jeudi 31 janvier 2013

Club de lecture, suite

Dans la deuxième partie de notre séance de lecture, nous avons abordé les ouvrages tirés au sort. Sylvie a donc lu le "Dictionnaire amoureux des menus plaisir" d'Alain Schiffres dans la belle collection des "Dictionnaires amoureux" chez Plon. Elle a parcouru le livre en le feuilletant avec plaisir et a lu les articles qui l'intéressaient comme l'os à moelle, par exemple... Evelyne a beaucoup apprécié "Les années" d'Annie Ernaux, récit autobiographique, livre-bilan sur la vie d'une femme dans années 70 à nos jours. Geneviève a évoqué le récit de Philip Roth, "Un homme", une œuvre sur le naufrage de la vieillesse avec toutes les pertes que l'âge nous impose. "Un grand livre" nous a dit Geneviève... Jeanine avait tiré au sort "La retraite sentimentale" de Colette et a retrouvé le style inimitable de notre gloire nationale, folle de nature et de chats. Danièle a lu la très bonne biographie de Nicolas de Staël de Laurent Greisalmer, et elle a ainsi découvert à travers ce peintre génial, la poésie de René Char. Mylène a évoqué  "Sylvie" de Gérard de Nerval, nouvelle tirée du recueil "Les Filles du Feu". Ce beau classique n'a pas pris une ride... Dans ce tirage au sort, j'essaie de mélanger les genres : romans contemporains, romans classiques, policiers, documentaires et ce méli-mélo littéraire permet la surprise et la découverte. La nouvelle rencontre autour des livres est prévue le mardi 12 février à l'AQCV. Parler, échanger, découvrir, s'informer, se cultiver, voilà notre programme prioritaire...

mardi 29 janvier 2013

Club de lecture, première partie

Ce mardi 29 janvier, nous nous sommes retrouvées à la Médiathèque au milieu des livres et des revues. La première partie de la séance était consacrée aux coups de coeur. J'ai noté quelques titres. Sylvie nous a parlé du roman "Karoo" de Steve Tesich, écrivain américain, disparu en 1996. Paru chez l'éditeur Monsieur Toussaint Louverture, il est sorti en 1998. En fait, elle l'a lu jusqu'au bout sans nous dire vraiment si c'était un grand coup de coeur... Ce livre unique en son genre évoque un personnage masculin compliqué, névrosé, qui arrange des scénarios pour le public. Pris dans une spirale infernale, il va sombrer mais Sylvie ne nous a pas dévoilé les raisons de cette chute. Syvie-Anne nous a recommandé "Les chutes" de Joyce Carol Oates, roman fascinant, troublant, du meilleur Oates, un livre que l'on ne peut pas lâcher dès les premières pages. Lyne nous a parlé d'Olivier Adam avec son dernier roman "Les Lisières" et d'un roman de Mankell, "Les chaussures italiennes". Geneviève a beaucoup aimé un livre farfelu, joyeux, déjanté : "Le vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire" de Jonas Jonasson ou l'histoire d'un centenaire qui s'enfuit de sa maison de retraite pour vivre des aventures cocasses. Jeanine nous a lu des extraits du "Journal" de Jules Renard, en nous offrant un parfum, fin 19ème siècle. Danièle avait beaucoup apprécié "Accabadora" de Michela Murgia, écrivaine italienne, très remarquée par la presse littéraire et par le public, plutôt féminin. Elle a découvert son dernier roman, "La guerre des saints", qui se déroule en Sardaigne dans les années 80. Mylène a pris la parole pour évoquer le dernier coup de coeur de cette première partie de la séance, le roman de Jeanne Benameur, "Les insurrections singulières", paru chez Actes Sud. Ce beau livre optimiste tranche sur la morosité ambiante. Le personnage principal vit une crise existentielle majeure qu'il finira par surmonter. Voilà quelques idées de lecture pour vos soirées d'hiver...

lundi 28 janvier 2013

"Le sens du calme"

