mercredi 30 septembre 2015

Retour de Grèce, 1

Je suis revenue de mon périple odysséen et je garde en moi la lumière jaune d'Athènes, la chaleur estivale malgré quelques épisodes orageux, souvent rafraîchissants et bienfaisants. J'ai réussi à concilier la culture et la nature : j'ai visité une vingtaine de musées et de sites archéologiques que j'évoquerai dans le blog et je me suis baignée plusieurs fois dans la mer Egée à 28° près d'Athènes et dans l'île aux pistaches, Egine. Mais avant de décrire mes rencontres esthétiques et mes admirations historiques envers la Grèce Antique, j'ai envie de parler de la ville d'Athènes et de ses habitants. J'avais loué un studio dans un quartier près de l'Acropole, ce qui m'a permis de rayonner dans le centre formé par la colline de Filopappou, l'Agora grecque, l'Agora romaine et les grandes avenues. Tout d'abord, cette ville "ciment" s'étale à perte de vue et supporte près de 4 millions d'habitants sur 11 millions de Grecs vivant dans le pays. A part le centre historique, les quartiers se ressemblent avec des immeubles de quatre à six étages, tous munis de terrasses et de stores pour lutter contre le soleil dévorant de l'été. Certains habitations s'herborisent avec bonheur et donnent des touches de vert salutaires. La ville ne possède pas d'unité urbanistique comme à Amsterdam et Venise. De grandes avenues sont envahies de voitures et de taxis de couleur jaune qui défilent à une allure inconcevable en France et quand le feu rouge se met au vert, je courrais presque pour traverser la rue. Les automobilistes et les scooters mènent la vie dure aux piétons et je n'ai remarqué aucun cycliste. La révolution verte ne semble pas conquérir le cœur des Athéniens... Mais, l'écologie est peut-être une démarche appartenant à des sociétés très riches ? Et puis, les marques de la crise se manifestent sur les murs avec des millions de tags, que l'on nomme "art street", l'art des rues, si on veut parler de gestes artistiques. Evidemment, je préfère des murs sans ces graphismes douteux mais nos jeunes artistes d'aujourd'hui, souvent anonymes, veulent exprimer leurs colères, leurs révoltes, leurs rancœurs. Je pensais à Socrate quand je me baladais dans ces avenues bruyantes, collectionnant les commerces fermés et je me disais, quelles paroles prononceraient-ils pour décrire sa cité devenue tentaculaire, vibrante de bruit et de vie, de restaurants ouverts sur la rue, avec sa noria de taxis, de lignes de métro, de bus, de tramway ? J'aurais aimé connaître son avis...

samedi 19 septembre 2015

Voyage en Grèce

Samedi 19 septembre, départ pour Athènes. A moi, l'Acropole, l'Agora romaine, les musées, les temples, les théâtres, les églises byzantines, les places, les Grecs dans les rues, la chaleur, le soleil, le bord de la mer Egée, le Pirée, le Cap Sounion, Egine, les élections législatives, les tavernes, la circulation intense, et tout le reste que je vais découvrir en dix jours. Avant de voyager, j'ai effectué un vrai pèlerinage dans les livres. En dehors des guides (le Routard et le guide Bleu Hachette) que j'emporte avec moi, j'ai emprunté à la bibliothèque des ouvrages sur l'art grec pour mémoriser les grandes périodes artistiques. Comme j'ai un intérêt particulier pour les vases grecs, je me prépare à admirer dans les musées les pièces les plus précieuses. : un régal des yeux et un vertige intellectuel en pensant à ces artisans souvent esclaves qui modelaient la terre cuite et dessinaient des figures géométriques ou humaines pour raconter la vie fabuleuse des héros mythologiques de la Grèce antique. Dans toute la documentation que j'ai amassée sur cette civilisation que me tient tant à cœur, je retiendrai le "Dictionnaire amoureux de la Grèce" de Jacques Lacarrière, publié en 2001 chez Plon dans cette délicieuse collection des dictionnaires. Non seulement l'auteur nous rappelle les noms des sites à visiter, des dieux et des déesses terribles et magnifiques, des personnages mythologiques, mais il nous présente surtout des écrivains grecs contemporains qu'il a traduits lui-même. Tout un monde mythique est raconté dans un style "non-universitaire" sans qu'il soit besoin d'être un spécialiste de la Grèce. Il m'a fait découvrir un poète, prix Nobel de littérature en 1963, Georges Seféris (1873-1971). Dans un de ses poèmes appelé "Epiphanie 1937, il dit : "J'ai maintenu ma vie, en chuchotant dans l'infini silence." Pour essayer de percer l'âme d'un pays, il vaut mieux s'adresser à ses poètes, à ses écrivains, qui nous racontent à leur façon l'identité profonde de la "grécité". Rendez-vous à la fin du mois, après mon périple dans l'Attique à la rencontre des dieux et des hommes dans un pays en ébullition politique, et comme j'aime l'Antiquité , je vais me sentir bien à Athènes qui est, selon les archéologues, la plus vieille cité du monde...

