jeudi 3 novembre 2011

Atelier d'écriture, la cuisine de ma mère

J'avais écrit il y a trois ans un texte sur ma mère que j'ai composé dans le cadre de l'atelier d'écriture animé par Mylène au sein de la bibliothèque universitaire. Je l'ai complétement transformé. En ce mois de novembre, nos chers disparus nous manquent et le chagrin de les avoir perdus nous taraude le coeur. Mardi, j'ai déposé un texte sur mon père. Aujourd'hui, c'est un hommage que je veux rendre à ma mère, partie il y a un an à peine.
"France dans sa cuisine
Prenez une femme française, née en 1918, qui se nomme France, baptisée de ce prénom si beau par un parrain militaire, ami de son propre père, lui aussi militaire de carrière. France a passé sa vie dans la cuisine, dans sa cuisine, sa pièce principale, où, dès huit heures du matin, elle étalait ses légumes, pommes de terre, carottes, poireaux, navets, céléri pour confectionner une soupe, qui tenait trois jours et qui dégageait une odeur unique au monde. Je crois qu'elle avait ses secrets de sorcière en ajoutant une louche de graisse de canard... Ma mère possédait une collection impressionnante de livres de cuisine : de la cuisine basque pimentée à la cuisine landaise grassouillette, de la cuisine italienne tomateuse à la cuisine espagnole tapageuse, de la cuisine française classique nourrissante à la contemporaine plus légère, elle feuilletait ses trésors culinaires et tentait des nouvelles recettes dans les grandes occasions. Le rituel de la soupe était suivi par la composition des repas "solides" pour les travailleurs qu'elle nourrissait : rôtis de toutes sortes, poulets de la ferme, soles meunières, lapin à la moutarde, pigeons lardés, sauté de veau, boeuf mironton, paella, saucisses confites, magrets landais et bien d'autres plats accompagnés de légumes, frites, pâtes, riz. Je me souviens particulièrement de sa recette qui nous faisait fondre de plaisir : le foie gras de canard aux pommes. France se levait tôt comme un curé de campagne. Elle aimait le frais, le vrai, le naturel, la viande du boucher, le jambon du charcutier, les produits du pays comme les cèpes. Son credo, c'était la qualité et la fraîcheur. Ma mère était notre Rebuchon à nous, notre Bocuse, notre reine des papilles. Aller au restaurant avec elle était un pari risqué. Nous étions toujours un peu déçus par la prestation du cuisinier et ma mère se sentait flattée si l'on faisait la moue devant ces plats fades et sans originalité des restaurateurs jamais à la hauteur. A la fin de sa vie, elle avait perdu un peu la mémoire des gestes culinaires mais ma soeur qui s'est occupée d'elle avec un dévouement exemplaire, a soulagé sa souffrance en devenant son "assistante" pour préparer les repas quotidiens. Elle a vécu jusqu'à la fin cette passion pour la cuisine et la confection de milliers de repas pour sa famille et a ainsi montré tout l'amour solide qu'elle nous donnait, une France nourricière comme une légende d'antan... Je rends hommage à ma mère qui m'a évidemment rendue trop gourmande, mais c'est une qualité incomparable, car bien se nourrir aujourd'hui devient un acte réellement révolutionnaire avec toute la malbouffe qu'on nous propose !