce prof d'anglais, lui-même ressemble étrangement à Jean-Philippe Blondel. J'ai rencontré ce jeune écrivain dans la bibliothèque où je travaillais dans le cadre du Festival du Premier roman de Chambéry. Déjà à cette époque, au milieu des années 2000, il creusait son sillon avec détermination en entonnant un refrain, teinté de nostalgie et d'empathie pour les autres. Sa visite fut fort courtoise, simple et chaleureuse. Un charme particulier se dégageait dans son premier roman, "Accès direct à la plage". Une "carrière d'écrivain" s'amorçait sous nos yeux et je me félicite qu'il ait ainsi poursuivi son bonhomme de chemin littéraire... Son dernier roman m'a permis de le rencontrer à nouveau et, grâce à son roman, j'ai partagé sa vie de prof de banlieue, modeste et obstinée, motivée et difficile... Ce livre est un témoignage authentique sur la vie au lycée, les transformations de la jeunesse, de l'éducation, des manières d'enseigner. Je me disais en le lisant que les lycéens avaient bien de la chance de tomber sur ce prof aussi "sympa" et compréhensif. Il ne cache pas non plus l'ennui qui le guette dans la classe, le désarroi du temps qui passe, les interrogations sur sa pédagogie et ses doutes sur les mots d'ordre impérieux de la hiérarchie scolaire. Il décrit avec humour un voyage pédagogique à Londres et passe souvent de la tendresse pour ses élèves à l'exaspération. Il nous offre surtout un portrait vivant, coloré, dynamique de cette vie de professeur, écrasante de fatigue et bouleversante de patience. Un roman-journal intime, un récit-fiction, un très bon livre pour se replonger dans sa vie de lycéen, de prof, ou de parent d'élève...

jeudi 7 juillet 2011

Lignes de fuite, lignes de vie

Jean Birnbaum, chroniqueur du Monde2, avec sa "Pop'philosophie" nous informe que ce billet, daté du 2 juillet, sera le dernier dans cette revue. Je regrette déjà cette chronique intelligente, cultivée, à la portée de tous les lecteurs. Heureusement, ce départ n'en est pas un car il nous informe que l'on retrouvera sa chronique dans le Monde des livres de la rentrée avec une nouvelle maquette. En guise d'au-revoir, le philosophe-journaliste cite Gilles Deleuze : "On écrit toujours pour donner la vie, pour libérer la vie là où elle est emprisonnée". Il faut pour vivre encore plus intensèment "ouvrir des lignes de fuite, multiplier les lignes de vie". Un rendez-vous est donné le 19 août pour retrouver nos habitudes de lecture dans une presse de qualité... En attendant la rentrée, profitons de l'été pour dévorer des romans, découvrir des essais et moins lire la presse hebdomadaire qui se met elle aussi au vert... Je pense au tableau de Vieira da Silva, "L'Issue lumineuse", qu'elle a peint dans les années 83-86, qui représente une bibliothèque avec des livres debout, couchés, dans des tons de gris, rouge, blanc. Au milieu du tableau figure une fenêtre ouverte sur l'horizon, lumineuse, transparente, blanche et grise. Cette issue lumineuse, je l'imagine s'ouvrant sur la vie, la quintessence de la vie, une vie encore plus intense grâce à la culture, la pensée et la philosophie. Avec ses lignes de vie, lignes de fuite, l'oeuvre picturale de ma chère Vieira da Silva illustre parfaitement cet article de Jean Birnaum.

mardi 5 juillet 2011

"La grande maison"