Après avoir lu François Meyronnis qui évoquait son amitié pour Yannick Haenel, j'ai acheté dans la très bonne collection "Traits et portraits" aux éditions du "Mercure de France",  l'ouvrage "Le sens du calme" de Yannick Haenel, paru en 2011. L'écrivain a choisi en exergue la phrase de Franz Kafka : "Le buisson d'épines est le vieil obstacle sur ton chemin. Si tu veux avancer, il doit prendre feu." Il s'agit bien de "mettre le feu" dans son "moi profond" pour éliminer tout ce qui l'empêche d'avancer dans sa vocation essentielle : écrire, écrire et écrire sans cesse comme un feu qui le brûle en permanence. Ce texte autobiographique relate les expériences de "création", de sensation, d'intuition concernant l'acte d'écriture. Il faut donc lire cet ouvrage avec une attention soutenue, concentrée et ouverte. Yannick Haenel raconte des événements dans sa vie d'enfant qui seront les fondations de sa vocation  "littéraire" : la découverte d'une croix dans une poubelle, le film "Nuit et brouillard" qui le marquera à tout jamais, le conte de Barbe bleu, ses années dans un internat militaire, ses voyages en Italie, son séjour à la villa Médicis à Rome, sa passion pour le "Saint Julien, l'hospitalier" de Flaubert, etc. Toutes ces anecdotes lui révèlent le sens du sacré dans la vie, ce sacré qu'il formule dans son texte. J'ai retenu tout au long de ce récit des phrases magnifiques sur la littérature : "A l'instant où l'on écrit, on est à la fois le premier et le dernier, c'est à dire tous les écrivains qui existent , et tous ceux qui ont existé." Plus loin, il donne une définition de la lecture : "Chaque phrase transporte avec elle une mémoire vivante, qui déborde celui qui la formule ; ce débordement fonde sans cesse la littérature". Je pourrais en citer encore tellement ce texte "déborde" d'idées, de pensées, de sens. Une déclaration d'amour à la vie en littérature...

jeudi 24 janvier 2013

Rubrique cinéma

J'ai vu le film de Philippe Le Guay, réalisateur des "Femmes du 6ème étage", que j'avais bien apprécié l'année dernière. Fabrice Lucchini et Lambert Wilson dans "Alceste à Bicyclette" se partagent les rôles d'un comédien misanthrope et d'un comédien socialement complaisant. Le personnage de Lambert Wilson essaie de convaincre son ami solitaire et revenu de tout, de revenir sur les planches en interprétant Alceste et Philinte à tour de rôle. Il y  a aussi le décor naturel de l'Ile de Ré avec ses petites maisons qui valent des fortunes, ses pistes cyclables, ses marais, ses ports, ses plages et son climat océanique quelque peu pluvieux... Philippe Le Guay rend hommage au théâtre surtout, en utilisant la pièce de Molière "Alceste", véritable enjeu du film et de la relation amicale de ces deux acteurs. L'un est féru de culture classique et respecte les alexandrins de Molière jusqu'à leur déclamation, rythmée sur douze pieds. L'autre se veut plus moderne, adapte le classique à la modernité, adore la célébrité et le public. L'un veut se retirer du "jeu social" et dire la vérité même blessante. L'autre compose, s'adapte, accepte un rôle de chirurgien dans un téléfilm et apprécie que tout le monde le reconnaisse. Ce duo se transforme en duel au fil du film. Pourtant, ils se retrouvent autour du texte de Molière et répètent sans cesse la scène 1 de l'acte I sans lasser le spectateur. Une voisine italienne, en instance de divorce, va s'intégrer dans ce huis clos théâtral en apportant une touche "romanesque" et le personnage de Lucchini commence à s'attacher à elle. Philinte-Lambert Wilson va-t-il réussir son pari ? Alceste-Lucchini est-il prêt à rebondir ? Allez voir ce film pour trois raisons :  écouter du Molière, suivre le jeu parfait des comédiens et se balader dans l'Ile de Ré sans la cohorte des touristes...