vendredi 18 septembre 2015

"Otages intimes"

Le dernier roman de Jeanne Benameur, "Otages intimes", ne décevra pas ses lecteurs(trices) qui aiment son œuvre, en particulier le très beau "Profanes" aux éditions Actes Sud. Il existe une musique "bénameurienne", si j'ose m'exprimer ainsi. J'ai retrouvé son style sensuel, une intrigue dramatique, un trio amoureux, des personnages toujours empathiques, un environnement mondial en crise. L'histoire se passe aujourd'hui et pour Etienne, photographe de guerre, la vie n'est pas d'une simplicité limpide ! Il a été pris en otage dans un pays "à feu et à sang". Les premiers chapitres racontent sa survie lors de sa détention, sa libération inattendue et son retour dans son village natal. Il se "reconstruit" en douceur, dans la maison de sa mère. Il retrouve son meilleur ami d'enfance, Enzo, devenu ébéniste et Jofranka, une amie commune quand ils étaient enfants. Ce trio d'enfance se reconstitue au retour d'Etienne. La jeune femme, avocate, travaille à La Haye, au tribunal international. Enzo et Jofranka se sont mariés, puis séparés. Etienne avait une compagne qui a préféré rompre avant sa détention, fatiguée de ses voyages dangereux. Chaque personnage se débat dans une crise : Etienne et son retour à la vie normale, Enzo et son amour perdu pour Jofranka qui, elle même, revient pour régler son passé, la mère d'Etienne et son ex-mari, disparu en mer. Tout ce petit monde se frôle, s'observe, s'aime, se déchire, s'apaise. Etienne se sent l'otage d'un monde en guerre, Enzo se sent l'otage du village, Jofranka se sent l'otage des femmes victimes. La question que pose Jeanne Benameur s'impose : de qui ou de quoi sommes-nous l'otage ? Et peut-on se libérer de ces entraves ? L'écrivain nous susurre à l'oreille, malgré la dureté des temps, que, oui, la vie peut aussi nous réserver d'heureuses surprises inattendues... Un beau roman, teinté d'espoir.

jeudi 17 septembre 2015

Cours de philosophie, 1

Le mercredi 16 septembre, nous étions une bonne cinquantaine de participants au cours de philosophie de Daniel à l'AQCV de Chambéry. Cette année, notre professeur, toujours aussi motivé pour le partage des connaissances nous a présenté le programme de l'année : l'Homme. Dans un support de cours qu'il nous a diffusé, il a mis à l'honneur Diogène. Ce philosophe grec cherchait l'homme, le genre humain, dans les rues, avec sa lanterne. Tous les philosophes, de l'Antiquité à nos jours, se posent cette éternelle question : "Qu'est-ce que ça signifie être humain ?". Nous avons entendu des réponses dans la salle pour définir l'homme : un primate singulier, un animal politique, un être pensant, une conscience, un homme parlant, sensible, etc. Cette première séance a posé les bases de ce cours de philo pour un public à majorité féminin, hétéroclite, curieux, attentif. Des notions reviennent souvent dans le vocabulaire de Daniel : l'essence et l'existence, l'immanence et la transcendance, la physique et la métaphysique, le corps et l'esprit, la nature et la culture, le divin et l'humain. Et des noms de philosophes flottent dans l'air : Aristote, Platon, Descartes, Sartre, Freud, Marx comme des amis que l'on retrouve avec plaisir une fois par semaine. Les partis pris de Daniel sont énoncés clairement : il porte un regard métaphysique, psychanalytique, sociologique sur la condition humaine. En conclusion, il nous a souhaité une bonne année "philosophique" et nous a lu un texte d'André Malraux, écrit en 1956 sur la place de plus en plus encombrante et inquiétante du fait religieux  (l'islamisme) au XXIe siècle. J'avais toujours eu envie de participer à l'université populaire de Michel Onfray à Caen. A Chambéry, nous avons la chance de connaître un professeur de philosophie qui nous offre, à titre gratuit, sa culture pour comprendre dans une logique pédagogique, le monde de la philosophie. J'essaierai, de temps en temps, dans ce blog de rendre compte des cours sur l'Homme, immense sujet de réflexion... 