Attention, ce roman-labyrinthe de Nicole Krauss ne se laisse pas lire sans une attention extrême ! Florence Noiville, journaliste au Monde des Livres, a composé une critique exemplaire pour prévenir le lecteur et lui suggérer de "prendre patience" en pénétrant dans ce très beau livre atypique et d'une profondeur abyssale... Nicole Krauss est née en 1974 et a publié en 2006, "L'Histoire de l'amour". Pour ne pas se fourvoyer, il faut considérer ce roman comme quatre nouvelles assez longues avec des personnages qui sont liés par la présence d'un bureau mystérieux ayant appartenu à Federico Garcia Lorca. Le lecteur suit donc ces quatre destins. La vie de Nadia à New York, écrivain sans succès, quittée par son mari vient de rencontrer un poète chilien qui disparaîtra plus tard au temps de Pinochet. A Londres, Arthur comprend après des décennies de vie commune avec sa femme Lotte, écrivain elle aussi en exil, qu'elle a gardé un secret inavouable. A Oxford, Isabel fait la connaissance d'une fratrie étrange dont le père consacre sa vie à récupérer les biens spoliés par les nazis. Un quatrième personnage, nommé Aaron de Jérusalem, envoie une lettre à son fils. Ces histoires se succèdent et finissent par créer une broderie littéraire dont la trame serait ce bureau monumental, fil conducteur et objet de vie secrète et maléfique qui symbolise la mémoire humaine. Nicole Krauss demande aux lecteurs une attention et une motivation soutenues mais ces efforts sont récompensés par la découverte d'une force romanesque impressionnante et d'une foi dans la rédemption des êtres malmenés par l'Histoire. Je pense que ce très beau roman exigeant et labyrinthique fera partie de la liste des meilleurs livres de l'an 2011...

lundi 4 juillet 2011

Ethnofiction

Cette forme littéraire, "ethnofiction", se décline sous le titre : "Journal d'un SDF", écrit par Marc Augé, ethnologue et écrivain, grand spécialiste de l'observation en milieu urbain, de la modernité, des non-lieux, du métro, etc. Il a composé de nombreux essais qui ont le mérite d'étre écrits dans un français classique et non dans un jargon sociologique illisible. Son dernier livre que j'ai lu avec intérêt est un "conte moderne", fictif et réaliste sur la vie d'un homme qui, à la retraite, est obligé de quitter son appartement en location et se retrouve dans la rue, faute de moyens financiers. Marc Augé se met littéralement dans la peau de cet homme des classes moyennes (il a été inspecteur des impôts) et, qui, avec ses deux mille euros de retraite, ne peut plus assurer une vie décente. Il donne une partie de sa pension à son ex-femme. La dérive commence en quittant son logement et en dormant dans sa vieille Mercedès. Il sauvegarde sa dignité d'homme en voulant rester "propre" et il loue de temps en temps une chambre d'hôtel pour l'hygiène. Il passe son temps à déambuler dans Paris et nous fait part de ses rencontres dans des bars où il reste encore des hommes et des femmes prêts à s'entraider. Il décrit la vie des quartiers avec ses rites, ses clivages de classe, ses strates sociales. Cette tentative littéraire d'ethnofiction me semble intéressante dans la mesure où le lecteur peut appréhender une réalité sociale cruelle pour certains. Ce "journal d'un SDF" pose le problème de la pauvreté et de la grande précarité, de l'angoisse de la crise sociale et du déclassement. Cet opus bref et concis, d'une écriture sobre et efficace devrait être lu par tous les "assoiffés" de richesse et de privilèges, ces "trop riches" dans une société inégalitaire qui abandonne trop de nos concitoyens au bord de la route...

vendredi 1 juillet 2011

Revue de presse de juillet

En ce début de mois de juillet, les revues de littérature adoptent une périodicité estivale avec des numéros "juillet-août".
Pour la revue Lire, le lecteur curieux retrouve les rubriques habituelles sur les nouveautés, un dossier sur Colette, et quinze extraits de romans qui paraîtront cet automne pour combler l'attente de septembre. Je profite de l'été pour lire les romans et récits en attente sur les étagères consacrées à cet effet...
Le Magazine littéraire propose un numéro double sur un thème paradoxal de la solitude, alors que les vacanciers vont se retrouver souvent en "troupeau" processionnel sur les plages, les montagnes, la campagne, les villes touristiques plombées par les files d'attente pour les musées et curiosités diverses !
Je conseille aussi un numéro spécial concocté par l'hebdo Marianne et le Magazine littéraire sur les meilleures lectures de l'été. On y trouve aussi une enquête sur la littérature et la politique.
Ces trois revues de l'été offrent ainsi aux lecteurs des idées pour "plonger" dans ce bain vivifiant, essentiel et intelligent que représente la planète littérature !