mardi 22 janvier 2013

Atelier d'écriture

Ce mardi après-midi, Marie-Christine a choisi de nous faire écrire sur le thème de "la première fois". Elle nous a lu un extrait du livre de Nathalie Sarraute, "Enfance" quand l'écrivaine doit intégrer pour la première fois un grand lycée parisien. Il fallait établir une liste de 10 "première fois" dans le cours de notre existence. Chacune a lu sa liste parfois cocasse, parfois sérieuse de ces premières fois... Ensuite, on devait en choisir une et la développer. Je propose ce texte :
"Ma première fois de retraitée, mon premier mois de retraite,
J'ai tenu jusqu'à 59 ans et 6 mois ! Tenir, c'est à dire se lever tous les matins dès l'âge de 3 ans, de l'école au lycée, de l'université à mes divers postes de travail. Seules, les vacances donnent ce goût du repos, de l'oisiveté et de la paresse. Mais un jour, tout s'arrête : le regard fixé sur la montre et le calendrier, le rythme des jours et des années dans un bureau, enfermée et concentrée sur des tâches indispensables au bon fonctionnement d'un service. Ce jour de septembre où je n'ai pas pris ma voiture pour me rendre au "travail", j'ai ressenti une vraie libération : adieu mes collègues, mes plannings, mes formations, mes collections, mes horaires, mon bureau, mes réunions de plus en plus ennuyeuses... J'étais livrée à moi-même, enfin la société m'avait libérée et m'a offert du temps pour vivre. Des regrets ? Aucun... Pas de nostalgie des travaux bien que j'ai vraiment adoré mon métier de bibliothécaire. J'étais quelque peu soulagée de ne plus subir le stress des uns et des autres, la complexité des tâches, l'absence d'empathie, la froideur des relations professionnelle. Enfin, la paix, la liberté, le calme... et une disponibilité pour la lecture, la musique, les voyages et un quotidien qui prend son "temps". La seule consolation face au "vieillir", c'est ce temps retrouvé, enfin pour vivre à son rythme et selon son bon vouloir. Vive donc la retraite, une conquête méritée, une seconde vie que j'espère aussi longue que la première !"

lundi 21 janvier 2013

"Supplément à la vie de Barbara Loden"

Ce récit a reçu en 2012, le prix du Livre Inter, ce qui représente une réconnaissance certaine car le jury est composé de lecteurs(trices) extrêmement motivé(e)s. Son auteur, Nathalie Léger, a écrit deux autres récits : "Les vies silencieuses de Samuel Beckett" et "L'exposition", édités chez P.O.L. Ce récit évoque la comédienne et réalisatrice américaine Barbara Loden,  à la personnalité complexe qui fascine dans le sens "sidéral" du terme, Nathalie Léger. Il est aussi question du film "Wanda", film culte des années 60. La construction du récit semble mouvante et floue, effet "tremblé" du texte. Le style renforce cette recherche éperdue de l'auteur qui veut capter au plus profond, l'âme de Wanda, personnage fictif du film, et celle de Barbara Loden, la réalisatrice. Nathalie Léger insère au fil de cette quête sa propre vie et celle de sa mère. Ce récit est une tentative littéraire pour révéler les secrets du comportement singulier d'un certain type de femme, fuyant la réalité, l'ordre patriarcal, les contraintes de la vie familiale. Le sujet du livre reprend la thématique majeure du film et de la vie de Barbara Loden : comment vivre sa vie en étant une femme, surtout dans ces années 60 ? Wanda, Barbara, et bien d'autres femmes choisissent la dérive, la grande échappée. Je cite un passage du livre : "Barbara Loden, à travers Wanda, ne montre qu'une seule chose : une femme qui fait la femme à fond, non pas offerte, ni suave, ni fatale, ni ironique, puissante ou dangereuse, mais absente à elle-même, fuyante, ou cherchant à esquiver la contrainte, indifférente au mal, s'échappant, ou dissimulée, dissimulant sa peine et son refus, simulant pour s'échapper. Une femme à fond, une actrice." Cette phrase résume le sujet et donne un aperçu du style musical "durassien" de Nathalie Léger. Après la lecture, j'ai envie de visionner le film (il existe en format DVD) et j'accompagnerai l'écrivaine dans sa fascination absolue de Wanda et de Barbara, l'une fictive et l'autre réelle, qui finissent par former une seule entité féminine. Un livre d'une subtilité rare...

