mercredi 21 juin 2023

"La fièvre Masaccio", Sophie Chaveau

 Sophie Chauveau s'est spécialisée dans la Renaissance italienne. Après Léonard de Vinci, Botticelli et Lipi, elle propose une biographie romanesque de Masaccio, beaucoup moins célèbre que ces trois génies de la peinture italienne. Le jeune homme arrive à Florence en 1418. A cette époque, le monde de l'art et de la peinture s'organisait autour d'ateliers où étaient formés des jeunes artistes. Il est adopté aussitôt par le sculpteur Donatello et l'architecte Brunelleschi, deux artistes de la Renaissance. Sophie Chauveau expliquait son choix ainsi : "Avec le recul du temps, j'ai voulu rendre à Masaccio tout ce que l'histoire de la beauté lui doit. Sans lui, sans son passage sur la terre toscane si fertile en génies à cet instant, ni Michel-Ange, ni le Vinci n'auraient été ce qu'ils furent. Non plus Boticelli, Raphael, le Titien et tant d'autres qui l'ont salué et ont reconnu leur dette". Ce peintre mort si tôt à l'âge de 27 ans a réalisé 27 œuvres. Coïncidence troublante. L'écrivaine plante le décor d'une Florence en proie au renouveau après le cataclysme de la peste. Une sorte de fièvre joyeuse s'empare de la population et les peintres accompagnent cette euphorie traduite dans l'art. Le jeune Masaccio, solitaire et introverti, n'a qu'une obsession : peindre, peindre et peindre ! Rien ne l'intéresse : ni l'amour, ni la famille. Il se jette à corps perdu dans ses fresques dont celles de Saint Pierre de la Chapelle Branciatti dans l'église Santa Maria del Carmine. Adam et Eve, chassés du Paradis, symbolisent le malheur de l'humanité dans une dramaturgie inouïe.  Cet artiste donne de la chair aux personnages de ses fresques et annonce un retour à l'humain, le propre de la Renaissance. Parmi ses œuvres, on peut citer une Crucifixion, analysée par Paul Veyne dans son ouvrage sur la peinture italienne (un livre de référence quand on aime l'art italien !). Masaccio (son nom signifie "l'empoté" en italien) est surdoué sans avoir reçu une formation particulière mais il possède ce don des couleurs, des formes et de la perspective. Premier artiste à signer ses tableaux, Masaccio présente des personnages dans leur simplicité et n'hésite pas à leur donner des traits de ses amis. Sophie Chaveau s'empare du personnage Masaccio avec empathie et avec admiration. Ce peintre qui vit l'art comme une ascèse ne connaît ni la richesse, ni le carriérisme. Après dix ans de labeur, il meurt à Rome et sa mort reste nimbée de mystère. Ce roman historique divertissant et instructif se lit avec plaisir et il intéressera tous ceux et toutes celles qui ont la passion de l'Italie, de la Renaissance et de l'art.