mercredi 16 septembre 2015

"Les Irremplaçables"

Je suis allée dans ma librairie préférée (Garin à Chambéry) pour acquérir l'ouvrage de la philosophe-psychanalyste, Cynthia Fleury. Il n'est pas toujours aisé de lire un essai assez complexe sur la notion "d'irremplaçables" mais, il faut quand même oser l'aventure et s'agripper au texte comme un alpiniste sur sa paroi vertigineuse. Je me suis donc lancée et même si je ne n'ai pas tout compris, quelques pépites lumineuses ont éclairé ma lecture studieuse. Plusieurs articles de presse évoquent la sortie de cet essai et les lire aide beaucoup pour appréhender les idées maîtresses de la philosophe par ailleurs très impliquée dans la société. Née en 1974 à Paris, cette jeune philosophe est professeur à l'American University of Paris, membre du Conseil consultatif national d'Ethique, a écrit des essais déjà diffusés en format poche comme "La Fin du courage". Habituée des médias, elle est très appréciée pour son langage clair et tranché. Un entretien, paru récemment dans Télérama, m'a donné envie de lire son œuvre. Elle dit : "Un être irremplaçable est en effet quelqu'un qui s'engage dans un processus d'individuation, autrement dit dans la construction de son propre destin. (...) L'enjeu, c'était d'entrer dans cette dynamique d'engagement et de créer une responsabilité pour chacun de nous : comment ce destin individuel alimente-t-il un destin plus collectif ? Voilà la question essentielle." Pour la philosophe, la démocratie, l'Etat de droit ne sont solides que s'ils reposent sur des individus formés, éduqués, libres. Elle évoque la marchandisation, la "remplaçabilité", le flux incessant de la consommation, la croissance folle, la dégradation de l'environnement, etc. Cet essai offre des pistes de réflexion sur la définition de l'individuation : l'imagination pour comprendre le réel, la douleur pour atteindre la vérité et l'humour pour la distanciation. Cynthia Fleury prône l'éducation comme "entreprise publique majeure". Dans ce temps éducatif, "On bascule dans un autre espace-temps qui est un espace symbolique. Il s'est joué là un déclic, le début de quelque chose; l'attention, l'autonomisation, l'émancipation, la conscience critique." Dans cet entretien, elle fait l'éloge de la... discipline, "un savoir-faire, un geste technique, une manière d'être qui nous rend plus libres". J'ai tenté un très brève et très superficielle explication d'un sujet traité en 212 pages... Il vaut mieux découvrir cette femme philosophe vraiment passionnante dans cet essai optimiste sur l'avènement d'un "moi" social et non d'un "moi" égoïste. Lire Cynthia Fleury, c'est se sentir plus "intelligent" une fois le livre fermé...

mardi 15 septembre 2015

"Il faut tenter de vivre"

Dans les nouveautés de la rentrée, j'ai découvert Eric Faye et son roman "Il faut tenter de vivre" aux éditions Stock. Le narrateur, écrivain lui-même, raconte la vie chaotique de Sandrine Broussard, la sœur d'un ami. Il mène une enquête sur ce personnage romanesque et pose sans cesse des questions sur ce destin atypique et évanescent. La fascination de l'écrivain pour cette héroïne en creux ressemble à une recherche éperdue de la vérité sur une personnalité ambiguë.  Qui est Sandrine Broussard ? Que suis-je vraiment ? Quels sont les masques portés dans nos vies ? La jeune femme a choisi le chemin périlleux de l'arnaque à petite échelle. Avec un compagnon de fortune, elle organise des plans foireux : des petites annonces pour piéger des hommes esseulés, des fausses locations de maison en bord de mer, des abus de confiance. La justice la rattrape et la conduit en prison. Une fois sortie, elle se refugie dans une boîte à filles faciles et sa tenancière lui ordonne de dépouiller ses clients. Elle rencontre un habitué âgé qui va enfin la sortir de sa galère en l'installant dans un appartement. L'écrivain veut saisir l'énigme que représente cette femme perdue et instable. Il  établit un parallèle entre son existence rangée d'homme dit "normal" et celle de son personnage atypique. Je cite quelques "sentences" : "Je me dis que la vie n'est pas une affaire de clarté, mais plutôt de ténèbres", "D'erreur en erreur, nous errons", "Je m'apercevais qu'elle avait concrétisé un de mes plus vieux rêves : percer le secret de l'apesanteur, flotter dans un temps différent de celui de la société". Eric Faye dresse un portrait d'une femme dont la marginalité l'attire et l'obsède. Chaque lecteur(trice) peut se faire une opinion différente de cette femme qui refuse l'ennui d'une vie réglée et sécurisante. Ce personnage peut symboliser une liberté extrême mais au détriment des autres qu'elle arnaque. Sandrine Boussard est-elle une héroïne à la Bonnie and Clyde ou une femme facile, volage, peu fiable, sans volonté de changer sa vie marginale ? Eric Faye essaie de donner une dimension héroïque à Sandrine si courageuse de vivre une existence en "apesanteur"... Si Eric Faye a choisi ce titre, "Il fait tenter de vivre" comme le dit Paul Valery dans son poème, il semble peut-être nous dire que chaque existence ne peut qu'être une ébauche, un essai, une tentative  une voie sans issue, comme celle de cette Sandrine, si banale au fond... 