vendredi 18 janvier 2013

"Le Dormeur éveillé"

Je lisais ce "Dormeur éveillé" de J.-B. Pontalis quand j'ai appris sa mort sur Internet, me laissant incrédule. Cette coïncidence se vit rarement et même si on peut supposer que la vie peut s'interrompre à cet âge-là,  89 ans. La littérature ressemble à une planète d'Immortels et Pontalis nous accompagnait avec ses livres si singuliers. Je vous livre quelques repères biographiques, tirés de Wikipédia. Après des études de philosophie, il collabore à la revue Les Temps modernes, devient un ami de Sartre. Il devient professeur à Alexandrie (1948-1949), Nice (1949-1951) et Orléans (1951-1952). Il fait son entrée au CNRS et entreprend une analyse avec Lacan. En 1967, il écrit avec Laplanche un ouvrage très important, "Vocabulaire de la psychanalyse". Il devient éditeur et collaborateur dans le monde de la psychanalyse. Dans les années 80, il entre au comité de lecture des éditions Gallimard.  Son œuvre littéraire est très influencée par sa culture psychanalytique. En 1989, il crée la collection "L'un et l'autre" chez Gallimard. On peut trouver la liste de tous ses ouvrages dans le même article. (Un grand merci à cette encyclopédie gratuite et indispensable pour s'informer).
Quand j'ai terminé la lecture de cet essai, paru dans la très belle collection "Traits et portraits" en 2004, j'ai ressenti une grande admiration pour Jean-Bertrand Pontalis. Les chapitres courts et denses de cet ouvrage sont vraiment d'une finesse, d'une intelligence, d'une délicatesse, révélatrices de cette "imbrication" entre la littérature et la psychanalyse. Quand il parle d'une toile d'un peintre à Sienne, d'une visite à Venise, d'une amitié, d'une maison de famille, d'une rêverie, d'un songe, d'un écrivain, il nous offre des fragments de littérature qui se dégustent lentement en procurant un plaisir délicieux.
Je le cite : "Songes, rêves et rêveries dont naissent littérature, art et musique, si nous vous aimons à ce point, serait-ce parce que vous nous offrez une vie seconde et nous donnez pour un temps l'illusion de nous délivrer de la mort ?". Je pense que cette phrase résume la philosophie de J.-B. Pontalis, un très grand écrivain, trop méconnu du grand public...

jeudi 17 janvier 2013

"Exercices de survie"

Jorge Semprun a laissé un récit posthume, "Exercices de survie", paru chez Gallimard en  2012. J'ai tout lu de cet écrivain passionnant,  espagnol de naissance, français de cœur et allemand de culture. Ses expériences politiques, relatées dans ses écrits, prouvent son extrême courage et font de lui, un homme exceptionnel. Il s'engage à 20 ans dans la Résistance Il est arrêté et enfermé au camp de Buchenwald. Il est libéré en 45, travaille au Lutétia, l'hôtel qui a accueilli les Déportés. Puis, ce sera l'époque de la clandestinité en Espagne sous Franco au sein du Parti communiste. J'ai suivi dès lors ses engagements du côté de la Gauche, son œuvre littéraire, ses scénarios filmographiques et ses passages toujours intelligents dans les médias. Cet homme représente la culture européenne dans son excellence et ses luttes pour la liberté. Son dernier livre revient sur la période de la Résistance et de son enfermement à Buchenwald. Il évoque la torture en citant des compagnons qu'il a croisés pendant la Guerre à Paris et qui n'ont pas trahi malgré les sévices infligés au corps du torturé. La description de sa libération en 45 par deux Américains dans leur jeep découvrant cette horde dépenaillée des prisonniers est un des passages les plus marquants du récit. Jorge Semprun possède la science de la survie face à la torture potentielle, face à la cruauté des nazis SS dans le camp et même au-delà dans sa vie future. Dans une très belle introduction, Régis Debray salue en camarade le destin de Semprun le qualifiant ainsi : "L'homme portait les cicatrices d'un XXe siècle d'épouvante. Il en a épousé les ensorcellements et les désillusions, à bras le corps. Pareille densité de destin, peu de nos aînés auraient pu y prétendre." En 2012, quelques titres de son œuvre "Le Fer rouge de la mémoire" ont été réunis dans la collection "Quarto" de Gallimard. On peut donc lire avec admiration : "Le grand voyage", "L'évanouissement", "Quel beau dimanche", "L'écriture ou la vie", "Le mort qu'il faut". Peut-être que Jorge Semprun se retrouvera un jour prochain aux côtés de Milan Kundera dans la Pléiade... pour rentrer dans le Panthéon de la littérature et de la mémoire !

