jeudi 29 mars 2012

Hommage à Antonio Tabucchi

Un immense écrivain italien est mort ce dimanche à Lisbonne d'une "longue maladie". Quand je suis tombée sur cette information en consultant Internet, j'ai ressenti un regret et un sentiment de perte. Il avait à peine 68 ans et son oeuvre aurait encore grandi vers des sommets d'intelligence et de lucidité extraordinaires. Né en 1943 à Pise, Antonio Tabucchi a découvert Fernando Pessoa au hasard dans une librairie à Paris et cette découverte a changé sa vie. Il a traduit Pessoa en italien et il est devenu encore plus portugais que les Portugais de Lisbonne. Ses romans ont rencontré un succès d'estime et un prix Medicis l'a fait connaître du public en 1989 avec "Nocturne indien", adapté au cinéma par Alain Corneau. J'attendais la sortie du "Tabucchi" comme un Philip Roth, un Pascal Quignard. Chacun des romans de Tabucchi me fait réfléchir, grandir, rêver, admirer, et bien d'autres verbes relevant du bonheur de lecture, une impression de lire un ami génial avec qui on partage des idées communes... Peu d'écrivains procurent un effet de proximité à ce point. Il faut lire absolument "Requiem", "Pereira prétend", "Tristano meurt" et son dernier "Le temps vieillit". J'ai lu attentivement les articles de Libération et du Monde sur sa disparition. Bernard Comment, son traducteur et ami, dit "Avec lui, on se sentait plus fort, plus intelligent. On se sentait protégé de la bêtise et de la médiocrité. Il fut par-dessus tout un homme courageux. Très courageux. Il savait trop la réalité des tyrannies, fascites ou autres.(...) C'est une énorme perte. Mais ses livres restent. Et nous permettent de mieux voir le monde." Je me souviens des colères de Tabucchi contre cet histrion de Berlusconi. Ses livres sont parcourus de méditations sur le temps et la mémoire, sur la sombre Histoire broyeuse des destins individuels, sur la notion d'identité multiple en la personne de Pessoa. Il m'a fait connaître évidemment Pessoa et son "Livre de l'intranquillité". Dans ma bibliothèque, je conserve les ouvrages des écrivains que j'aime et que je lis et relis sans cesse. Tabucchi fait partie de mon Panthéon personnel, côté frères de plume, comme Albert Camus et Milan Kundera. J'espère qu'il rentrera dans la Pléïade le plus vite possible... Il va retrouver Fernando Pessoa attablé dans un café d'une Lisbonne reconstituée dans le Paradis des écrivains...