lundi 14 septembre 2015

Rubrique cinéma

J'ai vu un beau film, "La Belle Saison" au Forum dans une salle rénovée et avec des horaires nouveaux (14h30 et 16h45). Catherine Corsini a choisi deux belles actrices, Cécile de France et Izia Higelin, pour incarner deux jeunes femmes attachantes, fortes et rebelles. L'histoire se passe à Paris en 1971 à une époque influencée par les événements de 68 où la contestation étudiante avait laissé des marques. Quelques femmes commencent à s'organiser pour leurs droits. Ces luttes anarchiques et joyeuses vont donner naissance aux divers mouvements féministes dont le MLF dans les années 70 et 80. Delphine, fille de paysans, monte à Paris pour travailler. Elle croise un groupe de filles survoltées, rieuses et libérées. Elle les rejoint dans des réunions de réflexion et se lie d'amitié avec la "leader" du groupe, Carole, parisienne et professeur d'espagnol, mariée à un militant de gauche. Delphine préfère les filles aux garçons et tombe amoureuse de Carole qui finit par comprendre qu'elle ressent le même sentiment. Elles ne se quittent plus et vivent à Paris leur histoire amoureuse en toute innocence. Mais, le père de Delphine tombe gravement malade et sa mère lui demande de reprendre la ferme familiale. Elle se remet courageusement au travail et invite Carole à partager ses taches éreintantes. La vie à la campagne s'avère dure pour les deux jeunes femmes, obligées de se cacher pour s'aimer. Un matin, la mère de Delphine les surprend enlacées. Elle injurie Carole et la chasse de la ferme. Delphine vit un dilemme : restera-t-elle à la ferme par devoir ou va-t-elle partir avec Carole ? Dur de vivre en ces temps là leur amour au féminin dans le milieu paysan, conservateur et farouchement fermé à la différence... Je ne dévoilerai pas la fin de cette belle histoire d'amour. Ce film audacieux et politiquement incorrect devrait apporter une pierre à l'édifice "Tolérance" et remettre en question les préjugés les plus lamentables.  Un film militant et heureux sur la libération des femmes qui s'aiment...

samedi 12 septembre 2015

"La triomphante"

Teresa Cremisi est plus connue comme éditrice et pas n'importe quelle éditrice. Elle a publié Christine Angot, Houllebecq, Onfray chez Flammarion dont elle était la directrice. Elle signe donc son premier roman, une autobiographie masquée qui lui donne aussi une liberté qu'elle revendique. La première phrase du livre donne le ton : "J'ai l'imagination portuaire". Elle évoque avec amour son Alexandrie natale qu'elle a quittée à l'âge de dix ans. Elle a quitté ce pays lors de la crise du canal de Suez en 1956 alors qu'elle y vivait heureuse avec ses parents. Cette petite fille intrépide raconte cette enfance dorée, parfumée, colorée dans un paradis oriental perdu. Elle baigne dans une culture cosmopolite, brillante voire scintillante. Elle évoque le port égyptien, "un port qui a connu la gloire et l'oubli, une charnière du monde". Ils sont obligés de partir pour l'Italie mais ses parents ne s'adaptent pas à leur nouvelle vie. La dépression de sa mère, une sculptrice reconnue, et les difficultés financières de son père ne minent pourtant pas la jeune adolescente qui se nourrit de littérature. L'Iliade fortifie son caractère, Stendhal l'enchante. Elle saisit sa chance dans une proposition de travail concernant la gestion d'une grande imprimerie et la voilà dans un enchaînement heureux sur le plan professionnel. Bien que ce livre s'intitule roman, Teresa Cremisi relate sa grande réussite dans le milieu éditorial français. Cette femme "triomphante" ne déclame pas son orgueil d'une vie bien remplie. Elle se sent toujours cette "exilée" d'un pays disparu mais qui l'a marquée à vie. Ce récit mi-fictif, mi-réel dégage un charme certain, une élégance toute féminine, et même féministe dans son amour de la liberté et de l'indépendance.  "La Triomphante ", un plaisir de lecture, une écriture sobre et parfois poétique, une vie accomplie d'une femme audacieuse et aussi pleine d'ironie et de doute...  Et quand elle cite un poème de Cavafis sur les années qui passent trop vite, je me dis que j'aurais bien aimé la rencontrer, Teresa Cremisi...