mardi 15 janvier 2013

"Tout autre, une confession"

J'avais lu une bonne critique de ce livre dans le "Monde des Livres" et j'avais donc envie de découvrir qui était François Meyronnis. Ce récit littéraire paraît dans la collection "L'Infini" chez Gallimard et si l'on éprouve une grande curiosité pour la littérature française, cet ouvrage est vraiment original et riche d'enseignement sur l'absolu littéraire. François Meyronnis est un ami de Philippe Sollers et de Yannick Haenel. Ils se retrouvent autour de la revue ambiteuse "Ligne de risque", touchant quelques milliers ou (centaines) de lecteurs(trices). Si j'ai bien compris le message initial du récit, il veut "dépoussiérer" la langue, inventer une conception "spirituelle" de la littérature, "désépuiser" le langage, les idées, renouveler le discours. Ce récit autobiographique ressemble à une prise de paroles rebelles, voire révolutionnaires. L'écrivain se vit en ermite social, refuse les conventions, les conformismes, les situations communes. Il se revendique avant tout comme un "anarchiste" de la littérature. Le lecteur(trice) va croiser des références littéraires, des pères spirituels comme Lautréamont et Rimbaud. Il évoque aussi la personnalité de  Bernard Lamarche-Vedal, écrivain incompris. Son credo réside dans le refus de toute société organisée et sa solitude ascétique, sa vérité d'homme voué exclusivement à l'écriture finissent par toucher le lecteur(trice) quelque peu songeur devant cet engagement total pour la littérature. J'ai surtout apprécié dans ce récit une langue française, travaillée comme un diamant, sans aucun maniérisme. Le style de François Meyronnis se rencontre rarement de nos jours... A découvrir, pour comprendre une des tendances littéraires d'aujourd'hui et pour la beauté du langage.

lundi 14 janvier 2013

"Le vieux roi en son exil"

Voici un récit bouleversant sur la maladie d'Alzheimer que tout lecteur(trice) peut lire sans appréhension. Arno Geiger, écrivain autrichien, écrit un portrait de son père, atteint de cette maladie du siècle. Le très beau titre "Le vieux roi en son exil" traduit l'aspect le plus implacable de la maladie : un exil sans retour, la mort de son identité, de son soi, de sa personnalité. La littérature nous réserve des découvertes essentielles pour mieux comprendre la réalité, si pénible soit-elle, et surtout nous préparer à vivre des expériences difficiles et souvent insoutenables. Qui n'a pas peur pour soi-même ou pour nos proches de la maladie d'Alzheimer ? Arno Geiger raconte la vie de son père, jeune soldat perdu dans la guerre, son unique expérience loin de sa maison. Il ne voudra plus s'éloigner de son village et deviendra un modeste employé de mairie. Médiocre mari, père distant, Arno Geiger ne magnifie pas l'existence terne de ce chef de famille, mais la démence qu'il subit lui fournit un statut de "héros" souffrant et combattif contre la perte totale de sa mémoire. La famille présente et les nombreuses infirmières ou aides ménagères très dévouées lui permettent de rester chez lui jusqu'au moment fatidique de son entrée dans une maison de retraite médicalisée. Loin d'être sombre et tragique, le récit comporte des moments loufoques sur le langage créatif du père. J'ai rarement lu un livre aussi lucide et vrai sur un lien de famille pourtant ténu et fragilisé par la maladie. Ce récit est donc un hommage pour un père absent par la pensée et présent physiquement. Ce livre délivre un message d'espoir : toute vie humaine même en "lambeaux" détient sa propre dignité et mérite une attention profonde. Un récit qui donne toutes ses lettres de noblesse à une littérature de témoignage pour sauvegarder des traces de vie, la vie de ce "vieux roi en son exil"...

