vendredi 3 juin 2016

"Tout dort paisiblement, sauf l'amour"

Je trouve remarquable qu'un écrivain s'empare d'une histoire qui semblerait à priori austère et difficile, celle du philosophe, Soren Kierkegaard et de sa fiancée, Régine Olsen. Claude Pujade-Renaud nous offre régulièrement de forts beaux romans historiques et son écriture élégante et ciselée accompagne à merveille les vies de ses personnages. Il s'agit dans son dernier opus du grand philosophe danois raconté par sa fiancée, Régine, qui vit aux Antilles danoises avec son mari, gouverneur de l'île. En 1855, la jeune femme apprend la mort de son ex-fiancé, quinze après la rupture de ses fiançailles.  Régine relate sa vie heureuse dans ce pays tropical entre un mari dévoué et ses nombreuses relations sociales. Mais, la nouvelle de cette mort la replonge dans un passé douloureux. Elle aimait ce drôle d'homme, brillant et profond, qui a refusé l'amour et le mariage pour se consacrer uniquement au monde de la philosophie. Avant de commencer le roman, je conseille la lecture d'un article de Wikipédia qui explique l'œuvre du philosophe. Né à Copenhague en 1813, il est issu d'une famille bourgeoise et il a reçu une éducation chrétienne fervente et proche des piétistes. Sa vie rimera avec le deuil car il perd sa mère, ses trois sœurs, deux frères et son père en dix ans. Il sombre dans la dépression et ses ouvrages évoquent l'angoisse existentielle, le désespoir, la mélancolie. Dans l'ouvrage "Miettes philosophiques", il affirme que "le devoir de l'individu est d'obéir à sa propre vocation". Le roman de Claude Pujade-Renaud n'aborde pas les concepts philosophiques de Kiekegaard d'une façon didactique. Elle les effleure avec subtilité et le lecteur curieux est invité à rechercher plus d'informations. Cette fiancée quittée a toujours été aimée par le philosophe car, à sa mort, elle héritera des droits de son œuvre. Pendant toute sa longue vie, cette femme au fond, reste fidèle à cet homme singulier et dont la renommée s'affirmera au fil des ans. Régine Olsen dresse un portrait touchant de ce philosophe tourmenté et malheureux pour qui la nature et les oiseaux apaisaient ces humeurs noires. Ce beau roman évoque aussi la ville de Copenhague, l'amour de la musique (Régine joue du piano), les secrets de la famille Kierkegaard, le bonheur conjugal, la fidélité, la mémoire constamment revivifiée. Un livre rare, plein de charme et il faut souligner que Claude Pujade-Renaud a quand même eu l'audace romanesque et intellectuelle de faire connaître aux lecteurs un grand "monsieur" de la philosophie occidentale et de sa "fiancée". Pari réussi...