jeudi 10 septembre 2015

Rubrique cinéma

J'avais beaucoup apprécié le dernier film de Paolo Sorrentino, "La Grande Belleza" et je suis allée voir cet après-midi, "Youth" à l'Astrée. Le cinéma raconte rarement des histoires de "vieux", ou de séniors (pour parler plus correctement). Les cinéastes préfèrent évidemment la beauté de la jeunesse... Paolo Sorrentino a choisi deux octogénaires, Fred, le chef d'orchestre compositeur et Mick, le cinéaste en quête de scénario. Ils se retrouvent dans un hôtel de luxe en Suisse dans un décor enchanteur. Fred reçoit un émissaire de la Reine pour un concert commémoratif. Il refuse cet honneur pour des raisons mystérieuses. Son grand complice, Mick, veut réaliser son film-testament et s'entoure de scénaristes dévoués et loufoques. Il veut tourner avec la star de sa jeunesse qu'il a lancée lui-même (interprétée par Jane Fonda).  Des personnages "felliniens" gravitent autour de deux personnages principaux : un jeune acteur en crise qui préfère Novalis au cinéma commercial, un footballeur vedette obèse et essoufflé,  un couple mutique, un moniteur d'escalade poète, etc. La fille de Fred est mariée au fils de Mick et leur séparation sert d'accélérateur dans ce film drôle et amer à la fois. Le cinéaste montre le naufrage de l'âge, les amours perdus et inaboutis, la comédie sociale, la vanité, la petitesse, le cynisme,  la vulgarité. Mick reçoit "son" actrice octogénaire et elle lui annonce son refus du rôle dans le film-testament car elle va tourner une série qui va lui apporter le confort financier. Fred réconforte sa fille qui règle ses comptes avec lui sur son égocentrisme légendaire. Je ne veux pas dévoiler la fin du film et certaines scènes "lumineuses" (le concert final, le vieux footballeur en train de jongler avec une balle de tennis) suggèrent que l'art dans la vie peut lui donner du sens. Un beau film grinçant, ironique, drôle et tellement proustien sur le temps qui passe...

mercredi 9 septembre 2015

"Crépuscule des bibliothèques", suite

Si on aime à la folie : la révolution numérique, les e-book, les liseuses, la documentation sur internet, alors, il ne faut surtout pas ouvrir le livre de Virgile Stark, "Crépuscule des bibliothèques". J'ai évoqué dans le billet d'hier mon métier de bibliothécaire et j'ai mesuré l'évolution fantastique des bibliothèques depuis les fichiers en bois remplis de petites fiches bibliographiques aux catalogues informatisés et aux espaces audiovisuels... Nostalgie, nostalgie quand tu nous tiens ! Pendant ma lecture, j'ai acquiescé et souri en découvrant ses formules percutantes, et même excessivement pessimistes de ce bibliothécaire "archaïque". Selon ce spécialiste, le temps des livres est terminé : beaucoup de paramètres le confirment et j'en ai souvent parlé dans ce blog de "défense" de la culture de l'écrit  : moins de lecteurs, moins de vente et de prêts de livres, des centaines de librairies qui ferment leurs portes, des bibliothèques sans crédits, etc. Il dénonce cette catastrophe intellectuelle : "l'autodafé symbolique a commencé. La nuit tombe sur l'esprit. (...) Le papier brûle. Les livres brûlent. Nos livres. Nos bibliothèques, emportées par la Vague numérique". Son constat fait frémir tout amoureux(se) du papier. Mais son cri d'alarme touche les lecteurs(trices) bousculé(e)s par les managers de l'information, ceux qui se moquent bien de la culture livresque et qui ne vivent qu'à travers le prisme d'un écran, d'une tablette et d'un objet connecté. J'ai relaté ma propre expérience de bibliothécaire chahutée par les nouvelles technologies de l'information. L'ouvrage déborde d'anecdotes et de remarques teintées d'amertume. La bêtise technocratique n'est pas assez critiquée de peur de paraître "dinosauresque" ... Je ne citerai qu'un exemple sur la transformation annoncée des bibliothèques en biblioparcs où "l'homme moderne assouvit son besoin de distraction". J'ai assisté récemment à une scène surprenante  dans la médiathèque de ma ville : un groupe de femmes était réuni pour une séance de... tricotage ! A mon époque, on luttait pour nos droits ! Cette initiative m'a laissée sans voix : je ne savais pas que le tricotage avait gagné ses lettres de noblesse dans un lieu symbolique où l'on vient pour lire, étudier, se cultiver. Pourquoi pas ? Comme je l'entends souvent, il faut créer du lien, du "vivre ensemble", des contacts, de l'humain... J'attends donc des cours de poterie, de cuisine, de vannerie, etc. La bibliothèque deviendra une maison de quartier, ou une MJC, et après, que deviendront les collections de livres ? Virgile Stark refuse cette évolution vers la bibliothèque dématérialisée ou la bibliothèque, lieu de vie sans lien culturel. Sa conclusion sur la disparition annoncée des livres me semble excessive. Je pense que notre communauté des amoureux du livre a encore de beaux jours devant nous, et tenons le pari que le livre, objet "vintage" va peut-être redevenir à la mode ! Pourquoi pas ?