vendredi 11 janvier 2013

Atelier d'écriture, suite

Le deuxième exercice que Mylène nous avait préparé devait se baser sur une anaphore. Elle a lu quelques extraits d'un ouvrage de Joe Brainard "I remember" dans la collection Babel d'Actes Sud. Georges Perec s'était inspiré de cet écrivain américain dans le célèbrissime "Je me souviens". Voilà mon texte écrit à partir de ma passion des livres :
"Je me souviens de ma maladie à l'âge de douze ans quand je suis restée à la maison. Ma mère, si attentive et si généreuse, m'achetait des livres que j'ai dévorés et ce repos obligé m'a ouvert l'univers magique de la littérature.
Je me souviens de mes études de lettres à Pau et de la bibliothèque de quartier qui me servait de refuge.
Je me souviens de ma vie de libraire au Pays basque à l'époque bénie de l'utopie politique, des luttes féministes, des belles rencontres avec les amoureux des livres.
Je me souviens de "mes" bibliothèques municipales, des milliers de lecteurs rencontrés, des milliers de livres empruntés, des milliers de sourires échangés.
Je me souviens de tous les enfants qui se jettaient sur les tapis pour lire BD et albums.
Je me souviens des lectrices qui me livraient leurs confidences comme à un curé de campagne.
Je me souviens de mon enthousiasme à piloter ces bibliothèques, vaisseaux de culture, paquebots de livres.
Je me souviens du Général de Gaulle qui rêvait d'un poste de bibliothécaire.
Je  me souviens de la chance que j'ai eue de travailler dans ces espaces dédiés à la lecture."
Dans ce genre d'exercice, il vaut mieux choisir des souvenirs d'enfance, un thème, un lieu ou une période donnée comme je l'ai fait avec ma relation essentielle à la lecture.
Ce premier atelier s'est donc terminé par la lecture de nombreux textes de très grande qualité...

jeudi 10 janvier 2013

Atelier d'écriture

Pour ce premier atelier de l'année, ce mardi 8 janvier, nous étions motivées pour reprendre cette belle et bonne activité, un exercice "spirituel" comme le prônaient les philosophes de l'Antiquité, toute modestie mise à part... Mylène a proposé deux exercices courts car nous avons amicalement partagé la galette pour fêter la nouvelle année 2013.
Mylène nous a lu un poème de Guillevic extrait du recueil "Présent" que je cite :
"En ce jour de l'an,
je sens le temps
tailler ses crayons

Pour quel usage ?"

La consigne devait comporter la même phrase et constituer un portait chinois de la nouvelle année.
Voilà mon texte :
Si 2013 était un paysage,
ce serait une plage océanique avec des vagues immenses et blanches.
Si 2013 était un voyage,
ce serait des promenades dans des ruines romaines ou grecques pour sentir le temps passer.
Si 2013 était une composition musicale,
ce serait écouter à l'infini toutes les cantates de Bach.
Si 2013 était une nouvelle invention,
ce serait un vaccin contre la bêtise et l'ignorance.
Si 2013 était une œuvre d'art,
ce serait une visite au Musée de Dijon pour voir les toiles de Vieira da Silva.
Si 2013 était un lieu chargé d'histoire,
ce serait Rome, le Colisée, les places, les fontaines, les musées.
Si 2013 était un voeu
ce serait une année meilleure...

Demain, la suite de l'atelier.

mardi 8 janvier 2013

"Les revenants"

