lundi 8 août 2016

Rubrique cinéma

J'ai repris le chemin de l'Astrée, ma salle de cinéma quasiment privée hier après-midi, car nous étions quatre courageuses spectatrices pour le film, "Genius"... J'ai hésité de voir "Genius" car la critique n'était pas dithyrambique. Mais, comme le sujet m'intéressait, j'ai passé outre les avis mitigés et je n'ai pas regretté mon après-midi à l'ombre du grand écran. Michael Grandage, le réalisateur, a choisi de nous raconter la relation intense entre un éditeur et un écrivain dans un New York des années 20. L'auteur exceptionnel se nomme Thomas Wolfe, moins connu qu' Hemingway et Scott Fitzgerald, publiés par l'éditeur newyorkais. Cet homme, voué exclusivement à la lecture de manuscrits qu'il corrige sans cesse, reçoit dans son bureau, un jeune homme un peu agité qui lui remet une pile impressionnante de feuilles manuscrites. Il raconte le rejet injuste de son manuscrit chez les éditeurs de la ville. Dès que l'éditeur se retrouve seul, il se saisit du manuscrit et il se rend vite à l'évidence : ce jeune homme est un écrivain de génie. Le film se concentre sur cette relation de couple exclusif : l'artisan de l'écrit et l'artisan du "lire". L'un n'existe pas sans l'autre. Thomas Wolfe épuise son éditeur car ses manuscrits représentent des milliers de pages qu'il faut sans cesse éliminer pour leur lisibilité. L'écrivain partage sa vie avec une maitresse plus âgée que lui et elle l'encourage à écrire. Mais, elle comprend qu'elle perd son amant qui vit en symbiose avec son mentor. La différence entre ces deux hommes pourrait les séparer. L'éditeur, amoureux de sa femme et père de famille aimant, est un homme calme, équilibré, discret. Thomas Wolfe vit sur un volcan de sensations, de sentiments, d'impressions qu'il veut retranscrire dans son œuvre. L'éditeur canalise la folie créatrice de son "écrivant" novateur et singulier. Il sera édité, trouvera son public malgré la difficulté d'accès à cette œuvre. Il est mort d'une hémorragie cérébrale à 38 ans. Le réalisateur montre des aspects de la littérature que l'on voyait peu au cinéma. Sans éditeur, un écrivain meurt dans la plus complète solitude. Le regard critique, le geste correcteur de textes, l'appui financier restent des éléments essentiels dans la littérature novatrice et d'avant-garde. Ce beau film singulier et original ne peut plaire qu'à ceux et celles qui s'intéressent de très près à la littérature américaine, au monde de l'édition et à la création artistique.