mardi 8 septembre 2015

"Crépuscule des bibliothèques"

Quand je suis retournée à la bibliothèque des Deux-Mondes de La Motte-Servolex, je me suis dirigée vers le présentoir et là, m'attendait un ouvrage que j'ai dévoré dans la journée tellement j'ai retrouvé toutes mes idées et toutes mes sensations concernant le livre et les bibliothèques. Virgile Stark (certainement un pseudonyme) est un bibliothécaire désespéré, attristé, voire épouvanté par le changement qu'il vit dans son métier. Son pamphlet vigoureux, "Crépuscule des bibliothèques" analyse l'invasion du "numérique" dans les lieux du livre et ce réquisitoire m'a vraiment réjouie. Je me sentais un peu isolée quand je travaillais dans une bibliothèque universitaire. J'ai vécu le changement radical de ces lieux de culture, d'information et de formation dans les années 2000 avec l'irruption fascinante d'Internet. Peu à peu, et à pas feutrés, surtout à l'université, les collections "papier" sont remplacées par des collections numérisées dans tous les domaines. J'étais submergée par cette bien-pensance du tout  "dématérialisé". Je formais les étudiants aux bases documentaires informatisées pour leur recherche personnelle. J'étais à la fois captivée par ces nouvelles technologies et agacée par la place essentielle qu'elles prenaient au sein de ces institutions. Les prêts de documents "papier" diminuaient année après année. Nos pauvres livres se sentaient abandonnés. Les réunions de direction ne parlaient que de logiciels, de système de données, de collections numérisées, d'open data, avec tout ce jargon technocratique et informatique qui subjuguaient nos "décideurs". Je me croyais dans une entreprise privée, loin d'un service public au service de l'éducation... Les livres étaient relégués dans les réserves et les ordinateurs envahissaient les espaces. Je constatais que la lecture d'ouvrages ne semblait pas une passion partagée avec mes collègues. L'essai de Virgile Stack relate cette dérive des bibliothèques vers le tout écran, le tout numérique, l'internet globalisé et mondialisé. A quoi bon acquérir des livres ? Internet répond à toutes les questions... Qu'est-elle devenue cette belle identité des bibliothécaires, féru(e)s de culture littéraire et historique, mettant de l'ordre dans les milliers d'ouvrages en les classant par sujets, transmettant aux lecteurs l'amour des livres ? Maintenant, le bibliothécaire d'aujourd'hui se transforme en bibliothécaire-système, en webmaster, en médiateur, en informaticien mais le cœur du métier a peut-être perdu son âme. "Crépuscule des bibliothèques" dénonce cette évolution irréversible vers un monde nouveau sans livres... 

lundi 7 septembre 2015

"Femme fuyant l'annonce"