Je vous conseille la lecture de ce roman de Laura Kasischke, publié en 2012. Toute l'œuvre de cette écrivaine américaine ne laisse pas indifférent. Je l'ai découverte dès la première parution de "Un oiseau blanc dans le blizzard" dans les années 90. Et depuis, dès qu'une traduction est annoncée,  je n'hésite pas une seconde pour découvrir son nouvel opus. Cette nouvelle histoire nous entraîne sur un campus américain, non le plus prestigieux, mais un univers universitaire modeste par sa taille. Les personnages que nous allons suivre pendant ces 587 pages, vivent tous dans cet espace si particulier, un microcosme typiquement américain. Du côté étudiants, on repère vite Perry, le jeune homme sérieux, travailleur, issu d'un milieu modeste et Graig, son colocataire, enfant de riches, amoureux fou d'une étudiante de rêve, une Marilyn Monroe réincarnée. Graig et Nicole ont un accident de voiture et là, commence l'intrigue de ce livre machiavélique : Nicole, pourtant morte, fait des apparitions et se montre à Graig et à Perry. Ce fantôme hante les consciences des garçons. Une femme professeur, spécialiste de la mort, veut aider Perry pour comprendre ses hallucinations : Nicole a-t-elle vraiment disparu ? Shelly, une femme universitaire a été témoin de l'accident et veut démêler les mystères de cette disparition. Il est question de rites liés à la tradition des "sororités", ces groupes de filles qui se rassemblent dans le secret et se jurent fidélité et solidarité. Ce roman ressemble à un thriller psychologique très riche sur le comportement des étudiants et finement sociologique sur la vie d'un campus universitaire. Et, il ne faut pas oublier l'écriture, même traduite, de  Laura Kasischke, un diamant dur et pur de la littérature américaine. Un très bon roman en ce début d'année.

lundi 7 janvier 2013

"Bon petit soldat"

Après avoir découvert le journal intime de Mazarine Pingeot, "Bouche cousue", publié en 2005,  j'ai lu sa suite, sortie l'année dernière, "Bon petit soldat". Ces deux livres se répondent, se complètent et forment un portrait attachant de cette petite fille cachée de la Cinquième République. J'avoue que j'avais des préjugés contre Mazarine Pingeot que je croyais privilégiée et sur-protégée par le système politique. En fait,  j'ai vécu les heures de gloire de l'ère Mitterrand, en 1981 et j'ai ressenti une grande nostalgie de cette époque qui semblait plus simple qu'aujourd'hui. Il faut dire que c'était les années de mes trente ans et je dois à Jack Lang mon premier poste de bibliothécaire, subventionné par l'Etat pendant deux ans dans une commune proche de Grenoble. Je suis donc reconnaissante à la "Mitterrandie" d'avoir impulsé des créations de bibliothèques partout en France, créations suivies de postes de professionnels de la lecture. J'ai donc envie de me souvenir de ces moments d'histoire culturelle dans cette France d'il y a trente ans... Pour revenir au livre "Bon petit soldat", Mazarine Pingeot nous raconte sa vie de mère avec ses trois enfants, ses souvenirs de son père souvent absent de sa vie, du poids de la renommée quand la presse a révélé le secret de sa naissance. Elle a attiré aussi la haine des imbéciles, ne supportant pas son "illégitimité". Elle rend un hommage touchant à sa mère entièrement dévouée à François Mitterrand. Ce livre est vraiment un document "intimo-historique" si j'ose la création du terme. Les deux journaux sont, évidemment, très bien écrits (elle est agrégée de philosophie, tout de même) et j'ai envie maintenant de découvrir ses romans. Une bouffée de nostalgie, un  zeste d'histoire actuelle avec le retour de la gauche social-démocrate, une vie de mère et de femme intellectuelle, une histoire d'aujourd'hui...