Malgré la marée montante des nouveautés de la rentrée, j'ai préféré découvrir un roman, publié en France en 2011. Il s'agit de "Femme fuyant l'annonce" de David Grossman dans l'édition de poche du Seuil, ayant obtenu le Prix Médicis Etranger. Le premier chapitre peut dérouter le lecteur(trice) et il faut arriver à la page 67 pour entrer dans l'histoire que nous raconte l'écrivain israélien. Les deux personnages principaux, Ora et Ilian, forment une famille avec leurs fils Adam et Ofer. Les deux garçons ont déjà effectué leur service militaire d'une durée de trois ans mais le fils cadet Ofer décline le projet de voyage qu'il devait faire avec sa mère, récemment séparée de son mari. Il a signé pour une mission spéciale d'un mois sans lui parler de cette grave décision. Ora souffre de cette désertion-trahison car elle avait préparé cette randonnée pendant six mois. Pourtant, elle ne renonce pas et elle décide de partir en ressentant un trouble intuitif pour ce fils trop volontaire. Elle invite son amour de jeunesse, Avram, un homme broyé par la guerre israélo-palestinienne. Lors de cette escapade à travers les collines du pays, Ora révèle le secret de la naissance d'Ofer car Avram est son père naturel, mais il n'a jamais rencontré le garçon. La mère d'Ofer aimait ces deux hommes et après sa séparation avec Ilian, elle a choisi cet homme pour faire renaître l'amour lors de cette traversée physique et surtout psychologique. Elle fuit le présent, qui représente une menace effrayante pour son fils parti en mission. Et comme Avram ne sait rien de ce fils inconnu, elle lui raconte son enfance complexe, sa vie familiale chaleureuse, ses relations fusionnelles avec son frère, son engagement militaire. Les deux amants marchent, parlent, marchent, parlent et finissent par se retrouver à travers ce fils en danger de mort. Il faut se laisser emporter par le souffle romanesque de l'écrivain presque sans respirer... Ora veut empêcher la réalité de surgir car elle sait que la douleur va déferler dans sa vie. Ce roman parle de bilan de vie, d'angoisse, de la difficulté d'aimer, de vivre dans un pays en guerre. Quand la randonnée se termine, la vie bascule pour Ora. Pour découvrir ce grand roman, il faut s'y préparer comme on entreprend un voyage dans une zone d'inquiétude. Un grand roman à découvrir pour comprendre l'immense complexité de l'amour maternel, de la perte et du deuil. Cette randonnée en montagne ressemble à une plongée dans le tourbillon de l'Histoire du côté d'un pays en insécurité permanente...

vendredi 4 septembre 2015

Rubrique philosophie, 2

Ce soir, fin du "marathon philosophique" avec Daniel dans le cadre des "JADES", toujours au Covet du mardi 14h au jeudi 17H : une vingtaine d'heures de cours et d'échanges pour une "Histoire expliquée et commentée de la philosophie". Notre professeur nous a donné un dossier signé de sa main reprenant les périodes histoiriques, les plus grands philosophes, les concepts majeurs. De l'Antiquité au XXe siècle, j'ai compté une bonne centaine de noms mais nous n'avons traité que les "phares". La philosophie se partage en six grands chapitres : l'Antiquité, la pensée médiévale (800-1500), la Renaissance, l'époque classique et les Lumières (1600-1800), le XIXe et le XXe siècles. Ce découpage temporel permet une approche logique de l'histoire philosophique, mais notre animateur a manifesté un bel esprit pédagogique en survolant 3000 ans de pensée et en insistant sur l' articulation entre toutes ces périodes induisant des changements irréversibles. De l'Antiquité à la fin du XIX, la philosophie se préoccupait de Dieu, surtout, et de l'homme, ensuite, l'instant de la Métaphysique. Puis, à partir du XVIIe, Descartes a effectué un retour à l'homme avec son "je pense donc je suis", a posé le principe du doute. Le XIXe a émancipé l'homme de Dieu avec l'idéalisme allemand et le matérialisme scientifique (Darwin, Marx, Freud). Les plus grands philosophes selon notre "référent" fonctionnent en binôme : Platon et Aristote, Montaigne et Erasme, Descartes et Pascal, Spinoza et Leibniz, Rousseau et Diderot, Kant et Hegel, Schopenhauer et Nietzche, Marx et Freud, figures majeures de la philosophie occidentale. Evidemment, les commentaires sur ces penseurs ne pouvaient pas durer longtemps, car il fallait présenter les concepts essentiels et rien de remplace un médiateur pour développer avec une patience infinie des notions indispensables pour comprendre ce monde mental : le en-soi et le pour-soi, l'objet et le sujet, le divin et l'humain, la raison et la croyance, l'inné et l'acquis, etc. Toutes ces heures de cours d'une intensité rare m'ont permis d'appréhender l'histoire de la philosophie des origines à nos jours, dans un souci de clarté, de répétitions nécessaires pour raconter cette belle histoire de la pensée occidentale. Des heures utiles et denses pour une vingtaine d'apprentis philosophes !

mercredi 2 septembre 2015

Rubrique Philosophie, 1

J'ai toujours porté un grand intérêt à la philosophie. Quand j'étais au lycée de Bayonne en 1970, j'ai rencontré un professeur assez original (c'était l'époque de l'après-mai 68). Il a refusé de nous donner des cours magistraux, remettant en cause son pouvoir de maître et nous a demandé de travailler en petits groupes. Quand nous voulions des éclaircissements, il intervenait et nous encourageait à découvrir par nous-mêmes l'histoire de la philosophie, les concepts, les idées, etc. J'ai su par la suite qu'il avait abandonné l'Education nationale et qu'il vivait dans une communauté montagnarde. Cet enseignant quelque peu non académique a marqué mon imagination. Passionnée de littérature, j'ai poursuivi mes études en Lettres Modernes, mais à l'époque, je n'ai pas pensé à m'inscrire en philosophie, matière trop abstraite à mes yeux, souvent élitiste et réservée aux meilleurs. Plus tard, dans le cadre professionnel, j'ai constitué des collections de philosophie, même si j'avais peu de lecteurs intéressés par cette matière à la réputation inabordable. La philosophie fait partie de l'ADN des librairies et des bibliothèques. J'ai aussi lu des ouvrages de vulgarisation, d'explication, de commentaires et je suis abonnée à la revue "Philosophie magazine". Ma passion de la Grèce antique est née de mon admiration pour les penseurs éblouissants de cette époque : Socrate, Platon, Aristote. Si j'apprends le grec ancien depuis deux ans, c'est pour essayer de retrouver les sources de notre civilisation occidentale. Depuis janvier, j'ai rejoint un cours de philosophie, proposé par l'association du Covet à Chambéry. Je ressens un vrai plaisir intellectuel en suivant cet apprentissage, donné par un ancien professeur de philosophie. Je rajeunis en me retrouvant dans un amphi de la Maison des Associations, écoutant avec une attention décuplée les cours que je comprends mille fois mieux que dans ma jeunesse... On a tous besoin de ces moments de réflexion, d'interrogation, de contemplation et je profite enfin de temps libre, mon temps de "retraitée", pour plonger avec délices dans les méandres de la pensée humaine depuis trois mille ans...

mardi 1 septembre 2015

Revue de presse

Les revues littéraires évoquent comme toujours la déferlante des nouveautés de la rentrée : près de 600 titres, français et étrangers. Le Magazine littéraire a sélectionné les meilleurs romans de septembre et on retrouve les mêmes noms que dans la revue Lire : C.  Angot, L. Binet, D. de Vigan, M. Enard, E. Holder, D. Grossman, D. Meur, C. Martinez, B. Sansal, T. Morrison. L'entretien concerne Martin Amis, un écrivain britannique, "rompu aux polémiques, amateur de paradoxes" qui publie un roman satirique sur Auschwitz, "La zone d'intérêt", refusé par Gallimard. La revue a choisi Emile Zola dans son dossier central pour son engagement politique ("J'accuse") et sa recherche du réel (la saga des Rougon-Macquart). Il est classé tout de même en troisième position dans la liste des écrivains préférés des Français après Victor Hugo et Molière. J'ai lu quelques Zola quand j'étais étudiante en lettres et notre professeur de littérature n'appréciait guère le style et le monde décrit par Zola... Il pointait sans arrêt les faiblesses dans "Germinal" et je trouvais cette approche injuste et un peu méprisante. Depuis, j'avoue que je ne l'ai pas relu mais je vais m'y remettre dans les années à venir... La deuxième revue, "Transfuge" met à l'honneur "leurs écrivains préférés", souvent sulfureux et, connaissant le parti pris original et branché de la rédaction, je n'ai pas été étonnée de trouver Simon Liberati en converture. Son roman baudelairien, "Eva" évoque sa compagne, une figure du Palace parisien, le monde de la fête et de la drogue. C'est le livre-fétiche de Transfuge : pas du tout sage et classique, Simon Liberati ! D'autres écrivains font l'objet d'articles : C. Angot, M. Amis, C. Dantzig, S. Chalandon, etc. La rubrique cinéma, toujours aussi riche, analyse les films de la rentrée dont le "Dheepan" de Jacques Audiard. La rentrée littéraire est riche de surprises, faite de "tops et de flops" selon les critiques. Le mieux à faire, c'est de découvrir par soi-même les romans les plus prometteurs...