vendredi 4 janvier 2013

Rubrique cinéma

J'ai toujours aimé l'œuvre de Joyce Carol Oates, même si, de temps en temps, je la trouve un trop fascinée par la violence qui serait, selon elle,  à la base de toutes les relations humaines. J'avais lu son roman "Confessions d'un gang de filles", et je suis vite aller voir le film de Laurent Cantet, "Foxfire", tiré de ce roman explosif sur une bande de filles aux Etats Unis en 1955. "Foxfire" dure deux heures et demi et pas une minute, on ne ressent la longueur du film. Une bande de copines de lycée décident de créer une société "secrète" pour se venger des humiliations qu'elles subissent en permanence avec les garçons de leur âge. A leur tête, Legs, adolescente révoltée, leader incontesté et adoré par toutes les filles, commandite les vengeances, les dégradations dans leur ville ennuyeuse, les équipées nocturnes. La vie du gang féminin ressemble à une utopie de "sororité" avec les rites d'honneur, à la vie, à la mort. Ces filles sont des exclues, des victimes de la société patriarcale. Dans les années 50, il faut bien dire que le machisme et la misogynie provoquaient des dégâts aussi bien physiques que psychologiques. Legs, la figure charismatique du gang, va être incarcérée après un vol de voiture. Quand Legs quitte sa maison de correction, elle décide de s'installer dans une maison avec ses "copines" et de vivre en autarcie. Mais l'argent va vite manquer et elles vont alors se lancer dans des opérations risquées : dépouiller les hommes en les attirant dans des pièges sexuels. Leur vie audacieuse, rebelle et violente ne peut pas se dérouler "normalement". Elles vont commettre une erreur fatale mais je ne dirai pas laquelle... Il faut aller voir ce film fort, dérangeant qui montre un visage tourmenté de l'adolescence américaine, celle des filles que l'on évoque rarement, les garçons ayant été très souvent filmés au cinéma. Un très bon film à voir en ce début d'année.

jeudi 3 janvier 2013

"Un héros"

Règlement de compte en famille : voilà le résumé du "roman" de Félicité Herzog, une autobiographie romancée terrifiante par son contenu sans aucune concession. L'amour familial, la solidarité, l'empathie ne font pas partie du vocabulaire de Félicité Herzog. Ce livre bouscule le lecteur(trice), ne le ménage pas, le met souvent mal à l'aise mais c'est le rôle de la littérature, des mots, du langage, de favoriser cette libération de la parole, de la pensée, du ressenti. Notre écrivaine possède un talent hors du commun pour nous camper dans un paysage français du siècle passé des personnages détestables : son père en tout premier plan. Pour sa fille issue d'un premier mariage, son père est un menteur, imposteur, séducteur addict au sexe. Elle évoque donc l'alpiniste, héros des années 50, à l'assaut de l'Annapurna, Maurice Herzog, décédé en décembre. L'homme mène deux vies :  l'une officielle, en tant que Ministre du Général de Gaulle, l'autre privé, en père absent, indifférent, non aimant, un homme complexe et secret. Pourtant, le héros du livre n'est pas le père, personnage ampoulé et orgueilleux, abordé dans la première partie du livre. Félicité Herzog rend surtout un hommage d'amour fraternel pour son frère Laurent, fragile, perdu, pris dans la toile glauque des troubles de la personnalité. Il finira par de plus supporter son état et se suicidera. Ce livre, malgré le destin fracassé de Laurent, ressemble à une longue confession douloureuse suivie d'une phase d' apaisement dû à l'écriture de ce  récit  minéral, froid, désert. J'ai rarement lu un témoignage aussi dense, aussi dur sur une famille française issue d'un milieu ultra-privilégié de la grande, très grande aristocratie française...

mercredi 2 janvier 2013

Bonne année...

Je ne vais pas me soustraire à la tradition : je présente à tous ceux et toutes celles qui me suivent dans ce blog, une belle, bonne, meilleure année 2013... Dans une ambiance teintée de morosité, d'incertitude, d'angoisse même sur l'avenir surtout pour nos enfants, il faut "tenir" la ligne, s'efforcer de maintenir un équilibre vital entre peines diverses et joies éphémères, soucis quotidiens et moments sereins. Seule la lecture me procure un bien être qui ne m'a jamais "quitté" et que je cultive avec la passion de la découverte. Je sais que je vais certainement lire de bons livres, même des livres importants. Je sais que je vais voir des bons films, et même des films essentiels. Je sais que je vais écouter des CD magiques dans le domaine de la musique baroque. Je sais que je vais me distraire, me délasser et me reposer avec des très bonnes ou de moins bonnes séries. L'année 2013 m'apportera toutes ces découvertes culturelles et que je m'empresserai de relater dans ce blog. En 2012, j'ai écrit 172 billets, mes petits textes courts, un peu moins qu'en 2011, mais quand même, je n'ai pas "démérité"et je vais donc perséverer et rendre compte de ma passion des livres, de la littérature et du cinéma. Je vous souhaite donc une très bonne année de lectures et de découvertes "culturelles"...